Il aura donc fallu trois mois et soixante-quinze morts pour que l’Union européenne se décide enfin à prendre les devants dans la crise ukrainienne. En effet, depuis que les violences ont éclaté fin novembre sur la place Maïdan de Kiev, suite à la décision du président Ianoukovitch de renoncer à un accord d’association avec l’UE, jamais l’Europe n’avait semblé prendre les devants.
Le président Viktor Ianoukovitch vient de l’annoncer : « une élection présidentielle anticipée » se teindra cette année. Un accord a été trouvé avec l’opposition suite à la médiation menée par les ministres des Affaires étrangères français, allemand et polonais. Laurent Fabius s’était montré prudent ce matin indiquant qu’ « il faut rester très prudents (…) Nous avons négocié hier quasiment dans une atmosphère de bunker ». L’accord prévoit également un retour à la Constitution de 2004 et la formation d’un gouvernement nationale. Il faut en effet prudent car on peut prévoir que les manifestants se sont beaucoup radicalisés et attendront de voir la mise en œuvre concrète de cet accord pour quitter la place Maïdan.
Parallèlement à la mission menée par Laurent Fabius et ses homologues allemand et polonais à Kiev, les ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont retrouvés à Bruxelles hier pour voter « le principe » de sanctions telles que la privation de visas et un gel des avoirs des dirigeants ukrainiens responsables des violences commises ces derniers jours. En outre, un embargo pourrait être décidé sur les exportations d’armes : l’idée est claire, ne pas sanctionner le peuple ukrainien mais plutôt prendre à la gorge ses dirigeants. Pour le moment, on ne sait pas si ces sanctions vont être véritablement appliquées ou si l’UE préfère brandir la menace. L’unanimité n’est pas de mise, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas n’y seraient pas favorables car ils craignent une rupture du dialogue avec Ianoukovitch et évoquent également que ce type de sanction déjà appliqué à la Biélorussie n’a pas fait preuve de toute son efficacité.
Du côté russe, le soutien à Viktor Ianoulovitch semble s’étioler au fur-et-à mesure. Si le Premier ministre russe, Dimitri Medvedev a qualifié hier « les sanctions européennes inappropriées », il a ajouté dans le même temps que la Russie ne pourrait traiter qu’avec « des autorités légitimes et compétentes, un gouvernement sur lequel le peuple ne s’essuie pas les pieds comme sur un paillasson ». Comme un signe de désaveu, Reuters rapporte les propos d’une source proche des autorités russes indiquant que « pour le moment, les choses sont suspendues. Cela ne veut pas dire que le processus ne peut pas reprendre. Mais la situation politique doit s’éclaircir ».
Depuis la signature d’un accord économique entre Kiev et Moscou à la mi-décembre, portant sur un montant de 15 milliards de dollars et une baisse des tarifs du gaz, le gouvernement ukrainien n’a reçu que trois milliards, le reste devait être versé en cette fin de semaine.
Plus le conflit se prolonge, plus le risque de violence augmente. Comme le souligne, Sud-Ouest ce matin, « ce n’est pas encore Sarajevo ou Homs, mais si rien ne vient stopper cet engrenage, on y va tout droit ! ».