Elles sont plus nombreuses que les hommes dans les universités. C’est une des réalités méconnues de la société iranienne. Analyse de ce phénomène.
Les femmes investissent les sciences et le savoir en Iran. Elles représentent la moitié de la société iranienne mais sont plus nombreuses que les hommes dans les amphithéâtres des facultés : l’admission universitaire féminine en Iran est passée de 40% à plus de 59.9% durant la dernière décennie, alors que le nombre d’élèves (féminins et masculins) est resté le même. Le taux d’obtention de diplômes universitaires, dans deux ou trois ans, sera de plus de 70% pour les femmes. L’imposition de quotas d’hommes ou de femmes, parfois même la restriction, voire l’interdiction, d’accès des hommes à certaines filières universitaires, aggravent ce phénomène.
Quelles sont les raisons de ce phénomène, qui certes s’observe dans de nombreuses régions du monde, mais est particulièrement prononcé en Iran ? La prise de conscience des familles ? L’effort porté sur l’éducation de leurs filles ? Quelles en sont ses conséquences pour la société iranienne ?
La participation des femmes, une voie de survie et de mieux vivre
L’augmentation du nombre d’admissions des femmes dans les universités, durant la dernière décennie – à moins qu’il faille parler de diminution de l’envie des hommes d’étudier – trouve son origine dans le changement du mode de vie et des structures sociales.
La famille, une institution sacrée de la société iranienne, est un important facteur de motivation à l’entrée des femmes à l’université. L’enseignement supérieur est devenu en quelque sorte un besoin, une consommation culturelle de la société iranienne. Le regard différent que la société porte sur les femmes, une meilleure connaissance de leurs propres droits, avoir un meilleur travail, trouver un mari sont des motivations réelles : la valorisation de soi et de sa famille, la quête d’une identité sociale sont devenues une priorité absolue, peu importe si le domaine d’étude ne convient pas toujours et si les frais de scolarités sont exorbitants. Bref, le diktat des diplômes est devenu un critère d’évaluation des individus, poussant les étudiants et leurs familles à continuer des études supérieures d’un niveau de plus en plus élevé.
Les études supérieures : des enjeux différents pour les hommes et les femmes
Le premier enjeu est clairement la professionnalisation des femmes et leur accès au marché de l’emploi. Ceci est certainement une chance pour avoir une vie plus confortable mais une question se pose: les femmes iraniennes ne pourraient-elles avoir une vie digne sans être employées? Quelles seraient les conséquences si elles ne parvenaient pas à trouver un travail décent ?
Dans la société iranienne, le travail est primordial pour l’homme, les responsabilités légales et financières de la famille lui incombent. Au contraire, malgré son importance, l’occupation professionnelle des femmes n’est pas d’une nécessité vitale. Faire des études supérieures n’est certainement pas indispensable pour être épouse et mère. Or, les femmes se marient et ont des enfants beaucoup plus tard qu’auparavant, ce qui leur ouvre une période de disponibilité pour les études supérieures. Et comme partout dans le monde, les femmes ne rêvent plus de ce seul statut marital et maternel.
Les hommes deviennent également époux et pères après le mariage, mais ce sont simplement des rôles familiaux, et non sociaux. Pour eux, leur position professionnelle détermine, elle, leur position sociale. Un homme sans position professionnelle, et donc sans position sociale viable, subira de graves conséquences dans sa vie privée.
Dans un tel contexte, les hommes qui décident de continuer leurs études, insisteront plus sur l’aspect professionnalisation de l’université. Des études universitaires ne seront attrayantes et utiles pour les hommes que si elles peuvent leurs garantir un travail à la sortie. Dans des circonstances où le taux de chômage pour les jeunes diplômés a atteint un niveau record de 30%, les études universitaires n’aident pas vraiment à trouver un emploi, elles retardent parfois même l’accès au marché du travail.
Ainsi, avec l’augmentation de l’âge moyen du mariage, avec le service militaire et les problèmes économiques que rencontrent les hommes, les femmes ont plus de chance d’entrer à l’université et de continuer leurs études. Alors que les nécessités économiques obligent les hommes à trouver rapidement un emploi, la motivation de la revalorisation sociale conduit les femmes à continuer des études universitaires.
Autrement dit, les femmes éduquées et cultivées, même sans emploi, peuvent être des mères, profitant d’un niveau social élevé acquis pendant les études. Tandis que pour les hommes qui ont fourni un travail important pour étudier et ont fait de grands sacrifices pour être diplômés, leurs études supérieures, seules, ne suffisent pas à avoir une vie confortable et une place reconnue dans la société. En conséquence, tant que la structure de professionnalisation du pays ne change pas et que le taux de chômage des jeunes diplômés augmentera au même rythme, ce déséquilibre universitaire demeurera.
Bouleversements sociétaux en vue
La revalorisation sociale des femmes par l’éducation universitaire et les difficultés économiques rencontrées par les hommes ne risquent-elles pas de transformer profondément les structures de la société iranienne ?
Les femmes se contenteront-elles de se marier avec les hommes qui ont une niveau d’éducation inférieur ? Quand des familles se formeront dasn lesquelles la femme a un niveau d’études supérieur à celui de l’homme, le processus de prise de décision subira des changements et les femmes ne trouveront plus nécessairement une justification à obéir aux décisions de leurs époux. La répartition des responsabilités familiales entre hommes et femmes pour la gestion des affaires domestiques risque d’être modifiée avec, pourquoi pas, des changements législatifs subséquents.
Il reste que les femmes ont aussi leurs soucis : l’augmentation du niveau de chômage chez les femmes diplômées, à présent deux fois supérieur à celui des hommes et qui ne fait qu’augmenter, risque de freiner les ardeurs universitaires des femmes qui ont un vrai projet professionnel.
L’accroissement du nombre de femmes célibataires et une augmentation du taux de divorce sont une nouvelle réalité : les femmes diplômées préfèrent vivre seules plutôt que de subir la pression d’un modèle traditionaliste. Elles préfèrent parfois se libérer des pouvoirs des hommes et vivre librement dans une société parfois très fermée.
On le voit, la société iranienne fait l’apprentissage de relations renouvelées entre hommes et femmes.