L'avis des bêtes
11H23 - lundi 8 juillet 2013

Lorsqu’ils ne passent pas à la casserole, beaucoup d’animaux souffrent d’expériences peu scientifiques

 

Samedi 6 juillet, des associations citoyennes ont manifesté à Paris pour les droits des animaux. En l’occurrence, il s’agissait de lutter contre le transport d’animaux vers les laboratoires par Air France-KLM, qui en est le premier transporteur au monde. Et pour cause. Dans les industries pharmaceutique et cosmétique, nombreuses sont encore les entreprises à entreprendre des tests sur les animaux avant de commercialiser leurs produits pour l’homme. Mais est-ce scientifique ? plus que cela, est-ce nécessaire ?

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L’expérimentation animale, une pratique très répandue

Dès l’Antiquité, l’homme a mené des expérimentations sur les animaux, pour tenter de mieux comprendre son environnement, comment le modifier et l’adapter à ses besoins. Le laboratoire est devenu le milieu par excellence de ces expériences scientifiques – qu’elles soient physiques, biologiques, ou médicales. Il était jugé nécessaire de tester les médicaments sur des animaux avant de les commercialiser pour les êtres humains, et il en a été de même avec les produits cosmétiques.

 

Depuis une trentaine d’années, cependant, les mentalités ont évolué. Les populations civiles se mobilisent contre la pratique de tests sur les animaux, une pratique déjà encadrée par diverses lois de protection des animaux. En 2010, l’Union Européenne a adopté une directive restreignant l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques.

 

Ainsi, L’Oréal affirme avoir cessé tout test de ses produits sur des animaux dès 1989, mais reconnaît effectuer encore 1% de ses évaluations de sûreté sur des animaux. Bien que le nombre d’animaux de laboratoire ait fortement baissé ces dernières années, encore 12 millions d’animaux sont ainsi utilisés chaque année en Europe, selon l’organisation Humane Society.

 

Le mot d’ordre aujourd’hui : réduire la souffrance animale

Les émotions animales sont désormais reconnues, et notamment leur expérience de la souffrance, de la peur, de l’angoisse et du stress. L’Inserm (l’Institut national de la santé et de la recherche médicale) établit que les animaux de laboratoire, étant des « êtres sensibles », doivent se voir assurer la meilleure protection possible. Ainsi, sans interdire complètement les tests sur les animaux, le consensus législatif consiste pour l’instant à « réduire au minimum le nombre d’animaux, la douleur, la souffrance et l’angoisse infligées » – en d’autres termes, les animaux sont anesthésiés lors des tests. Ce qui est déjà plus éthique.

 

Depuis plus de vingt ans, des comités d’éthique se sont créés en France, afin de s’assurer que les expérimentations animales sont conduites dans le respect des animaux. La démarche éthique, en Europe et en Amérique du Nord, s’appuie sur le « principe des 3 R », élaboré en 1959 : réduire, raffiner, remplacer. Il s’agit de réduire le nombre d’animaux testés, de raffiner l’expérimentation en infligeant le moins de mal-être à l’animal pour les meilleures résultats possibles, et de remplacer, aussi souvent que possible, l’animal vivant par un modèle alternatif.

 

La nécessité très controversée de l’expérimentation animale

Car les alternatives existent. En fonction de ce qui est recherché, les scientifiques peuvent tester leurs hypothèses in vitro (sur des cellules en culture), ex vivo (sur des organes isolés), ou encore in silico (par des modèles informatiques de prédiction). Les fabricants de produits cosmétiques, en l’occurrence, utilisent principalement des tests in vitro concernant l’irritation ou la corrosion de la peau ou des yeux, la sensibilisation cutanée, la perturbation endocrinienne, etc. qui représentent de réels risques pour les humains. Grâce à la présence de telles méthodes, l’UE a pu interdire complètement les tests de produits et ingrédients cosmétiques sur les animaux en 2010.

 

Cependant, selon certains chercheurs, ces méthodes alternatives ne suffisent pas pour la recherche médicale ; il est nécessaire de valider les hypothèses sur des êtres vivants, afin de prendre en compte toute leur complexité. Contrairement à ce que disent leurs détracteurs, il ne s’agit pas d’une décision financière. A l’inverse, utiliser des animaux pour l’expérimentation scientifique coûte cher, puisque cela implique avoir un personnel capable de prendre soin de ces animaux – ayant la formation adéquate et étant disponible 24h sur 24.

L'une des campagnes de l'association américaine PETA contre les tests sur les animaux.

L’une des campagnes de l’association américaine PETA contre les tests sur les animaux.

 

La société civile massivement opposée à l’expérimentation animale

La société de cosmétiques naturels LUSH a notamment basé toute sa stratégie marketing sur une politique de refus de l’expérimentation animale. Elle affirme que toute sa gamme de produits est le fruit d’une combinaison d’ingrédients naturels, d’huiles essentielles et de produits synthétiques sûrs. Elle refuse ainsi de travailler avec des entreprises qui utilisent les tests sur les animaux, même lorsque le produit voulu n’est pas lui-même testé sur des animaux. Cette politique, avec les campagnes menées par LUSH, attire fortement les consommateurs défenseurs des droits des animaux, et les vendeurs de la marque partagent cette éthique de l’entreprise. Ashley, vendeur LUSH en Angleterre, a confirmé à Opinion Internationale que travailler dans cette entreprise avait été un choix réfléchi : promouvoir ses produits bios et sensibiliser aux droits des animaux sont très importants pour lui.

 

Les campagnes contre l’expérimentation animale sont nombreuses : l’initiative citoyenne Stop Vivisection, le mouvement civique One Voice pour une éthique animale et planétaire, l’Association pour la Libération Animale (ALARM), entre autres, luttent pour l’abolition de toutes formes d’exploitation animale. Cette société civile, européenne, demande que les décisions éthiques soient renforcées afin d’allouer davantage de fonds à la recherche scientifique, et ainsi développer les nouvelles méthodes de recherche biomédicale.

 

Parallèlement, ces associations appellent les compagnies aériennes à ne pas transporter d’animaux destinés aux laboratoires. Le transport, surtout par avion, entraine un réel stress chez les animaux, qui se traduit par la perte de poids. De nombreuses compagnies aériennes ont, ces dernières années, décidé d’arrêter de contribuer à l’expérimentation animale. Après avoir cessé le transport de chiens et chats en 2010, Lufthansa s’est engagé en 2011 à cesser également celui de primates. Air France-KLM, de son côté, continue de transporter ces animaux. Ainsi placée en première position au niveau mondial, il est peu sûr que la mobilisation organisée par Air Souffrance le 6 juillet fasse changer la compagnie aérienne de politique en matière de protection et de droits des animaux.

Journaliste à Opinion Internationale et coordinatrice de la rubrique La Citoyenne.

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