Les partis populistes devraient triompher aux élections européennes : en France, nous connaissons le Front national mais il est loin d’être isolé à l’échelle de l’Union européenne. Si nous ne voulons pas voir l’Europe se dissoudre dans le nationalisme, il faut que ceux qui croient encore aux valeurs portées par l’UE se mobilisent plus fortement.
L’Europe est en crise : Une crise économique bien sûr mais une crise démocratique aussi. Dans de nombreux pays de l’Union européenne, une défiance croissante vis-à-vis des partis de gouvernement, de gauche comme de droite, se traduit dans les urnes par une abstention massive et des votes en faveur des partis populistes, le plus souvent d’extrême-droite, dont le discours anti-européen trouve de plus en plus d’écho. S’ils sont différents d’un pays à l’autre, ces partis s’appuient tous sur un rejet de l’Europe, un retour à la souveraineté des nations et dans de nombreux cas, l’abandon de l’euro. Ils stigmatisent les immigrés, en particulier les musulmans qui ne voudraient pas se mélanger aux citoyens nationaux, ils revendiquent le fait d’être les porte-parole des peuples face à des élites corrompues et coupées des citoyens qui pâtissent de la crise… De la France à la Finlande, de la Hongrie à l’Italie, de la Grèce aux Pays-Bas, ils prospèrent.
La Hongrie, laboratoire du populisme en Europe
La Hongrie est le pays dans lequel cette nouvelle tendance politique est la plus avancée. La Hongrie est un pays au cœur de la « Mittle Europa » dont on parle peu. Pourtant, depuis 2010 Viktor Orban, leader du parti conservateur Fidesz, n’a eu de cesse d’affaiblir les contre-pouvoirs, en particulier dans les domaines de la justice, des médias ou de l’économie. Il a instauré le travail obligatoire pour les chômeurs et en particulier les Roms et a inscrit dans la Constitution, – révisée quatre fois en un an – la référence à Dieu et aux valeurs chrétiennes. Orban se targue ainsi de mettre les Roms au travail pour mieux flatter les instincts les plus primaires de ses compatriotes.
Mais, le premier ministre hongrois s’est illustré également avec une loi sur les médias qui a provoqué des discussions très vives avec la Commission européenne depuis 2011. Cette loi a permis la naissance d’une nouvelle autorité de l’audiovisuel dont le président est directement nommé par le premier ministre et dont les membres ont tous été proposés par le Fidesz. Viktor Orban a en effet le souci de « l’information équilibrée ». C’est sans doute la raison pour laquelle cette loi stipule également que dans des affaires liées à la sécurité nationale, les journalistes doivent révéler leurs sources sous peine de recevoir une amende…
La stratégie de Viktor Orban est simple : avec une politique radicale, il souhaite endiguer la progression du parti Jobbik, un parti d’extrême droite antisémite et anti-rom. Orban a été réélu début avril avec 44,5% mais moins largement qu’en 2010 tandis que le Jobbik a progressé de 17 à 20%. Il se pourrait que le résultat des élections européennes place le Jobbik devant les Socialistes, en mal de crédibilité. Officiellement il n’y a pas d’alliance entre le parti d’extrême droite et celui de Viktor Orban mais les points de convergence sont de plus en plus nombreux comme en témoigne l’élection du nouveau vice-président du Parlement hongrois, le 6 mai dernier, Tamas Sneider, ancien skinhead et membre du Jobbik…
Marine Le Pen pourrait arriver en tête en France
En France, le Front national ne cesse de gagner du terrain et s’implante durablement dans le paysage politique. Marine Le Pen a dédiabolisé le FN, abandonnant la rhétorique souvent dénoncée comme antisémite pour se concentrer davantage sur les populations d’origine musulmane. Elle réclame également une plus grande intervention de l’Etat sur le plan économique, là où son père était un libéral. Elle dénonce ainsi avec force l’euro dont elle voudrait que la France s’émancipe. Selon les sondages, le Front national pourrait arriver en tête devant l’UMP et le Parti Socialiste aux élections européennes. Marine Le Pen a déjà fait savoir par ailleurs qu’elle chercherait des alliés au Parlement européen, parmi lesquels, le Parti des travailleurs (PVV) néerlandais dirigé par Geert Wilders.
Aux Pays-Bas, Geert Wilders veut moins de Marocains
Geert Wilders, qui a conclu une alliance avec Marine Le Pen en vue de constituer un groupe au Parlement européen est tout aussi dangereux. Son crédo, lutter contre l’immigration musulmane qui ne souhaite pas s’intégrer. Pour lui, l’Islam n’est pas une religion mais une idéologie. Il a ainsi comparé le Coran avec Mein Kampf… La communauté musulmane s’inquiète encore plus depuis qu’il a déclaré le 19 mars dernier Geert Wilders a déclaré devant ses partisans : « Voulez-vous plus ou moins de Marocains dans votre ville et aux Pays-Bas? » « Moins, moins ! » a répondu la foule et Wilders de répondre : « nous allons nous en charger ! » La plus grande crainte du leader du PVV serait que la langue et l’identité néerlandaise disparaisse et que l’Islamisme ne gagne les Pays-Bas. Lui aussi pourrait l’emporter devant le parti du premier ministre, Mark Rutte.
Partout en Europe, les dirigeants des partis de gauche ou de droite sont à raison montrés du doigt pour ne pas prendre les bonnes décisions pour sortir de la crise. Les électeurs sont fatigués des promesses sans lendemain, des affaires de corruption et des guerres partisanes. Les électeurs de Viktor Orban, de Marine Le Pen ou de Geert Wilders ne sont pas nécessairement racistes, xénophobes ou anti-européens. Mais doit-on pour autant affaiblir nos démocraties ou abandonner nos valeurs communes en votant pour ces partis-là ?
Si les taux d’abstention record et ces votes sanction peuvent s’expliquer par la misère et la désillusion, doit-on pour autant renoncer à l’Europe sous prétexte qu’elle fonctionne mal ? Face à la Chine, le Brésil ou la Russie, nous ne serons capables de peser que si nous parlons d’une voix commune tant sur le plan économique ou diplomatique. Si l’Histoire ne se répète jamais deux fois, la période que nous vivons ressemble aux années 30 : crise économique, crise politique, manque de confiance envers nos dirigeants, repli identitaire, stigmatisation des minorités…
L’Union européenne aura soixante ans en 2018, ce qui est jeune par rapport aux Etats qui la composent. Elle est en évolution permanente. Ainsi, cette fois, en élisant les parlementaires européens nous pourrons à travers eux désigner également le président de la Commission européenne. Que les populistes dénigrent l’Europe et prônent le repli, c’est leur droit et leur choix mais ceux qui croient aux vertus de l’Europe ne doivent pas se cacher : ils doivent assumer leurs responsabilités et faire vivre l’idéal conçu par les fondateurs de l’Europe, Robert Schumann et Jean Monnet.
* Cet article a été publié sur le huffingtonpost.fr vendredi 16 mai