Vingt-huit ans, diplômé des Beaux-Arts à Tunis, en France depuis 2008, Nidhal fait partie de ces jeunes plasticiens qui émergent sur la scène parisienne. Nidhal partage un engagement artistique avec une conscience politique. Entretien sur son art dans le contexte de la révolution tunisienne.
Votre œuvre est-elle influencée par la Révolution tunisienne ?
Oui. Deux ou trois ans avant la révolution, mes créations étaient différentes tant du point de vue formel plastique que des sujets et des intentions. Ce n’est pas tant la Révolution pour la Révolution qui m’a attiré qu’une appréhension plus vécue et expérimentale de certains concepts que je portais en moi.
Quels sont ces concepts ?
Les jeunes qui sont tombés pendant la Révolution sont les martyrs de la révolution. Or on est passé d’une connotation religieuse à une notion de martyr comme figure sociale, de l’ordre de la contestation sociale. Les jeunes avaient un rêve de justice sociale sans projet politique. La dimension impossible de la Révolution m’a aussi inspiré : le rêve devenu utopie que ressentent beaucoup de jeunes qui ont déclenché la Révolution. Enfin, j’ai travaillé sur le mouvement par lequel des jeunes se sont organisés pour créer des formes de vie qui échappent à des hiérarchies et des organisations non ordonnées. La dimension chaotique de la révolution comme facteur de création et de mouvement m’inspire. Les plus jeunes ont connu une révolution même sexuelle qui change leur vie.
Vous retrouvez-vous dans la nouvelle Constitution tunisienne, fruit d’une synthèse entre islamistes et leurs alliés progressistes ?
Pas vraiment. Et ce n’est pas cette Constitution, ni aucune autre, qui va changer la société. D’autant que des pans entiers de l’ancien système sont toujours en place. Il reste à mener un travail essentiel, social, sociétal, en profondeur, pourtant très concret, pour réaliser les promesses de la Révolution. L’Assemblée nationale constituante ne représentait pas suffisamment le mouvement révolutionnaire.
La Révolution tunisienne n’est-elle pas réussie en ce sens que les Tunisiens n’ont plus peur de s’exprimer, à commencer par les artistes ?
C’est vrai. Dans les rues, des millions de Tunisiens ont dansé pour défier le pouvoir islamiste lorsqu’un ministre a reproché à une jeune fille de danser sur une place publique. Les graffeurs, les graffitis ont fleuri dans le pays. Pour ma part, j’ai participé avec un collectif d’une dizaine d’artistes à deux expositions « Politiques » en mars 2012 et avril 2013 dans le Centre National d’Art Vivant à Tunis.
Qu’a apporté la Révolution tunisienne à l’opinion internationale ?
La Tunisie a prouvé au monde que la théorie de la fin de l’histoire est dépassée. L’histoire est à nouveau en marche. Le projet social que j’évoquais et que porte cette révolution devrait interpeller l’ensemble de la communauté internationale.
Pouvez-vous nous présenter des œuvres qui incarneraient le mieux votre ancrage dans la Révolution ?
Il y a la série « De quoi rêvent les martyrs ? »
Remerciements à Marc Monsallier et à la Galerie Talmart