La ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative nous a accordé un entretien. Nous avons évoqué les inquiétudes autour de l’organisation des Jeux Olympiques de Sotchi, qui auront lieu en février prochain. Pour Valérie Fourneyron, le sport peut avoir une influence pour faire avancer la cause des droits humains. Elle revient également sur la grande priorité du quinquennat de François Hollande : la jeunesse.
Les JO de Sotchi se tiennent dans quelques mois à Sotchi, en Russie. On constate un climat hostile au respect des droits de l’homme : on peut citer la loi anti gays, l’interdiction de manifestations lors de la tenue de l’événement, un système de surveillance étroit des journalistes… Quelle est la position de la France sur ce sujet ?
La France est fermement opposée à toute discrimination liée à l’orientation sexuelle et à la restriction de la liberté d’expression, et je l’ai rappelé à mon homologue russe lorsque j’étais à Moscou pour les championnats du monde d’athlétisme, en août dernier. Je lui ai rappelé nos inquiétudes à l’égard de son pays qui a signé tous les accords internationaux et européens sur la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et qui vient de prendre un certain nombre de mesures relatives à l’orientation sexuelle, mais aussi aux « ONG agents de l’étranger » ou à l’interdiction de manifester. Autant de textes qui mettent en cause la nécessaire liberté d’expression et vont à l’encontre des accords signés par la Russie. Dans ce cadre, il faut considérer que l’accueil de grandes compétitions internationales, doit être l’occasion de rappeler la nécessité de respecter les droits de l’homme.
Je veux souligner le poids que représente la diplomatie sportive, très importante dans l’histoire du mouvement sportif international. Elle est parfois plus forte que la diplomatie gouvernementale. Souvenons-nous par exemple de « la démocratie ping-pong » qui a permis une rencontre entre Richard Nixon et Mao Zedong en 1971, ou de la Coupe du monde de rugby en Afrique du Sud de 1995 qui a fait reculer l’apartheid, les JO de Sydney en 2000 qui ont servi la cause aborigène. La période qui nous sépare des Jeux de Sotchi doit être pleinement utilisée par les gouvernements, le mouvement sportif et l’opinion publique pour rappeler que le respect des règles de droit fondamentales et des valeurs de l’olympisme s’imposent dans les pays hôtes de grandes manifestations sportives. Nous devons rester vigilants.
Je souhaite également dire que le boycott sportif ne serait pas la bonne solution car c’est d’abord une sanction pour les sportifs, qui n’ont parfois qu’une seule occasion de participer à des Jeux Olympiques dans leur carrière. Quant à la décision d’un boycott politique, c’est-à-dire l’absence de représentation d’un gouvernement, elle me paraît aujourd’hui complètement prématurée. Mettons à profit cette période pour dialoguer avec les autorités russes et leur rappeler notre opposition à toute discrimination.
Cette position est d’ailleurs largement partagée en Europe. 19 pays de l’Union européenne, dont la France, ont signé récemment une déclaration commune appelant les organisateurs d’événements sportifs à veiller au respect de la convention européenne sur les droits de l’homme, au respect des principes de non-discrimination, de liberté d’expression et de liberté d’association pendant les grands événements sportifs. Cette déclaration mentionne explicitement que toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle est à bannir.
La responsabilité n’incombe t-elle pas au CIO pour les JO ou à la FIFA pour la Coupe du monde qui se déroulera également en Russie en 2018 puis au Qatar en 2022 ? N’est-ce pas paradoxal lorsque l’on porte des valeurs comme l’olympisme ou de valeurs fédératrices comme le football, d’attribuer l’organisation de grands événements sportifs à des pays qui ne les respectent pas ?
C’est une très bonne question. C’est un sujet qui préoccupe les ministres des sports. Nous étions réunis à Berlin en mai dernier, pour la cinquième Conférence mondiale des ministres du sport et nous avons établi une déclaration adressée aux organisateurs d’événements sportifs. Cette déclaration les invite à faire en sorte que le cahier des charges des grandes compétitions internationales ne puisse pas conduire à ce que des pays hôtes de grandes compétitions soient des pays qui ne respectent pas les principes qu’ils se sont engagés à suivre, sous l’égide de l’UNESCO.
Comment s’assurer que ces règles soient respectées ?
Il faut s’appuyer sur la neutralité sur laquelle le CIO s’est positionné. Il ne faut pas oublier que l’organisation regroupe 205 pays (plus que l’ONU) et est une caisse de résonnance médiatique très importante. Son président a le statut d’un chef d’Etat et bénéficie d’un statut d’observateur à l’ONU. Aux JO de Londres, en 2012, on a vu par exemple défiler la Palestine avant même qu’elle n’obtienne le statut d’observateur. Je pense qu’il faut utiliser cette force qu’est la diplomatie sportive et lui permettre de peser et de jouer son rôle à plein. L’attribution des grandes compétitions à des pays comme la Russie permet aussi une polarisation forte de l’opinion publique sur la situation des droits humains dans ce pays. C’est donc également très positif.
François Hollande assistera t-il à la cérémonie d’ouverture le 7 février prochain ?
Rien n’est décidé à l’heure actuelle ni sur la présence du Président de la République ni sur celle des membres du gouvernement.
Vous êtes également ministre de la jeunesse et de la vie associative. François Hollande, au cours de la campagne présidentielle avait annoncé vouloir faire la jeunesse une priorité. Est-ce toujours d’actualité ? Récemment le gouvernement a indiqué réfléchir à l’octroi du droit de vote à 16 ans. Qu’en pensez-vous ?
La jeunesse c’est la priorité du quinquennat, impulsée par le Président. On a donné par le passé une image trop stigmatisante des jeunes de notre pays. Ils étaient presque devenus un problème. Notre volonté aujourd’hui est de leur donner confiance et de les accompagner dans leur parcours d’autonomie, en facilitant la transition entre l’école et l’insertion professionnelle, entre le foyer d’origine et le foyer que l’on construit.
C’est la raison pour laquelle le gouvernement a mis en place le comité interministériel de la jeunesse. 24 ministères qui travaillent ensemble dans tous les champs : éducation, orientation, emploi, accès au logement ou à la santé, mobilité internationale, accès aux loisirs,… Il n’y a pas une mesure « jeune », mais une politique globale à mener. Cela concerne donc aussi bien le renforcement des moyens de l’Education nationale, que la réforme des bourses dans l’enseignement supérieur, les différents dispositifs d’emploi, comme les emplois d’avenir ou les contrats de génération, que l’Economie Sociale et Solidaire ou encore dans celui du logement où 80% des locataires sont des jeunes de moins de 30 ans. D’ailleurs, lorsque l’on vote la loi sur le logement, il y a quelques semaines pour encadrer les loyers et mettre en place une garantie universelle locative, cela profite aux jeunes en premier lieu.
A travers cette politique, nous avons souhaité installer les jeunes au cœur du débat public en leur donnant aussi la parole et en co-construisant les politiques publiques avec eux. C’est d’ailleurs toute l’ambition du Forum Français de la Jeunesse que l’on a aidé à installer et qui rassemble 19 organisations de jeunes lycéennes, étudiantes et politiques, dont les membres ont moins de 30 ans. Ce Forum doit être un interlocuteur privilégié dans l’élaboration d’une politique pour la jeunesse.
Dominique Bertinotti, la ministre de la famille a ouvert le débat sur l‘âge du vote mais pour moi il n’y a pas un seul outil. Les jeunes sont passionnés, engagés, mais ils ont une vraie défiance vis-à-vis des responsables politiques et des institutions. A nous de leur redonner confiance, en leur montrant aussi que nous leur faisons confiance et que nous comptons sur eux pour faire progresser la société.
Propos recueillis par