L’Europe vit une crise. Une crise économique bien sûr, mais une crise politique également. Les gouvernements se succèdent, les problèmes demeurent et l’on voit fleurir des partis ou des personnalités populistes, voire nationalistes, qui prospèrent sur l’incapacité des dirigeants politiques issus des partis de gouvernement à résorber le chômage ou tenir leurs promesses. Leurs cibles préférées ? Les technocrates de Bruxelles, les élites et les minorités, en particulier les Roms.
L’Allemagne, l’exception européenne
Angela Merkel a été réélue pour un troisième mandat dimanche soir. Elle fait partie avec ses homologues suédois et polonais des rares dirigeants européens qui ont réussi à sortir indemnes de la crise depuis 2009. L’Allemagne, il est vrai, est le pays qui a le moins mal traversé ces quatre années. Mais, il est un autre phénomène en Allemagne qui dénote : l’absence d’un parti populiste dans le spectre politique. On peut bien sûr considérer que Alternativ für Deutschland (AfD), un parti apparu en avril dernier et qui a obtenu 4,7% des voix appartient à cette catégorie mais il n’est ni raciste, ni xénophobe, militant simplement pour l’abandon de l’euro, le retour au Deutsche Mark et la sortie de l’Allemagne de l’Union européenne.
Pas de rhétorique raciste ou xénophobe, on en comprend assez bien les raisons au regard de l’Histoire. Mais, ailleurs en Europe, les populistes ont le vent dans le dos. Tout porte à croire que les prochaines élections européennes de mai 2014 seront pour eux l’occasion de prospérer sur tout le continent. Ces partis, à l’image du Front national en France, surfent sur l’exaspération des électeurs. Tous pourris ou tous incapables, voilà en substance le message délivré par ces partis, qui ne cessent de se considérer comme la Voix du peuple.
La Hongrie, laboratoire du populisme
La Hongrie fait figure de précurseur en la matière. Depuis 2010, Viktor Orban ne cesse de jouer avec la Constitution hongroise (adoption d’une nouvelle constitution en 2012 et révisée quatre fois depuis l’année dernière), d’annihiler le rôle des contre-pouvoirs, dans le domaine des médias par exemple, et de perpétrer un climat de violence et de haine vis-à-vis des Roms, des Juifs ou d’autres minorités qui n’adhèreraient pas aux projets du gouvernement hongrois. Viktor Orban, à défaut de redresser l’économie exsangue de la Hongrie préfère agiter les pulsions populistes de ses concitoyens et défier l’Union européenne en mettant à mal les acquis démocratiques. En outre, depuis 2010, il existe un parti d’extrême-droite au Parlement à Budapest, le Jobbik. Si celui-ci ne gouverne pas avec le Fidesz de Viktor Orban, les rapprochements idéologiques sont de plus en plus nombreux.
Aube Dorée ou l’émergence d’un parti néo-nazi en Grèce
La Hongrie n’est malheureusement pas un cas isolé au sein de l’UE. La Grèce, qui n’en finit plus de sombrer sous le poids des mesures d’austérité voit apparaître le parti néo-nazi Aube Dorée. Celui-ci est entré au Parlement pour la première fois lors des élections qui ont eu lieu l’an dernier. Selon les derniers sondages, le parti aurait doublé son score en un an et serait aujourd’hui crédité entre 12 et 13% des intentions de vote. Le parti veut non seulement rompre avec l’Union européenne et effacer la dette grecque mais aussi expulser les étrangers du pays ou encore miner la frontière avec la Turquie d’où proviendraient la majorité des étrangers.
Un ex-humoriste joue les trouble-fêtes en Italie
L’Italie a vu émerger Beppe Grillo l’hier dernier. Ce tribun, ancien comique paralyse la République italienne depuis les dernières élections législatives où il est arrivé en deuxième position. Grillo, qui a conduit toute sa campagne tant sur le rejet du Parti Démocrate de Pier Luigi Bersani que sur celui de Silvio Berlusconi a provoqué une impasse dans un pays où il est nécessaire de faire des coalitions pour gouverner. Si le Mouvement 5 étoiles perd son capital sympathie, il est fort à parier que les électeurs ne se déplaceront tout simplement pas lors du prochain scrutin.
La France n’est pas épargnée…
La France n’est pas épargnée par ce phénomène. La politique de François Hollande ne convainc pas les Français et l’UMP semble ne plus savoir quelle attitude adopter face au FN entre rejet total et normalisation. Le parti semble d’ailleurs courir après ses électeurs puisque selon un sondage BVA paru le 14 septembre, 70 % des sympathisants UMP sont favorables à une normalisation du parti de Marine Le Pen et 72% approuvent François Fillon pour « voter pour le candidat le moins sectaire » en cas de duel PS/FN ».
La crise économique et l’affaire Cahuzac ont pour effet de profiter à Marine le Pen et au FN. Personne ne s’étonne donc qu’un an après l’élection présidentielle, dans un sondage publié au mois d’avril dernier, virtuel certes, mais révélateur, elle arrive en deuxième position à 22%, ex-aequo avec François Hollande et derrière Nicolas Sarkozy. Son discours sur la « priorité nationale », l’arrêt de l’immigration, la sortie de l’euro ou encore le renvoi dos à dos de l’UMP et du PS, qui ont selon elle ruiné la France depuis 30 ans plaisent beaucoup aux électeurs.
Que faire alors ? Voter pour les partis traditionnels qui par leur échec ont conduit à l’émergence de ces mouvements populistes ? Voter pour ces partis contestataires qui nous ramèneraient vers les heures les plus sombres de notre histoire ? L’impasse est réelle et l’Europe est dans le brouillard. Enfin, si poussée populiste il y a, pourra t-on aller vers plus d’intégration alors que les peuples auront exprimé l’inverse ?