La PCP (Politique Commune des Pêches) est à la mer ce que la PAC (Politique Agricole Commune) est à la terre. Elles déterminent l’orientation des politiques de l’Union Européenne en matière de pêche et d’agriculture. Bien que leur importance soit cruciale pour ces filières, le citoyen européen n’y comprend pas grand chose. Essayons d’y voir plus clair en abordant les points cruciaux de la réforme de la PCP votée le 6 février dernier.
La première version de la Politique Commune des Pêches (PCP) a 30 ans cette année. Adaptée une première fois en 1992, puis en 2002, elle connaît une nouvelle réforme depuis 2009. Après quatre ans de discussions entre la commission européenne pour la pêche, le parlement européen et le conseil des ministres européens, un compromis a été adopté. Deux notions sont emblématiques de cette réforme : le « rendement maximal durable » et le « zéro déchets ». Concrètement, qu’est-ce que cela va changer pour les pêcheurs européens ?
Sans poisson, pas de pêcheur et inversement !
L’Europe attribuait les mauvais résultats des précédentes réformes a des problèmes structurels de la filière : des bateaux en surcapacité pêchaient sans objectif concret de prise de poisson, avec une vision à court terme des stocks. Le secteur privé ne prenait pas ses responsabilités, et les politiques laissaient faire. Le constat est sans appel : 39% des stocks de poissons de l’Atlantique et 88% des stocks de Méditerranée sont surexploités. Comme l’opinion publique, les institutions européennes, ont désormais pris la mesure de cette surpêche et la réforme 2013 semble à la hauteur des enjeux.
La mise en œuvre du rendement maximal durable (RMD) doit permettre de juguler cette surexploitation. Il détermine le niveau de pêche auquel on peut soumettre un stock halieutique, sans compromettre la reproduction des animaux, ce qui permet de préserver les ressources. « Il s’agit de toucher aux intérêts du capital et surtout pas au capital lui-même » explique Alain Cadec, député européen et vice-président de la commission de la pêche. Les ONG sont insatisfaites de la manière dont ce RMD est calculé – il ne prend en compte que la pêche comme facteur de variation des stocks, et omet les autres causes biologiques (maladie, réchauffement climatique…) – mais saluent l’avancée notable vers une pêche durable. L’Union européenne est plutôt une bon élève en la matière, surtout quand on la compare à la Russie, la Chine, les Philippines ou encore à l’Indonésie, qui pillent des stocks de poissons au large des côtes africaines notamment.
Fini le rejet de poissons morts dans les océans
Si le principe du RMD fait l’unanimité, le « zéro déchets » ne compte pas que des partisans. Entre 10 et 60% des poissons pêchés en mer (25% en moyenne) sont remis morts à l’eau. Il s’agit d’espèces non commercialisables, qui sont pris dans des pêches accessoires, c’est-à-dire involontaires. Ces rejets sont intolérables non seulement pour des raisons éthiques, mais parce qu’ils provoquent un gaspillage conséquent de protéines et de ressources. La réforme 2013 introduit un débarquement obligatoire de ces rejets. Les poissons non commercialisables en l’état seraient transformés en farines animales pour l’alimentation des poissons d’aquaculture. « Cette mesure est inapplicable, les bateaux et les ports ne sont pas adaptés. Il vaut mieux trier sur le fond que sur le pont » affirme Alain Cadec. Plutôt que de financer une nouvelle filière de transformation des poissons en farines, l’eurodéputé plaide pour une meilleure sélectivité des engins de pêche, afin d’éviter au maximum les pêches accessoires. Certains voient dans cette mesure du « zéro déchets » un moyen détourné de financement de l’aquaculture et non une protection des fonds marins.
Quoi qu’il en soit cette réforme 2013 compte de belles avancées vers une pêche durable. Et dans 20 ans, où en seront nous ? Pour Stéphan Beaucher, conseiller politique d’Ocean 2012 (une coalition européenne d’ONG qui œuvre pour la réforme de la PCP), le rêve est permis : « La pêche sera plus viable économiquement. Les stocks de poissons seront reconstitués. Le secteur sera attractif et constituera une source d’emploi ». Une note d’espoir qui fait du bien !