En industrialisant l’élevage, l’agriculture du XXème siècle a éloigné les animaux de leurs besoins naturels, et les a soumis à des conditions de vie violentes. Pourtant, les animaux d’élevage ressentent des émotions, et même des émotions positives ! C’est ce qu’étudie un groupe de chercheurs qui s’est donné pour mission de faire progresser le bien-être animal en élevage.
Alain Boissy et ses confrères, membres du réseau INRA Agribea, oeuvrent pour une meilleure compréhension des capacités cognitives des animaux d’élevage. Car, si l’on comprend mieux comment l’animal interagit avec son environnement – en particulier, les émotions qu’il ressent – il devient plus facile de rendre les conditions d’élevage plus agréables pour lui. Bienvenue dans l’univers passionnant de l’éthologie, la science de l’étude du comportement animal !
Être sensible, être capable d’émotions
La science reconnaît désormais le statut d’être sensible aux mammifères, aux oiseaux et aux poissons. Ces animaux sensibles ressentent donc des émotions. Lorsque l’on est confronté à un animal blessé, il nous paraît évident que celui-ci peut ressentir des émotions négatives comme la douleur, ou encore la peur. Et certaines de ces émotions négatives sont fréquentes en élevage.
Les chercheurs ont donc étudié le comportement de moutons et de cailles lorsqu’ils sont soumis à des événements stressants et susceptibles de se produire en élevage : changement brutal de congénères, bruits soudains, isolement… Aucun de ces événements n’était douloureux. Les comportements de ces animaux ont ensuite été comparés à ceux de leurs congénères non stressés.
Aucun doute possible, les animaux « stressés » deviennent pessimistes ! Ils surestiment les conséquences négatives d’un événement donné (par exemple lorsque le seau de nourriture est changé de place). Ils apprennent aussi moins vite que leurs congénères « non stressés ». Un stress répété, même non douloureux, a donc des conséquences réelles sur la vie émotive d’un animal, et donc sur ses comportements sociaux avec les membres de sa propre espèce et avec l’homme.
Des émotions positives pour un élevage plus respectueux et plus facile
Heureusement, rien n’est définitif. Il est possible d’atténuer les conséquences liées au stress en enrichissant l’environnement de l’animal, c’est-à-dire en lui permettant de ressentir des émotions positives.
Les animaux d’élevage montrent très clairement des préférences : si les vaches préfèrent se coucher sur un sol meuble et confortable et apprécient de disposer d’une grande brosse dans leur bâtiment d’élevage pour se gratter, les poules préfèrent les cages enrichies (avec un nid, un perchoir…) aux cages conventionnelles (grillage nu).
Il est donc possible, et facile, de faire en sorte que les animaux se « sentent bien » sans exiger un investissement, en temps et en argent, trop important aux éleveurs. Les conduites d’élevage du futur devront intégrer des pratiques permettant aux animaux de ressentir des émotions positives. Il y a fort à parier que tout le monde ait à y gagner, y compris l’éleveur, qui disposera d’une relation plus sereine avec ses bêtes.