Le 12 juin dernier, la refonte des textes pour le régime d’asile européen commun (RAEC) a été votée au Parlement Européen. Ce projet, en négociations depuis quatre ans, a pour ambition de créer une procédure d’asile commune pour ainsi garantir une protection civile aux demandeurs d’asile. Toutefois le RAEC se présente comme un défi tant concernant l’harmonisation difficile des 27 pays de l’UE sur la question du droit d’asile que sur la pertinence de la réalisation de ce projet.
Parmi les 42,5 millions de personnes déplacées dans le monde en 2011, 15,2 millions étaient des réfugiés
Le droit d’asile est une préoccupation fondamentale des droits de l’homme, défini en 1951 par la Convention de Genève. Ce texte applique le terme réfugié à une personne qui, « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité, et qui ne peut ou […] ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». L’Union Européenne est aujourd’hui la destination privilégiée des demandeurs d’asile ; 330 000 demandes ont été enregistrées en 2012. Mais si l’Europe leur ouvrait davantage ses frontières dans les années qui ont suivi l’application de la Convention, elle s’est depuis fortement restreinte à l’accueil des étrangers. Ainsi, alors que 1,7 million de réfugiés sont reconnus vivre au Pakistan, ils sont seulement 1,3 million à être dispersés dans les 27 pays de l’Union Européenne. Avec un taux de rejet de 65% en 2010, il est difficile pour un demandeur d’asile d’obtenir le statut de refugié en Europe.
Une révision législative nécessaire
Les pays européens pratiquent l’externalisation de l’asile, soit la délocalisation de l’hébergement des demandeurs d’asile, en plus du traitement de leurs demandes, dans les pays limitrophes de l’UE. Voté en 2003, le règlement Dublin II détermine l’Etat membre de l’UE responsable de l’examen des demandes. En l’occurrence, il établit que les étrangers ne peuvent réclamer l’asile en UE que dans leur premier pays de passage. Accompagné d’Eurodac, une base des données biométriques des demandeurs d’asile – qui est très controversée pour son approche des droits humains – Dublin II est souvent responsable du transfert de migrants d’un pays de l’UE au premier pays visité. Les petits pays de l’UE, faibles économiquement, comme la Grèce, sont souvent ces premiers pays d’accueil et présentent un dysfonctionnement du système européen. Tandis que le traitement des dossiers traine sur plusieurs mois – voire années – et que les migrants sont entassés dans des camps, la protection des demandeurs d’asile est notamment freinée par la xénophobie populaire exercée. Rihana, une migrante afghane émigrée à Athènes, vit dans une seule pièce avec trois autres familles. Elle témoigne, « on vit comme des animaux […] nous avons peur que les fascistes nous attaquent ; pour nous cet endroit est comme un second Afghanistan ».
Des avis divergents
Le projet d’un régime d’asile européen a été décidé en 1999 lors du sommet de Tampere. Mais ce n’est qu’en 2008 que les négociations ont vraiment commencé, lorsque la Commission Européenne a remis en cause le système Dublin-Eurodac et proposé de l’amender. Les décisions proposées dans le RAEC harmonisent enfin le droit de l’asile au sein de l’UE. Parmi les améliorations majeures se trouvent le délai du traitement de dossier limité de trois à six jours, la réduction de douze à neuf mois sur le territoire pour pouvoir bénéficier du droit de travail ou encore la protection des mineurs non accompagnés. Cette nouvelle réforme a été bien accueillie selon Sylviane Guillaume, vice présidente du groupe Socialistes & Démocrates au Parlement Européen, qui définit le RAEC comme « un succès politique et réussi ». Elle félicite cette réalisation qui renforce la confiance entre les Etats membres et facilite la procédure des demandes d’asile. Néanmoins cette révision est modérée. La disparité européenne reste un frein important ; le Royaume Uni notamment craint les coûts supplémentaires liés à ce projet.
L’association française Forum réfugiés-cosi relève le manque de clarté du texte. Celui-ci ne garantit toujours pas la sécurité totale des demandeurs d’asile dans les pays d’accueil, car sa définition des motifs de placement en rétention reste vague, ce qui « ouvre la possibilité d’une rétention systématique des demandeurs d’asile dans certains pays européens, au lieu d’en faire une pratique exceptionnelle ».
Ne modifiant que bien peu le règlement Dublin II, cette nouvelle architecture du régime d’asile en Europe s’avère de manière générale décevante. Il faudra attendre la transposition de ces directives dans les droits nationaux, d’ici 2015, pour estimer l’efficacité de ce projet européen.