Où en est le mouvement que l’on croyait irrésistible vers l’abolition de la peine de mort dans le monde entier ? Une réflexion critique appuyée par plusieurs gros plans que publie la rédaction d’Opinion Internationale aujourd’hui et demain : Biélorussie, Viêtnam, Etats-Unis…
La Journée mondiale contre la peine de mort, le 10 octobre de chaque année est l’occasion de mesurer combien le mouvement vers l’abolition universelle de la peine de mort est fragile et doit donner lieu à des efforts renouvelés. Dans les années 1990 et 2000, de nombreux Etats – et non des moindres, la Turquie, le Sénégal, l’Illinois aux Etats-Unis, ont aboli la peine de mort. Mais, depuis quelques années, on observe un coup de frein réel sur le sujet et l’enthousiasme a laissé place à la déception.
Depuis le Gabon, dernier Etat en date à avoir mis fin à la peine de mort en 2011, plus aucun pays n’a rejoint la centaine de pays abolitionnistes en droit. Certes, le nombre d’exécutions recule inexorablement : seuls 21 Etats ont procédé à des exécutions en 2012.
Mais les déceptions sont indéniables : déception tout d’abord avec des pays qui ont repris les exécutions comme l’Inde, le Pakistan ou la Gambie. Déception avec un Etat comme la Californie qui, par référendum populaire, a rejeté de peu l’abolition en 2012. Le front des pays favorables à la peine capitale, emmené par l’Arabie saoudite, s’affirme plus fortement même si chaque année une Déclaration onusienne est votée par un nombre croissant de pays pour demander un moratoire universel des exécutions, première étape vers l’abolition universelle.
Autre grande déception : le monde arabo-musulman. Aucun pays de la région n’a voté l’abolition de la peine de mort. Nous l’espérions du Maroc, de la Tunisie plus récemment, du Liban dans les années 2000. Le Printemps arabe, qui portait l’espoir des libertés et de la dignité des peuples arabes, et donc aussi des justiciables pour une justice humaine, n’a rien changé à la situation.
Il faut donc saluer l’initiative de la France, plus particulièrement du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et d’organisations comme Ensemble contre la peine de mort, de réunir des parlementaires du monde arabe à Paris, comme le fera demain à Genève la Commission internationale pour l’abolition de la peine de mort présidée par Federico Mayor.
Cette idée n’est pas nouvelle : dès le 1er Congrès mondial contre la peine de mort en juin 2001 à Strasbourg, je réunissais à l’initiative d’Ensemble contre la peine de mort, avec le président de l’Assemblée nationale Raymond Forni et la présidente du Parlement européen, Nicole Fontaine, 22 présidents de Parlements du monde entier. La Belgique avait pris des initiatives fortes en la matière en 2003. La mobilisation des parlementaires peut être décisive car ils sont des acteurs singuliers de ce combat : c’est à eux qu’incombe le geste de voter l’abolition.
Comment relancer le mouvement d’abolition ? C’est tout le défi que doivent relever les abolitionnistes en redoublant d’efforts de concertation, de coalition et, nous en sommes intimement convaincus, de dialogue avec les partisans d’une justice qui tue.