Le dimanche 7 juillet, Nasrin Sotoudeh, célèbre avocate des droits de l’homme iranienne, a dû retourner à la prison Evin, après quatorze jours de libération. Prisonnière politique depuis déjà trois ans, elle fait figure d’exception dans le paysage des activistes politiques en Iran par le dur traitement qu’elle reçoit des autorités.
Celle qui, par deux fois, a représenté la Prix Nobel de la paix 2003 Shirin Ebadi, a été condamnée en 2010 à 11 ans de prison (plus tard réduits à 6 ans), 20 ans d’interdiction d’exercer son métier d’avocate et 20 ans d’interdiction de voyager. Les charges à son encontre, montées de toutes pièces par le système judiciaire iranien, évoquaient une « atteinte à la sûreté nationale » et de la « propagande contre le régime ». En l’occurrence, elle avait en 2010 parlé à des médias néerlandais puisqu’elle était l’avocate de Zahra Bahrami, une citoyenne irano-néerlandaise qui avait participé aux manifestations de décembre 2009 contre le scrutin présidentiel de juin 2009. Zahra Bahrami sera finalement exécutée en janvier 2011.
Une libération temporaire « non extraordinaire » mais déjà une certaine victoire
Le Maître de conférence en Politique du Moyen-Orient et Relations Internationales à l’Université d’Exeter en Angleterre, Afshin Shahi, explique que lors de jours à la signification religieuse particulière, il n’est pas rare que le gouvernement iranien décide soit de libérer quelque temps, soit de gracier, certains prisonniers politiques. Le 23 juin dernier, Sotoudeh a bénéficié de cette politique, et est sortie de la prison Evin au côté de la journaliste et activiste des droits des femmes iranienne Jila Baniyaghoub – qui, elle, venait de terminer sa sentence.
Alors que sa libération temporaire, de quatre jours, n’avait donc « rien d’extraordinaire » selon Shahi, il s’agissait néanmoins d’un traitement gouvernemental auquel Sotoudeh n’a pas été habitué. En effet, elle n’a eu le droit de sortir d’Evin qu’une seule fois depuis son emprisonnement, laissant son mari et ses jeunes enfants dans une certaine ignorance de son état – un état de santé particulièrement détérioré par plusieurs grèves de la faim, qu’elle a menées en protestation contre ses conditions de détention. Enfin, selon Shahi, elle n’aurait eu droit de sortir qu’une heure de la prison lors des funérailles de sa mère.
Un avenir qui s’annonce encore sombre
Sotoudeh a finalement été autorisée à rester ‘libre’ 14 jours, pendant lesquels les autorités iraniennes lui ont fait miroiter une libération totale. Son mari, Reza Khandan, raconte à la International Campaign for Human Rights in Iran : « Nous pensions que la situation allait changer quelque peu après les élections, qu’ils seraient plus tolérants avec les prisonniers politiques ». Mais le procureur a finalement sommée Sotoudeh de rentrer en prison.
Bien que la mobilisation de la communauté internationale et des avocats des droits de l’homme appelant à sa libération ait été intense ces trois dernières années, le gouvernement iranien l’a parfaitement ignorée. « Lorsqu’il s’agit du pouvoir judiciaire iranien, rien n’est prévisible », déplore Shahi. « Il est arrivé qu’ils libèrent des prisonniers politiques après un an ou deux seulement [notamment parmi les milliers de personnes arrêtées lors des manifestations de 2009], mais dans d’autres cas les prisonniers restent en prison jusqu’à la fin de leur sentence ».
Shirin Ebadi a partagé ses inquiétudes en juin quant au sort de l’avocate : « J’espère que Nasrin Sotoudeh sera libérée au plus tôt, car elle est innocente, au sens le plus vrai du terme… Nous ne pouvons qu’attendre et voir ce que lui réserve l’avenir ».