La « bataille de Kiev » est terminée, un nouveau gouvernement doit désormais être mis en place et les animaux du zoo personnel de l’ancien Président Ianoukovitch devront être relogés. Toutefois le mouvement Maïdan se prolonge et la région de la Crimée est en train de devenir le prochain « flash-point » en Ukraine, avec en toile de fond la réaction de Moscou vis-à-vis des développements du week-end dernier.
En Crimée, les journées de samedi et dimanche dernier ont été marqués par des manifestations anti-Maïdan et la rue reste tendue. Le « comité de Kharkiv », formé samedi sur les restes du Parti des Régions et des pro-russes, souhaite toujours garder sa position de « maintenir l’ordre constitutionnel », c’est-à-dire rejeter les autorités par intérim reconnues par le Parlement.
Les rumeurs de scission du pays permettent d’alimenter les médias locaux mais l’idée est loin de la réalité : la priorité demeure dans la formation d’un nouveau gouvernement, c’est la priorité. Après viendra éventuellement la « bataille de Crimée ». Plutôt que la scission du pays, la Russie risque fort de faire pression pour mettre en place une forme de décentralisation avancée avec des régions plus autonomes dans leurs choix économiques. Ainsi, l’Est russophone profitera de l’aide russe alors que l’Ouest demandera de l’aide à Bruxelles. Mais le pays restera entier, ce qui permettra de contenter aussi bien Moscou (qui n’a rien à gagner à un nouveau conflit à ses portes) et l’UE.
La réaction russe à venir va être primordiale.
Une implication militaire directe des troupes russes est peu probable : un tel mouvement serait contre-productif pour tout le monde. Un élément important à regarder est le traitement des populations russes dans les jours à venir : si ces derniers sont discriminés par les « ukrainiens », Moscou pourrait hausser le ton, ce sur le thème de la protection de ses minorités à l’étranger. C’est ainsi qu’à réagi Dimitri Medvedev, le premier ministre russe : « Nous ne comprenons pas ce qui se passe là-bas. Il y a une réelle menace pour nos intérêts et pour la vie de nos concitoyens (…). Il y a de gros doutes sur la légitimité de différents organes du pouvoir actuellement en fonction ». Comme on pouvait s’y attendre, la Russie ne reconnait pas le nouveau pouvoir à Kiev estimant que la position des européens était «une aberration ».
Le Président Poutine, passé « l’humiliation » que les médias occidentaux prêtent à la « perte » de l’Ukraine, va devoir faire preuve d’une réaction ni trop ferme (ce pour ne pas donner des idées à d’autres pays potentiellement révolutionnaires dans l’étranger proche russe) ni trop modérée (ce afin d’éviter le discrédit).
En cela, Moscou a indexé le déblocage de l’aide financière à la formation d’un nouveau gouvernement à Kiev. Et c’est là que les choses se compliquent : la présence de Ioulia Timoshenko dans les hautes sphères politiques passera mieux au Kremlin qu’un gouvernement Klitchko – le projet allemand soutenu par Washington par excellence. Ainsi, si Ioulia Timoshenko obtient un poste important, le dialogue avec Moscou n’en sera que meilleur.
Le point focal du triangle EU/Ukraine/Russie est bloqué sur le sauvetage de l’économie ukrainienne. Le pays est virtuellement en situation de défaut de paiement si Moscou ne débloque pas les fonds promis au Président Ianoukovitch. Il s’agit là d’une arme économique majeure que Bruxelles pourra difficilement contrer. Ajouté à cela la pression du gaz, Moscou dispose encore une fois de toutes les cartes sur l’Ukraine !