En raison de liens avec les politiques ou les industriels, il est absolument valide de se poser la question de la liberté de la presse en Italie. Le 28 juin, un nouvel acte s’est joué en faveur d’une plus forte alliance entre presse et industrie : Fiat Group a annoncé doubler sa participation dans le capital de RCS, l’un des plus grands groupes éditoriaux italiens. Contrôler un colosse tel que le quotidien Il Corriere della Sera, défini ‘stratégique’, est l’intention du groupe dirigé par Sergio Marchionne. Mais pourquoi un groupe automobile devrait-il s’engager dans la presse?
Sans aucun doute Fiat, qui détient déjà le quotidien turinois La Stampa, deviendrait un remarquable pôle d’influence politique et d’information en contrôlant également RCS. Mais, compte tenu de sa situation financière, des problèmes éthiques se posent. En comparaison de ses succès aux Etats Unis (où ont été lancés six nouveaux modèles de voiture et où le modèle 500 est considéré un chef-d’œuvre), les ouvriers italiens de Fiat vivent un cauchemar. Fiat Group est en crise profonde en Italie. L’entreprise va y fermer des usines, et la production de l’usine Termini Imerese, en Sicile, a été transférée en 2011 en Serbie et Pologne. Aussi, sa capacité à détenir 20,135% du capital du groupe RCS a soulevé plusieurs doutes.
En premier lieu par Diego Della Valle. Le patron de la marque de chaussures Tod’s, qui possède 8,8% du capital du groupe éditorial, craint d’y perdre sa sphère d’influence. Or, RCS est en charge de Il Corriere della Sera, le journal le plus prestigieux d’Italie – et plus simplement l’information dans ce pays. Ces liens entre médias et pouvoir économique sont le signe d’une situation déjà peu claire à l’égard de la liberté de la presse.
Des liens historiques presse-industrie-politique
En Italie, une certaine tradition de liens entre industrie (également liée à la politique) et presse remonte à loin. En juillet 2011, Silvio Berlusconi a été condamné à payer 560 millions d’euros à Carlo de Benedetti. L’ex-premier ministre avait corrompu les juges, au début des années 1990, pour ne pas permettre à Benedetti (qui possède aujourd’hui le quotidien La Repubblica) d’acquérir le groupe Mondadori.
Berlusconi, ancien premier ministre italien, contrôle le monde des médias italiens. Grâce à son poids politique, il a obtenu en 1992 d’émettre ses chaines de télévision sur tout le territoire national. Il s’agissait du premier groupe privé à l’obtenir. Aujourd’hui il contrôle aussi bien la télévision publique (RAI) que des chaînes privées. Une position de monopole qui n’a pas son pareil dans le monde. Même La7, la seule chaîne qu’il ne contrôlait pas, vient d’être achetée en mars dernier par Urbano Cairo (Cairo Group, hebdomadaire), son ancien secrétaire.
La liberté de la presse en grand danger
En outre, Berlusconi a introduit un délit de presse qui ressemble davantage à un crime de lèse-majesté et qui ipso facto bâillonne les journalistes. Aujourd’hui en Italie, un journaliste peut être emprisonné pour diffamation. Une peine de détention qui, le 29 mai dernier, a été définie « inacceptable et qui doit être dépénalisée » par Dunja Mijatovic, Représentante pour la Liberté des Médias à l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe).
Pour cette raison, l’Italie est descendue à la 57ème place (sur 179 pays) au classement de la liberté de la presse dans le monde. Créé en 2009, Il fatto quotidiano est le seul quotidien qui, pour écrire en totale liberté, a fait appel aux financements des lecteurs. Son combat, si exceptionnel dans le paysage médiatique italien, semble digne de David contre Goliath.
Raffaele di Noia, journaliste italien