République centrafricaine
09H34 - vendredi 21 février 2014

Seul contre tous, un homme d’affaires centrafricain porte plainte contre un général de la Séléka

 

William Pretorius, un homme d’affaires centrafricain est bien décidé à ne pas se laisser faire. Victimes des exactions commises par des membres de la Séléka, il a osé porter plainte contre l’un des tacites de cette rébellion. Malgré tout, il ne désespère pas et compte bien poursuivre ses activités en RCA lorsque la paix sera de retour.

 

William Pretorius

William Pretorius

 

Centrafricain de la 3ème génération et d’origine sud-africaine, quand il rentre à Bangui c’est comme un autochtone qu’il demande son assiette de goussa, plat du nord de la RCA. Les années passées en Belgique n’ont pas déteint sur lui car Centrafricain il l’est dans l’âme et Centrafricain il le restera.

Tout commence en février 2013, lorsque William Pretorius se rend à Bangui avec une délégation d’homme d’affaires turcs qui souhaitent investir en RCA dans la construction d’immeubles, d’habitations à usage commercial et d’une usine agro-alimentaire qui ne fonctionnerait qu’avec les produits du terroir. Nous sommes là sous le règne du Général François Bozizé où M. William est reçu avec sa délégation par divers ministres. Les tractations sont à un stade bien avancé, la signature du contrat qui autoriserait l’Etat centrafricain à octroyer des terrains pour la livraison de ces habitations préfabriquées et la programmation de l’envoi des conteneurs à Douala au Cameroun. Mais voilà, le 24 mars 2013, les rebelles de la Séléka entrent dans Bangui et François Bozizé est renversé.

Entre temps, M. William qui travaille également dans le domaine du transport a affrété ses véhicules à Bangui.

Ainsi, trois jours avant l’entrée de cette même Séléka, trois voitures et un camion Mercedes arrivent dans la capitale centrafricaine. Pour rappel, les premières préoccupations des rebelles entrés en RCA ont été de dérober les véhicules qui prenaient aussitôt la route en direction du Soudan ou du Tchad pour être revendus.

L’un des camions de M. Pretorius était loué par le le Programme Alimentaire Mondial pour l’acheminement de l’aide humanitaire (PAM). Aussitôt repéré par les éléments de la Séléka, les ennuis vont débuter pour l’homme d’affaires

Les rebelles le harcèlent, le menacent et démontent même des pièces du camion et réclament une somme d’argent pour pouvoir les récupérer. 2500 euros sont alors versés et le manège continue pourtant. Un homme d’affaires propose à M. Pretorius de garer son camion chez lui car étant musulman il ne serait pas inquiété. Cependant, au début du mois de février, les miliciens Anti-balaka pillent et brûlent les biens de cet homme, dont le camion de M. William qui part alors en fumé.

Désemparé et révolté, William Pretorius dépose malgré tout une plainte le 5 février, notamment contre le Général Abdel Kader Khalil auprès du Tribunal de Grande Instance de Bangui pour enlèvement de véhicule dans sa concession à Sica 3, un quartier de Bangui, arrestation et détention arbitraire. Sur ces trois véhicules, seule la Mercedes E200 a été retrouvée dans l’enceinte de l’Hôtel Ledger grâce au concours du parquet et des éléments de la MISCA.

Avec plus de détails, les hommes du Général Abdel Khader Khalil qui n’avaient pas pu emmener le camion 45 tonnes resté dans la concession ont menacé de revenir le récupérer. C’est ainsi que la famille a jugé bon de le déplacer pour le mettre au garage de M. Badamassy Ousman dans le quartier Miskine. Ces mêmes éléments sont encore allés jusque dans cette concession pour récupérer le camion, sans succès.

Mais lors des récents événements survenus dans le quartier Miskine, le camion Mercedes ACTOS d’une valeur de 80 millions de francs CFA (environ 121600 €) a été brûlé. M. Pretorius porte alors plainte contre le Général Abdel Khader Khalil et les auteurs de l’incendie pour vol, destruction de bien à autrui. Il  sollicite qu’une enquête soit diligentée afin que les auteurs de ces actes répondent de leur fait devant la justice, conformément à la loi. Il se constitue partie civile et sollicite une somme importante en condamnation des auteurs et en dommages et intérêts.

Le Général se trouve toujours en RCA sans être inquiété et dit-on, ferait même partie des rebelles de la Séléka qui ont fait une incursion à Sibut au début du mois de février.

« Je suis seul, aucun comité de Centrafricains pour se défendre n’existe, c’est chacun pour soi » a affirme M. William. Il estime qu’il y a beaucoup de manipulations en ce moment en RCA de part et d’autre car il existe autant de chrétiens faisant partie de la Séléka que de musulmans enrôlés chez les milices Anti-balaka.

« Je veux rentrer chez moi en RCA et j’appelle la paix de tous mes vœux. La RCA est un pays immensément riche avec un fort potentiel. Les investisseurs sont prêts et attendent la stabilité pour revenir. J’ai énormément de projets à mettre en œuvre en RCA, tant dans le domaine humanitaire que dans celui du développement. Ce qu’il manque, c’est la paix, il faut qu’elle revienne » nous a-t-il confié.

Quand nous savons que les responsables des violences et atrocités commises en RCA circulent toujours dans le pays, les Centrafricains s’accordent aujourd’hui à dire que sans volet justice il ne pourrait y avoir la paix et la stabilité en Centrafrique. Tous les acteurs de quelque crime que ce soit doivent être traduits devant la justice. Mais jusqu’aujourd’hui combien de Centrafricains victimes de la Séléka ou des Anti-balaka ont osé porter plainte devant les juridictions de leur pays ? Nul ne le sait.

Journaliste, chef de la rubrique Centrafrique

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