L’interdiction du port de pantalon pour les femmes fait partie de ces lois insolites encore appliquées dans le monde, et notamment en Afrique subsaharienne. Elle est mise en pratique au Soudan où son infraction est sévèrement sanctionnée : une femme qui porte un pantalon peut recevoir publiquement quarante coups de fouet.
Le cas médiatisé de Loubna Ahmed Al-Hussein : célèbre pour avoir porté un pantalon
L’interdiction du pantalon est devenue un élément déclencheur efficace pour faire entendre les revendications féministes des Soudanaises. La journaliste Loubna Al-Hussein est l’une des premières à avoir brisé le silence en 2009 lorsqu’elle a décidé, avec une dizaine d’autres femmes, de porter un pantalon en allant au restaurant à Khartoum, où elles ont vite été arrêtées. Elles doivent chacune payer une amende ou recevoir dix coups de fouet. Mais en refusant les deux options, la journaliste est condamnée en septembre 2009 et doit purger un mois en prison. Sa caution de 200 $ payée par l’Union des journalistes soudanais, elle est libérée après seulement une nuit en détention.
Que dit cette loi ?
L’interdiction en question est inscrite dans l’article 152 du code pénal, entré en vigueur deux ans après le coup d’Etat du président Omar El-Béchir en 1991. Sous peine de flagellation, elle condamne quiconque « commet un acte indécent, un acte qui viole la moralité publique ou porte des vêtements indécents ». Aucune définition du type de vêtement indécent mentionné n’est donnée. Cette absence de clarté conduit à une libre interprétation de la loi par les agents de police, qui invoquent la morale musulmane pour juger que le port d’un pantalon (ou une jupe laissant voir une surface de peau) est condamnable. Dès lors, des décisions aléatoires sont prises au détriment de nombreuses victimes, qui en payent physiquement le prix et voient surtout leur dignité bafouée.
Selon Amnesty International, « la manière dont cette loi a été utilisée contre des femmes est inacceptable »
Le Soudan est fortement critiqué par de nombreux Etats et ONG internationales pour la pratique de la flagellation. La France fait partie des Etats qui soutiennent les victimes de cette pratique. Après avoir accueilli Loubna Al-Hussein, menacée de mort dans son pays, le gouvernement français a demandé au Soudan d’abroger la loi sexiste. Cet appel fait écho à celui de l’ONG Amnesty International, qui fustige cette loi pour sa discrimination à l’encontre des femmes et pour l’horreur de sa punition.
Une vidéo publiée sur Youtube en 2009 est venue mettre une image à la cruauté de l’acte. La vidéo présente une jeune fille de seize ans fouettée publiquement par un policier. Cette vidéo fait le tour du net et indigne les internautes. L’histoire cachée derrière cette punition est rapidement dévoilée : la jeune fille portait une jupe jugée indécente par les policiers. « Nul ne devrait être fouetté » a déclaré Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Afrique d’Amnesty International. Avant d’ajouter : « il s’agit d’un traitement cruel, inhumain et dégradant qui bafoue le droit international et les normes communes de dignité humaine. »
Un combat féministe musulman
L’attention internationale considérable qu’a recueilli l’affaire de Loubna Al-Hussein a, certes, aboutit à sa libération, mais pas à l’abrogation de la loi discriminatoire. Alors à sa sortie, la journaliste soudanaise persiste dans sa lutte féministe musulmane. Elle dénonce une mauvaise interprétation de la religion musulmane, fortement dominante dans le pays, puisqu’aucun texte dans la charia n’interdit le port du pantalon aux femmes. A travers son livre Suis-je maudite ? La femme, la charia et le Coran, l’ancienne employée de l’ONU remet en cause le régime patriarcal soudanais qui bafoue les libertés d’expression de la femme.
Le combat continue et rassemble toujours davantage de personnes. Au cours des manifestations contre le régime de 2012, un groupe de courageuses Soudanaises, surnommées Queen Kandake (Femmes fortes), se sont battues pour la cause des femmes dans le pays, notamment contre les arrestations policières qui vont à l’encontre des droits de la femme. Le vendredi 13 juillet 2012, un jour renommé Kandake’s Friday en l’honneur de leur courage, elles étaient à la tête de la révolte soudanaise.
En attendant, cette loi insolite est encore appliquée et s’étend au-delà des frontières ; au Swaziland, la candidate Mana Mavimbela a été disqualifiée des élections parlementaires, au début du mois d’août, pour port de pantalon. Le Soudan ouvrira-t-il la voie à la fin de cette discrimination?