En mai dernier la Commission européenne a interdit trois pesticides dits néonicotinoïdes, jugés responsables de la disparition des insectes pollinisateurs. Les abeilles sauvages ou de ruches sont emblématiques de ce phénomène. Depuis plusieurs années, ces dernières ne cessent de mourir ou de disparaître, au grand regret des apiculteurs. Les pesticides sont ils les seuls responsables ? Quelles sont les diverses causes de cette disparition ?
Aujourd’hui en France, on comptabilise plus de mille espèces d’abeilles différentes. Pour se nourrir, celles-ci récoltent le pollen de diverses plantes et, sans que ce soit leur but premier, les pollinisent. Toutes participent au maintien de la biodiversité, mais une seule espèce est productrice du miel que nous consommons : l’abeille de ruche, ou Apis mellifère. À partir du pollen, cette dernière construit son habitat et peut fabriquer de la cire, de la propolis, de la gelée royale ou encore du miel.
Un maillon inestimable de notre écosystème?
La Commission européenne étend les bienfaits des abeilles à leur rôle économique. Elle estime à 22 milliards le chiffre d’affaire des abeilles en Europe, et à 3 milliards en France. Cela s’explique essentiellement par le rôle principal de ces insectes dans la chaîne alimentaire. Des fleurs pollinisées se confectionnent les fruits que nous mangeons. Ainsi on établit que 35% de toutes nos ressources alimentaires dépendent des pollinisateurs. « Vous imaginez, s’il n’y a plus d’abeilles, fondamentalement l’humanité ne pourra plus se nourrir ! C’est une pensée effrayante, » témoigne Rachel Benson, apicultrice depuis quinze ans.
Des risques multiples
C’est dans cette prise de conscience que s’inscrit la réforme de la Commission européenne concernant les trois néonicotinoïdes. Pendant deux ans, leur utilisation, qui détruit le système nerveux des insectes, sera interdite. Certes, d’autres pesticides seront toujours utilisables, et l’établissement d’un bilan sur cette courte durée ne pourra être exhaustif, mais cela reste une belle avancée pour le respect des insectes. La Fédération française des apiculteurs, quant à elle, réclame déjà l’arrêt définitif de leur commercialisation.
La disparition des abeilles est également due à la perte de leurs défenses naturelles contre des parasites tel le Vanoa. Rachel Benson nous explique : « le Vanoa se fixe sur l’abeille et se nourrit à travers elle, tout en lui détruisant son système immunitaire. » Elle ajoute : « normalement, dans une ruche en bonne santé, les abeilles détectent ce parasite et l’éliminent. Cependant ce processus ne s’effectue plus au sein de la ruche, qui a alors besoin d’une aide médicale de la part de l’apiculteur. »
Une remise en cause du système agroalimentaire à plus large échelle
On peut, par ailleurs, remettre en cause notre mode de production agricole en faveur du régime alimentaire des abeilles. Basé sur la monoculture, le mode actuel de production provoque chez les abeilles des carences au niveau nutritif, car elles ont besoin d’une diversité importante de fleurs pour trouver l’équilibre alimentaire indispensable à leur santé – et donc à leur survie. C’est ainsi que des solutions locales comme des jardins forestiers, des champs de permaculture ou d’agroécologie sont confortés dans leur démarche de respect et d’alliance des différentes formes de vie. Des campagnes importantes de sensibilisation se mettent en place comme Urbanbees, la ville et ses abeilles, initiée par Arthropologia et le programme européen de sauvegarde des abeilles sauvages en milieu urbain.
Les abeilles seraient-elles le témoin d’un lien perdu entre l’homme et la nature ? Dans tous les cas, leur disparition n’est qu’une sonnerie d’alarme, pour nous rappeler que des changements doivent s’opérer dans notre conception économique actuelle.
Yann-Marie Coulombez, vice-présidente de l’aDDu, association de Développement Durable de l’UPI (Université Professionnelle Internationale René Cassin)