International
09H09 - vendredi 22 novembre 2013

« Tant que l’écologie sera considérée comme un boulet, on n’avancera pas »

 

La COP 19 (Conference Of Parties and climate change) se termine aujourd’hui à Varsovie en Pologne sur un échec et le départ fracassant des associations environnementales.

Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, fait le point sur les enjeux de la conférence climatique de Varsovie, le sort des militants de l’Arctique détenus en Russie – et dont certains ont été libérés sous caution hier, et sur  le manque d’ambition du gouvernement français en matière d’écologie.

 

Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France lors d'une mobilisation en faveur de la libération des prsonniers de l'Arctique à Paris

Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France lors d’une mobilisation en faveur de la libération des prsonniers de l’Arctique à Paris

Le typhon qui a ravagé les Philippines il y a 15 jours est-il un signe du dérèglement climatique ?

 

On ne peut pas lier une catastrophe naturelle isolée avec le dérèglement climatique. En revanche, il est aujourd’hui avéré que nous devons nous préparer à plus d’événements climatiques extrêmes, notamment des sécheresses et des inondations. Dans tous les cas, nous ne devons pas attendre d’autres signes et alertes avant de passer à l’action. Il serait criminel d’attendre plus longtemps et d’autres catastrophes tout aussi graves que ce typhon. Les délégations qui sont en ce moment à Varsovie doivent simplement s’obliger à passer à l’acte.

 

Quel espoir avez-vous sur la libération des militants de l’Arctique (NDLR : l’entretien a été enregistré avant la libération sous caution de 6 militants le 19 novembre)?

 

On a la sentiment que les Russes veulent marquer à nouveau leur territoire. L’Arctique leur appartient et personne n’a à leur dicter leur conduite et s’opposer aux forages qu’ils veulent mener. Aussi fort soit-il M. Poutine ne peut pas affronter la Communauté internationale comme il le fait aujourd’hui sur une durée prolongée. Il ya 18 nationalités parmi les militants avec des pays qui comptent. Plus il va y avoir de prises de position publiques qui vont s’élever pour dénoncer leur détention, Jean-Marc Ayrault s’est exprimé sur ce dossier lors de son voyage officiel en Russie le mois dernier, et David Cameron a appelé Vladimir Poutine à agir en faveur des militants donc je suis confiant dans l’issue positive que connaîtra ce dossier.

 

On avait reproché à Nicolas Sarkozy de ne pas évoquer ou trop faiblement les atteintes aux droits de l’homme avec les pays qui ne les respectent pas. Jean-Marc Ayrault a évoqué clairement le sujet avec Dimitri Medvedev. Trouvez-vous cela positif ?

 

Oui c’est positif qu’il l’ait abordé avec Medvedev et avec Poutine. On trouve simplement regrettable qu’il l’ait abordé sous l’angle d’ « un geste humanitaire » pour Franceso Pisanu, qui

L'Arctic Sunrise, bateau des militants de Greenpeace

L’Arctic Sunrise, bateau des militants de Greenpeace

est le seul ressortissant français de l’équipage. On aurait préféré qu’il fasse un appel pour les 30 et qu’il rappelle le caractère pacifique des manifestations de Greenpeace. On espère que François Hollande va lui aussi s’engager et que le gouvernement français évoque les droits de l’homme aussi souvent que nécessaire.

 

La Russie accueille les JO à Sochi dans 3 mois. Dans ce contexte, quelle attitude faut-il adopter vis-à-vis de la Russie ?

 

Je ne crois pas que le boycott soit un outil efficace mais ce qui est sûr c’est que les droits de l’homme seront une question centrale au cours des Jeux Olympiques. Les russes savent qu’il va y avoir des prises de position politiques, sportives en faveur du respect des droits de l’homme. Cela rappelle la situation avant les Jeux de Pékin en 2008. Je sais que certaines organisations vont utiliser cette fenêtre pour rappeler la situation des droits de l’homme à cette occasion-là.

 

Le projet initial des militants de l’Arctique avait pour but de dénoncer les forages pétroliers et gaziers qui  y ont lieu. Quels sont les risques liés à l’exploitation dans cette zone géographique-là ?

 

On voulait dénoncer cette quête insensée qui consiste à aller chercher la dernière goutte de pétrole n’importe où dans le mode. Le dernier rapport du GIEC recommande que l’on laisse sous terre les trois quarts des réserves connues d’hydrocarbure. On voulait également dénoncer le cynisme de ces compagnies pétrolières qui sont largement responsables du dérèglement climatique et qui utilisent les conséquences de ce dérèglement, à savoir la fonte des glaces pour aller chercher toujours plus loin, toujours plus au nord de nouveaux champs pétroliers et gaziers. Ce forage en particulier dans cette région, avec un écosystème très fragile peut avoir de très lourdes conséquences. Imaginons une marée noire dans l’océan Arctique, cela nuirait fortement à la biodiversité.

 

Les Russes ne sont pas les seuls à vouloir exploiter les ressources de l’Arctique. Y a t-il des règles qui sont édictées aujourd’hui quant à la préservation de cette zone géographique ?

 

Non et d’ailleurs c’est tout le problème ! Greenpeace demande une sanctuarisation de l’Arctique. C’est compliqué car cela demande aux Etats riverains de se mobiliser et aux  Nations Unies de légiférer en la matière. C’est tout l’objet de notre campagne aujourd’hui, comme nous avions réussi à le faire il y a trente ans pour l’Antarctique influencer les décideurs politiques pour que cette région soit préservée.

 

La Conférence climatique se tient à Varsovie en ce moment. Qu’en attendez-vous ?

 

Nous attendons d’abord une mobilisation des délégations autour des militants de l’Arctique pour

La conférence climatique a lieu cette année à Varsovie, en Pologne

La conférence climatique a lieu cette année à Varsovie, en Pologne

rappeler qu’il ne doit pas y avoir de prisonniers climatiques alors que l’on discute des moyens d’endiguer ce phénomène.

Ensuite, nous attendons de cette Conférence qu’elle prépare celle de Paris en 2015 à laquelle nous sommes censés jeter les bases d’un accord auquel tous les pays s’engageront enfin à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre et qui servira de feuille de route pour la Conférence de Paris dans deux ans qui sera extrêmement importante.

 

La Conférence de Paris sera donc très importante, notamment pour fixer les règles de l’après-Kyoto. Pourquoi de tels enjeux, quels sont les engagements qui selon vous devront y être pris ?

 

L’engagement climatique, c’est un accord global et contraignant. Je ne sais pas si nous l’obtiendrons mais c’est ce que nous souhaitons en tous cas. Quand la France a annoncé son souhait d’accueillir la COP, elle s’est fixé cet objectif. Je me souviens des propos de François Hollande : « nous voulons réussir là où Copenhague a échoué ». Ce sont des propos ambitieux et audacieux, et je m’en réjouis ! Maintenant la France doit réussir cet objectif-là et deux ans ça passe très vite.

 

L’Europe joue un rôle moteur dans les négociations climatiques. Si jamais le prochain Parlement européen, issu des élections européennes était anti-européen ou anti-écologiste, la tâche serait encore plus compliquée ?

 

Aujourd’hui, plus personne ne nie ou ne remet en cause l’urgence climatique ce qui est une bonne chose. Maintenant, tout le monde n’est pas d’accord sur la rapidité, sur les scénarios. L’Europe a toujours eu un rôle d’exemplarité car ça a été la première région à prendre des engagements fermes sur la limitation des gaz à effets de serre. Si l’Europe n’a plus ce rôle là, c’est très inquiétant et je ne vois pas d’autres acteurs à prendre le relai. Donc si dans 6 mois, l’Europe n’a plus ce rôle, cela risque d’être un handicap majeur pour obtenir de nouvelles avancées.

 

Les politiques mises en œuvre au niveau national sont également très importantes. De ce point de vue, la France est loin d’être exemplaire depuis l’arrivée de François Hollande.

 

François Hollande à la Conférence environnementale à Paris en septembre 2013

François Hollande à la Conférence environnementale à Paris en septembre 2013

L’écologie n’est pas la priorité de ce gouvernement et on s’est assez vite rendu compte car le Chef de l’Etat et le Premier ministre n’ont toujours pas fait le lien entre écologie et économie. On ne cesse de répéter que l’écologie est une chance pour sortir de la crise mais au-delà des

discours il n’y a rien de concret. Tant que l’écologie sera considérée comme un boulet on n’avancera pas. On continue de fermer les yeux sur les alternatives, de faire de la filière nucléaire le fleuron de l’industrie française. L’arrivée d’un gouvernement socialiste avec deux ministres écologistes n’a absolument rien changé. C’est inquiétant car si la France ne change pas, ne donne pas le ton, on peut craindre un manque de crédibilité au moment où l’on accueillera la Conférence de 2015.

 

 

Pour aller plus loin : Lire la tribune de Guillaume Capelle : Quel statut pour le réfugié climatique ?

 Propos recueillis par

Rédacteur en chef

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