Il est le leader du plus grand parti centrafricain aujourd’hui. Martin Ziguélé est inspecteur principal des impôts en disponibilité depuis 2000. Marié, père de 3 garçons et 3 filles, il réside en RCA mais vient régulièrement en France rendre visite à sa famille, ses amis et ses contacts politiques. Depuis le congrès de juin 2007, il est le président du MLPC, le Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain. Mais, depuis deux mois, il est aussi le Président de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Transition (AFDT), regroupement des forces politiques qui soutiennent la transition et veulent qu’elle se fasse de façon apaisée et qu’elle puisse déboucher sur des élections afin d’ancrer la démocratie en RCA. Dans la vie civile, Monsieur Ziguélé est consultant et gérant d’une petite société de conseil.
Mr Ziguélé, que pensez-vous de cette transition ?
L’effondrement de l’Etat représenté par la prise du pouvoir de la Séléka est la suite logique de ce que vit la RCA depuis plusieurs décennies. La transition ne peut être que difficile et nous sommes comme dans le cas d’un grand brûlé qui nécessite d’abord une chirurgie de guerre pour lui sauver la vie avant de passer à une chirurgie plastique pour lui faire retrouver le physique adéquat. Ce qui nous arrive aujourd’hui, cette parenthèse, parce qu’il faut que nous en sortions, nous donne l’occasion de réfléchir, de voir ce qui n’a pas marché, qu’est-ce que nous avons fait hier pour en arriver là. Il faut que les forces démocratiques républicaines puissent véritablement réfléchir sur les causes profondes de la situation de notre pays et se mettre d’accord pour soutenir cette transition, parce qu’elle est à l’image de la situation de notre pays. Cette transition ne peut pas être extraordinaire dans ce contexte de chaos politique, économique, sociétal, moral où l’on voit des Centrafricains s’entretuer publiquement parce que l’un est chrétien, l’autre est musulman, l’un est du sud, l’autre est du nord. Nous devons nous accrocher à cette volonté de nous en sortir et de faire de cette transition une parenthèse heureuse de l’histoire de notre pays.
Je ne partage pas les critiques dures qui ciblent le choix des hommes qui sont soit dans le gouvernement, soit dans le cabinet de la Chef d’Etat de la Transition. Je pense que ce n’est pas cela le problème principal. Quel que soit le parcours de ces hommes ou ce que chacun peut penser d’eux, il faut que nous soyons vigilants et exigeants pour que le travail assigné à chacun d’entre ceux qui ont accepté cette nomination, soit réalisé. C’est quoi ce travail ? Le premier mandat est la sécurisation du pays et je pense que les multiples appels de Mme Catherine Samba Panza lancés à la Communauté Internationale ainsi que ses efforts pour réhabiliter la police, la gendarmerie et, demain, peut-être l’armée, doivent être soutenus parce qu’il n’y a pas d’autres solutions. C’est ce que nous soutenons à l’AFDT et demandons depuis des mois. J’irai même plus loin pour dire que si la Séléka, dès son arrivée au pouvoir en mars 2013, avait immédiatement réhabilité les FACA (Forces Armées Centrafricaines), la gendarmerie et la police, nous n’en serions pas là. C’est parce qu’il n’y a pas eu cette volonté de rétablir l’Etat dans ses fonctions régaliennes, notamment cette réhabilitation, que le désordre s’est installé, qu’il y a eu une fenêtre d’opportunité pour les anti-balaka qui ont été instrumentalisés et ont créé le chaos, ce qui a nécessité l’intervention des forces internationales qui sont venues à notre secours.
2ème mandat, remettre l’Etat debout. C’est quoi ? C’est remettre l’administration en place, relancer une économie, payer les fonctionnaires, les pensions, les bourses, pour que l’économie et la vie reprennent. Remettre l’Etat debout, c’est rendre justice. Notre problème en RCA, c’est l’impunité. Il faut la justice d’abord, puis la réconciliation, pas l’un sans l’autre. J’ai lancé un appel à Bangui, il y a deux mois pour une commission Justice et Pardon parce que ce sont les même acteurs qui depuis 20 ans mettent le feu au pays et reviennent sous différentes formes et essayent de se légitimer ; et si le choix du peuple ne se porte pas sur eux, ils créent des situations de chaos. On ne va pas continuer cette guerre interpersonnelle et dire que ce n’est pas la personne qu’il faut pour telle ou telle position. Cela va durer encore combien de temps ? Ces personnes sont là, il faut les appuyer, les soutenir, apporter tout le concourt pour que leur mandat réussisse. Il faut être vigilants néanmoins.
Pouvez-vous nous parler des accords de Ndjaména ?
C’est par la presse et les radios internationales, comme tout le monde, que j’ai appris qu’il existait les « Accords de Ndjaména » précédents le Sommet de la CEEAC (Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale) qui a eu lieu à Ndjaména en janvier dernier et où, le Chef de l’Etat de la Transition Michel Djotodia, a démissionné ainsi que son Premier Ministre Nicolas Tiangaye. Par honnêteté intellectuelle, n’ayant pas vu ces accords, je ne peux les commenter. Une fois de plus qu’est-ce que nous voulons ? Nous voulons la paix dans notre pays. Comment nous pouvons l’avoir ? D’abord en faisant appel au sens de responsabilité des Centrafricains. La transition n’est pas éternelle. On ne va pas définitivement graver dans le marbre qui doit être quoi dans ce pays, parce que la légitimité appartient au peuple. Quels que soient les arrangements que nous faisons, c’est pour permettre à la transition d’aller à son terme dans la mise en œuvre de son mandat. C’est ce que nous devons privilégier. S’il existe des contradictions personnelles, des contradictions secondaires, il faut que nous gardions cet esprit de responsabilité et de tolérance pour les régler, pour que cela ne devienne pas le principal problème alors que, chaque jour, il y a des dizaines de morts en RCA. La priorité c’est d’abord la sécurisation.
Comment concevez-vous le désarmement à ce stade de la transition en RCA ?
Je pense que si je plaide aujourd’hui, si j’ai salué l’augmentation de l’effectif des forces armées dans le cadre de l’opération Sangaris à Bangui, c’est parce que je vis à Bangui et que je vois bien que les effectifs des forces internationales et du peu mobilisé au sein de la gendarmerie et des FACA ne peuvent pas maîtriser la situation sécuritaire à Bangui et à l’intérieur du pays. L’effort qui a été fait est important. Nous saluons le fait qu’il y ait 2 000 hommes sous le drapeau français, bientôt les 1 000 sous le drapeau européen et les 6 000 sous le drapeau africain. Mais je souligne ce que Ban Ki-moon et Hollande ont dit, il faut absolument que nous passions rapidement à une Force des Nations Unies de 12 000 hommes pour permettre d’imposer la paix à Bangui et à l’intérieur du pays. C’est lorsque la paix sera imposée, lorsque les effectifs permettant de renverser l’équilibre de l’insécurité seront en place que tous ceux qui détiennent illégalement des armes peuvent être par définition désarmés. Aujourd’hui, ceux qui détiennent ces armes, qu’ils appartiennent aux anti-balaka ou à la Séléka, sont beaucoup plus nombreux que les forces régulières. Comment voulez-vous que le rapport de forces soit inversé ? De plus, le type d’adversaire à combattre ne rentre pas dans le cadre d’une guerre classique, entre des troupes alignées d’un côté et de l’autre. Si c’était le cas, avec le nombre de forces que nous avons aujourd’hui du côté international et centrafricain, le rapport de force serait inversé. Cependant, il s’agit d’adversaires atypiques, asymétriques, des hommes et des femmes qui n’ont pas forcément l’apparence de combattant, qui ont des armes, des machettes et qui peuvent créer des incidents là où l’on s’y attend le moins. Il faut alors un maillage du territoire et, pour cela, il faut un effectif critique, une Opération de Maintien de la Paix. Ce n’est que lorsque ces conditions seront réunies que le déclenchement du désarmement sera opérationnel. Et pour ce qui nous concerne au MLPC, nous sommes en train de mener des réflexions pour une initiative en attendant que cela se fasse, pour contribuer à faire en sorte que la sécurisation soit rapide et que le pays puisse se réconcilier avec lui-même. Pourquoi le faisons-nous ? C’est parce que c’est la première fois dans l’histoire de la RCA que des fils et des filles de ce pays se sont déchirés, à tel point qu’il y a eu un exode massif de Centrafricains dans tous les pays frontaliers. Cette situation ne doit pas durer, car si elle dure, elle va graver dans le marbre le communautarisme dans notre pays. Et cela, si nous avons pour objectif de construire la citoyenneté dans la République, nous ne pouvons l’accepter.
Le problème de la Centrafrique est avant tout politique. Pour la paix, la réconciliation, le dialogue, êtes-vous prêt à vous asseoir à la même table que tous les belligérants ?
Aucun Centrafricain n’a d’autre choix que de s’asseoir et de parler avec ceux qui sont en colère, avec ceux qui portent des armes. Mais il faut que les choses soient claires, si nous devons nous réconcilier, c’est pour empêcher le retour des pratiques que nous décrions aujourd’hui, et c’est pour cela que nous disons que cette réconciliation que nous devons mener de manière durable ne peut se faire que de pair avec la justice. Si la réconciliation se fait sans justice, c’est une fuite en avant car nous ne sommes pas les premiers pays au monde à avoir connu une telle situation. Plus près de nous, nous avons les exemples du Rwanda, du Congo, du Libéria, de la Sierra Léone, de l’Afrique du Sud, de Haïti. Nous avons toujours vu que pour éviter la répétition de l’histoire, il faut toujours que la justice passe et que la réconciliation puisse accompagner cette justice-là, pour que les uns et les autres soient sanctionnés pour le mal qu’ils ont commis car nous ne pouvons pas passer sur des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des opérations s’assimilant à de l’épuration ethnique, etc. Nous ne pouvons pas sauter à pieds joints sur ces événements au nom de la réconciliation, il faut que la justice se fasse et que le pardon se fasse au même moment.
Beaucoup de Centrafricains disent que vous orchestrez ce qui se passe et que vous êtes à l’origine de la Séléka, que dîtes-vous ?
Ce n’est pas les Centrafricains qui le disent, c’est Bozizé et ses proches qui l’ont dit et cela à l’époque, alors même que Bozizé était encore au pouvoir au mois de décembre et surtout janvier 2013 lors des discussions à Libreville. Lorsque la radio et la télévision nationales centrafricaines, avec les animateurs de cette « radio mille collines », ont dit publiquement que Ziguélé et Tiangaye, animateurs du FARE (Front pour l’Annulation et la Reprise des Elections de 2011 en République Centrafricaine – FARE-2011) à l’époque, et présents aux discussions de Libreville avaient demandé le départ de François Bozizé comme faisant partie de la Séléka. Donc il y a une entente entre cette opposition et la Séléka. Il s’en est suivi à Bangui des appels au meurtre, des appels à la vindicte populaire, des marches populaires avec des chansons disant que ce qui est arrivé à Charles Massi (militaire et homme politique centrafricain, porté disparu en janvier 2010 alors qu’il incarcéré par les autorités centrafricaines) arrivera à Ziguélé et à Tiangaye (ex-Premier ministre de François Bozizé et de Michel Djotodia). Ce n’est pas la population qui le dit, c’est une manipulation, une intoxication qui a commencé avant Libreville, pendant et après Libreville et qui continue encore, relayée sans preuves. Plus graves, il existe des intellectuels qui peuvent réfléchir et raisonner et qui disent que j’aurais été en novembre 2012 à Ndjaména avec Maître Tiangaye, avant le déclenchement de la rébellion pour rencontrer les animateurs de la Séléka. Ce qu’ils ne savent pas c’est qu’à ce moment-là, je n’étais pas à Ndjaména, mais à Bangui et que tout cela est vérifiable à l’entrée du territoire tchadien, ou quand je suis rentré à Bangui, sur mon passeport. On peut vérifier auprès des compagnies aériennes. On peut contrôler et vérifier tout cela. Il y a donc autant de mensonges qui circulent à mon sujet.
Certains sont même allés plus loin, pour dire que c’est nous qui avons emmené la Séléka au pouvoir, mais ce que tout le monde ne dit pas, c’est que les Accords de Libreville, parrainés par les 11 chefs d’Etat de la CEEAC qui instauraient une transition, ont été signés par les représentants de Bozizé et par lui-même, par l’opposition démocratique, par la Séléka, par les politico-militaires non-combattants. Nous avons tous signé les accords, ce n’est pas que Ziguélé et Tiangay. C’est sur la base de ces accords que Bozizé est revenu à Bangui et a nommé un Premier Ministre et a formé un gouvernement. Et c’est trois mois plus tard qu’il a perdu le pouvoir parce qu’il n’a pas respecté les Accords de Libreville, notamment le départ des Sud-Africains. Quand il perdait le pouvoir, j’étais à Paris. C’est un argument facile parce que pendant 10 ans nous avons dit, au sein du MLPC, que Bozizé était un mauvais gestionnaire de la RCA et qu’il mettait en avant ses intérêts personnels. Nous l’avons combattu sans relâche, mais nous n’avons jamais soutenu la Séléka et nous n’attendons que des preuves. Est-ce que nous avons soutenu la Séléka en lui envoyant de l’argent, en lui fournissant des armes, des hommes, en se rencontrant ? Je pense qu’aujourd’hui les téléphones, les services de renseignements de tous les pays sont à même de le vérifier et d’affirmer que tout n’est que calomnie. Le bouc émissaire c’est Martin Ziguélé, c’est le MLPC.
D’autres encore disent que c’est nous qui dirigeons la Séléka. Diriger la Séléka et n’être représenté au gouvernement que par un Ministre de l’Education, ce n’est pas très cher payé ! La vérité, c’est que les Centrafricains refusent de regarder la réalité en face. Tout le monde savait que la gestion du pouvoir par Bozizé et ses proches ne pouvait que nous conduire là où nous en sommes. C’est pour cela que nous avons demandé un dialogue politique que Bozizé a toujours refusé et rappelez-vous, le Président tchadien Déby était même venu passer la nuit à Bangui pour soutenir cela, et Bozizé a dit qu’il n’avait pas le temps d’organiser une rencontre avec les forces vives de la Nation et ses partenaires. La Séléka a profité de cette fenêtre d’opportunité. Comme l’armée n’a pas été reformée et que le processus de DDR (Désarmement, Démobilisation et Réintégration) n’a pas été mis en œuvre parce que tous les fonds ont été détournés par le régime de Bozizé, il n’avait donc pas de force armée et il a été envahi par des forces adverses qui sont venues mettre le pays dans les conditions que nous connaissons. Je mets donc au défi quiconque d’apporter la moindre preuve de mon soutien à la Séléka.
Les accords de Libreville ne sont-ils pas devenus caduques avec le départ de Bozizé ?
Il faut se référer à l’histoire immédiate quand il y a eu le coup d’Etat du 24 mars et que la Séléka est arrivée au pouvoir. L’ensemble des partis signataires de cet accord se sont retrouvés à Ndjaména et ont décidé que, malgré la sortie d’un acteur, l’esprit et la lettre de cet accord devaient demeurer. C’est ainsi qu’il y a eu les déclarations de Ndjaména du 3 et 18 avril pour donner l’architecture institutionnelle de la transition, ce qui a permis de mettre en place le CNT, le Conseil National de Transition, et les grandes lignes de la Chartre Constitutionnelle de la Transition qui régit les grandes lignes de notre pays. Il se peut que des compatriotes estiment, sur des bases légitimes, que ces accords ne sont pas appropriés aujourd’hui. Mais à ce moment-là, il faut recommencer le débat avec tous les acteurs. Mais est-ce la priorité aujourd’hui avec la situation du pays ? Tout est une question de choix : est-ce la priorité ? Quand on choisit une option, on analyse les conséquences. Est-ce que la transition est une période où nous devons déployer beaucoup d’énergie à revoir les accords, la chartre, etc. ? Est-ce que c’est le bon moment ? Est-ce que c’est important ? Si c’est la majorité des Centrafricains qui le pensent, naturellement que nous nous plierons à cette volonté, mais nous pensons qu’aujourd’hui, quel que soit le schéma qui a été fait, l’idée fondamentale des Accords de Libreville est que toutes les entités représentatives de la société centrafricaine doivent gérer ensemble la période de la transition pour organiser des élections à l’issue desquelles ceux qui dirigent la transition ne soient pas juges et partis. C’est ce qui peut donner une chance au pays de se construire, en évitant les contradictions qui nous ont emmenées à cette situation. Pour ce qui concerne le MLPC, nous sommes toujours à côté du peuple centrafricain et tout ce qui peut permettre d’aller de l’avant dans la paix, nous le soutiendrons.
On parle de février 2015 pour les prochaines échéances électorales, est-ce réaliste ?
Lorsque vous êtes dans la situation du gouvernement de transition, vous devez définir un cap, et le cap est ce que dit la lettre de la Chartre Constitutionnelle de la Transition. Elle dit que les élections doivent être organisées en février 2015. On aurait pu poser la question autrement. Qu’est-ce que nous devons faire pour que cette date soit tenue ? Il faut qu’il y ait l’Opération de Maintien de la Paix des Nations Unies. Notre pays n’a plus d’administration civile, ni militaire. Le pays doit reconstituer cet état civil, refaire le recensement, le référendum, etc. Pour que ce délai soit tenu, il faut que le gouvernement ait les moyens de sa politique. Il faut donc le soutenir concrètement autrement que par des mots ou des déclarations, afin que l’école reprenne, que les parents soient rassurés, qu’ils reprennent confiance, que les villageois reviennent dans leur village, que le village se repeuple, que les déplacés rentrent et que les gens puissent aller voter.
Si vous êtes candidat et remportez les élections, avec qui allez-vous diriger le pays ? Allez-vous mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut et collaborer avec la nouvelle génération ?
Je n’ai pas dit que je serai candidat et je n’ai pas non plus dit que je ne le serai pas. Au sein du MLPC nous avons une procédure très simple. Tous les militants du parti, quel que soit leur rang, sont susceptibles d’être candidat. Il faut qu’un congrès extraordinaire investisse les candidats, tant pour les présidentielles que les législatives, et avant cette formalité, personne ne peut dire qu’il est candidat du parti. Le MLPC aura un candidat, si mes camarades me désignent, je ne me déroberai pas, comme ils l’ont fait deux fois. On n’y est pas encore, mais c’est une option sérieuse sur laquelle le parti est en train de se pencher.
Le MLPC a été créé en 1979. La majorité des jeunes militants de notre parti sont nés après la création et nous avons un double travail politique : expliquer à la jeunesse de notre parti et à la jeunesse de Centrafrique, ce qu’est l’esprit du MLPC. Il a été créé pour lutter contre l’empire et rétablir la République. Nous sommes le seul parti qui ait mené cette lutte avec les syndicats et autres pour ramener la République. Nous sommes le seul parti qui ait gagné des élections démocratiques et pluralistes depuis la mort du Président Fondateur Barthélémy Boganda. Cet esprit doit animer tous les jeunes militants et ils doivent faire mieux. Comme le dit un proverbe africain, c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. Il n’existe pas d’opposition entre les jeunes et les vieux, ils sont complémentaires. Nous sommes obligés, pour des raisons biologiques et génétiques, de faire en sorte qu’il y ait de plus en plus de jeunes impliqués dans la gestion de la société. C’est inscrit en lettre d’or dans la démarche politique de tous les dirigeants du MLPC. Moi qui vous parle, j’en suis un exemple. J’avais 22 ans quand le parti a été créé, quand je suis rentré dans la jeunesse du MLPC. Aujourd’hui, j’en ai 57 et je le préside. Cela a été possible parce qu’à un moment donné, des responsables du parti m’ont tendu la perche. Je n’avais pas d’expérience quand j’ai été nommé Premier Ministre. C’est un exemple concret de transmission de bâton, d’une génération à une autre et surtout d’une promotion à une autre. Oui, pour les jeunes centrafricains en général qui feront preuve de sérieux, de lucidité et de responsabilité, nous travaillerons ensemble. Cela leur revient d’abord.
De mon expérience en tant que Premier Ministre, membre de l’opposition et en tant que militant depuis 1979, la leçon que j’ai tirée est qu’aucune politique d’exclusion ou de division ne réussira jamais en RCA. Toute tentative de division des Centrafricains est vouée à l’échec car nous parlons tous le sango et nous nous connaissons tous. C’est là qu’il faut rechercher la raison des échecs successifs des régimes en Centrafrique. Il faut l’unité et c’est le sango qui nous la procure. Il faut aller au-delà des clivages partisans. Bien sûr, nous pouvons avoir une vision commune pour lutter, pour conquérir le pouvoir, mais nous devons gérer le pouvoir avec toutes les bonnes volontés, tous les patriotes.
On ne peut compter d’abord que sur ce que l’on peut donner à son pays, plutôt que de compter sur l’ethnie, le parti ou la région. Il n’existe pas de société idéale. Ce sont ces jeunes anti-balaka qui prennent les machettes pour tuer, c’est avec eux que nous construirons la RCA. Les Séléka sont nos compatriotes du nord-est du pays, ils pensent qu’ils sont exclus de la RCA. C’est avec eux, pourtant, que nous construirons aussi la RCA. Tous ceux qui sont dans les camps, ce sont également les Centrafricains d’aujourd’hui. Il faut partir de ce qui existe pour construire le bien vivre ensemble.
Cette partition dont on parle est alors une illusion ?
Je suis d’accord pour une chose, tous les Centrafricains sont prêts à donner leur vie pour cela. La RCA léguée par Barthélémy Boganda n’est pas celle-là. Aucun centrafricain digne de ce nom ne peut parler de partition. Celui qui dit cela n’est pas centrafricain.
Quel message à nos lecteurs ?
Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finit toujours par venir. Le Centrafricain doit se souvenir de cela. Une mère enfante toujours dans la douleur. Les événements graves qui se déroulent aujourd’hui sont des alertes. Nous devons réfléchir. Nous avons échoué à la construction d’une Nation alors que nous avons tout en RCA. Nous n’avons pas su construire une société d’espérance, d’espoir où chacun puisse se sentir citoyen. Si nous comprenons ce qui nous arrive comme étant une opportunité, l’occasion d’un nouveau départ, nous aurons alors gagné. En 1982, le Tchad était un Etat néant selon le journal Jeune Afrique. 30 ans après, le Tchad est « debout ». C’est parce que des hommes et des femmes se sont levés et on dit ça suffit. En RCA nous sommes tous coresponsables de la descente aux enfers de notre pays, maintenant nous devons arrêter et reconstruire le pays.