Après son Ministre de la défense, Jean-Yves le Drian, après une délégation des parlementaires français, quelques jours après l’accord renouvelé par l’Assemblée Nationale de la mission de l’armée française sur place, c’était le tour du Président François Hollande de se rendre pour la deuxième fois en visite à Bangui, capitale de la République Centrafricaine, ce vendredi 28 février 2014. Le but de sa visite a été de faire le point sur la situation en RCA et de fixer à l’armée française ses prochaines missions.
Trois temps forts ont marqué ce déplacement présidentiel : sa rencontre avec les éléments de la Force Sangaris, sa rencontre avec la Chef d’Etat de la Transition et celle avec les autorités religieuses centrafricaines.
Rencontres avec l’armée française
En tant que Chef des Armées, s’adressant aux troupes, Mr Hollande a déclaré : « des milliers de vies ont été sauvées grâce à vous […] objectif : sécuriser la capitale et l’ouest du pays
En poursuivant il a dit : » J’étais là, le 10 décembre, ici parmi vous. Deux de vos camarades, Nicolas VOKAER et Antoine LE QUINIO, étaient tombés. Je m’étais incliné devant leur dépouille. Et je tiens, une fois encore, à leur manifester ma reconnaissance et celle de la Nation, ainsi qu’au Caporal Damien DOLET, décédé accidentellement le 23 février. Je pense aussi à tous les blessés de l’opération et aux familles concernées.
Votre mission, elle est claire, elle a été fixée par le Conseil de sécurité des Nations unies, c’était le 5 décembre : protéger les civils dans un pays qui est déchiré par des violences, souvent interreligieuses. La mission, c’est de participer à la restauration de l’ordre public et de permettre une transition vers la démocratie.
Depuis le déclenchement de l’opération Sangaris le 5 décembre, des « progrès considérables ont été accomplis » mais « il reste beaucoup à faire », a souligné M. Hollande devant les soldats, ajoutant que « d’ores et déjà, des milliers de vies ont été sauvées grâce à vous ». »La population est obligée de connaître l’exode. Les bandits terrorisent encore la population, notamment musulmane », a-t-il ajouté. »La mission, c’est de permettre le rétablissement de l’ordre public » pour achever « la transition politique », avec des élections devant être organisées en principe au plus tard en février 2015.
Rencontre avec Catherine Samba Panza et les autorités religieuses
S’adressant aux responsables religieux, Mr Hollande a déclaré ; « Je veux saluer les représentants des cultes, ici, en Centrafrique. C’est vrai que c’est la troisième fois que je les rencontre. La première c’était dans un aéroport, celui de Bangui, la seconde c’était à l’Elysée et la troisième c’est ici, à l’évêché, dans un site qui est non seulement merveilleux pour la vue qu’il nous offre, mais surtout merveilleux pour l’esprit qu’il porte, puisque c’est là que des milliers de réfugiés se sont massés pour être protégés.
Notamment des musulmans, qui ne savaient où aller et qui ont donné le plus beau message de confiance et de fraternité, c’était de venir là, dans cette mission catholique, pour être sûrs qu’il ne leur serait fait aucun mal ».
En retour Monseigneur DIEUDONNE NZAPALAINGA a affirmé : « Nous croyons que vos hommes, ici présents avec la MISCA – et nous espérons plus tard avec les forces des Nations unies qui vont arriver – pourront apporter de l’espoir et surtout la sécurité et que ce pays pourra être encore reconsidéré comme un pays où il fait bon vivre. Merci de votre visite. »
Imam OMAR KOBINE LAYAMA a quant a lui dit ; « La fraternité que nous manifestons aujourd’hui n’est pas nouvelle dans l’histoire de nos religions. L’histoire de nos religions en témoigne. Car dans l’islam, les chrétiens ont porté secours aux musulmans qui étaient persécutés par les païens de La Mecque. Les persécutés étaient accueillis en terre appelée à l’époque « Habacha » qui s’appelle aujourd’hui Ethiopie, ou était le grand pays chrétien qui les a accueilli et leur a accordé l’hospitalité. Nous avons une seule fondation, les trois religions monothéistes proviennent toutes d’Abraham. Nous avons donc intérêt à conjuguer nos efforts pour que le peuple centrafricain puisse toujours vivre ensemble. J’espère que vous serez à nos côtes pour que le peuple centrafricain devienne un seul peuple pour toujours. Je vous remercie. »
NICOLAS GUEREKOYAME-GBANGOU a lui aussi pris la parole et s’est adressé en ces mots je voudrais dire, au nom des confessions religieuses, que nous représentons ici, que nous avons un langage que la Bible nous a prêté, nous avons une pensée que la Bible nous a prêtée qui dit « l’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère ».
A Mme Catherine Samba Panza, Mr Hollande a déclaré: « La France est donc intervenue – c’était le 5 décembre – et c’est ma seconde visite en Centrafrique. La première fois, j’étais resté sur l’aéroport, je venais d’Afrique du Sud et, hélas, mon déplacement avait été endeuillé par les deux soldats qui venaient d’être tués. Il y avait déjà des milliers de Centrafricains qui s’étaient massés à côté de l’aéroport. J’avais dit combien la détermination de la France serait grande pour apporter la sécurité, rétablir l’ordre, séparer les populations qui voulaient s’autodétruire et faire en sorte que nous puissions aller dans une transition politique »
Quel est maintenant notre objectif ? Notre objectif est de pouvoir permettre que les axes de circulations soient libérés. C’est de faire en sorte de vous accompagner, Madame la Présidente, votre Gouvernement, vers les zones où se sont installés certains qui peuvent un moment penser qu’ils sont coupés du reste de la Centrafrique, pour que le dialogue puisse être repris et pour que la communauté nationale puisse être préservée.
Vous l’avez dit, pas de partition de fait, pas d’esprit de séparation. Vous êtes dans la même communauté. Nous devons faire cesser les violences interreligieuses. Il y en a moins, il y en a encore. Il y a des groupes que nous devons mettre hors d’état de nuire. De ce point de vue, la prison a repris son fonctionnement et il n’y aura aucune impunité. L’autorité de l’Etat doit être préservée.
Mais vous avez demandé ce que j’avais à vous annoncer. Vous savez que la France par le vote de son Parlement a prolongé l’opération SANGARIS. C’est un effort que nous faisons. Nous le faisons parce que c’est l’intérêt de la communauté internationale.
Si le désordre, l’instabilité perdure en Centrafrique, c’est toute la région qui sera menacée. Si les violences interreligieuses s’aggravaient davantage, c’est l’ensemble du continent africain qui pourrait être menacé. Ce que nous faisons en Centrafrique ce n’est pas simplement pour la Centrafrique, c’est pour une grande partie du continent.
Je reviens à ce que vous me demandez, l’opération SANGARIS qui va être prolongée, notre aide au développement qui, ici, prend traduction à travers le financement de bon nombre de projets, grâce aussi aux organisations non gouvernementales (ONG), aux programmes des Nations unies.
Si le désordre, l’instabilité perdure en Centrafrique, c’est toute la région qui sera menacée. Si les violences interreligieuses s’aggravaient davantage, c’est l’ensemble du continent africain qui pourrait être menacé. Ce que nous faisons en Centrafrique ce n’est pas simplement pour la Centrafrique, c’est pour une grande partie du continent.
Et pendant ce temps, parmi la population musulmane…
« Pas la peine de venir, nous sommes déjà tous morts M. Hollande », a crié une femme dans le quartier musulman du PK-5, en marge de la visite du président français. Ce quartier musulmane de la capitale a essuyé ses deux derniers jours de violentes attaques de la part de miliciens chrétiens anti-balaka. « NON à la France », lit-on sur une pancarte.
Pour rappel, la mission des 1.600 soldats de Sangaris a augmenté ses effectifs en Centrafrique de 400 soldats en renfort, arrivés jeudi à Bangui. La France souhaitait également la tenue d’élections générales avant la fin 2014, cependant cet objectif apparaît désormais irréalisable.
La France milite pour qu’une force de l’ONU de 10.000 hommes prenne le relais en Centrafrique. Amnesty International a également demandé vendredi au Conseil de sécurité de prendre « urgemment » une telle décision.