C’est sous un ciel incertain que Parisiens et touristes ont pu découvrir aux pieds de la tour Eiffel les 23 et 24 mai, de 10h à 1h du matin, la deuxième édition de la Nuit Verte. Cette année sur le thème de l’agriculture et de la biodiversité, elle avait pourtant le même but que la précédente : renouer le lien entre citadins et monde agricole, mais surtout redorer l’image d’une filière que de nombreux français perçoivent comme néfaste pour l’environnement et la santé. Mais qu’en est-il vraiment ? Décryptage.
Les parisiens sont courageux, et motivés. Malgré une pluie battante et de rares éclaircies, ils étaient nombreux à déambuler vendredi et samedi dans les allées de la Nuit Verte pour rencontrer les diverses associations de producteurs régionaux, goûter leurs produits sur le marché du terroir, et familiariser les enfants au monde agricole grâce à une petite ferme pédagogique et un parcours d’initiation ludique.
Les visiteurs semblent donc apprécier l’effort des coopératives agricoles pour mettre en avant leur savoir-faire. Mais ce coup de com’ bien ficelé a des implications beaucoup plus larges que la simple promotion d’une filière en mal d’embauche. Organisé par des syndicats d’agriculteurs comme la FNSEA, la Nuit Verte se veut force de propositions pour préserver la biodiversité et rendre l’agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la santé des citoyens, notamment grâce à l’éco-innovation.
Une ambition écologique qui peine à se concrétiser
Cette image d’une agriculture verte n’est malheureusement encore qu’une image. On ne peut nier l’impact environnemental de l’agroalimentaire. Un rapport de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) publié dans les années 2000 démontrait que la culture et l’élevage sont les causes principales de la pollution de l’eau par les nitrates, les phosphates et les pesticides, engendrés par les engrais et les déchets agricoles. Le rapport souligne également que, tous secteurs confondus, « l’étendue et les méthodes de l’agriculture sont les principales causes de la perte de biodiversité dans le monde ».
Un chiffre à noter également : 1/3 des gaz à effets de serre sont produits par l’agroalimentaire. Il était donc grand temps que cet enjeu soit pris à bras le corps par coopératives et exploitants, bien qu’il soit fort peu probable que les externalités négatives puissent un jour être compensées, même à l’échelle française.
Alors que proposent les syndicats agricoles pour faire enfin entrer l’agriculture dans la transition écologique ? Dans les prospectus distribués au détour des allées, pas de changement de fond. Sous de grands noms tels que « agriculture écologiquement intensive » ou « agro-biodiversité » l’exploitation céréalière se contente de gestes faibles, comme instaurer une zone sans culture entre les champs et les rivières, ou encore mettre en place des « barres d’effarouchement » devant les tracteurs pour effrayer les animaux et éviter de leur faire du mal.
Les organisations syndicales se targuent d’optimiser l’eau, mais il est pourtant commun de croiser des cultures abondamment arrosées sous le soleil de plomb de l’après-midi. Un non-sens quand on sait que l’agriculture absorbe 70% de l’eau consommée au niveau national.
Des projets éco-innovants bientôt mis à mal par le TAFTA
Néanmoins, on peut espérer que des solutions crédibles de grande ampleur soient entreprises. C’est notamment le cas avec le plan Ecophyto poussé par le gouvernement, qui espère réduire de moitié l’utilisation de substances phytosanitaires à l’horizon 2018. Un projet ambitieux pour le pays plus gros consommateur de pesticides à l’échelle européenne.
L’éco-innovation en matière agricole a également le vent en poupe, avec l’utilisation du maïs dans les biotechnologies qui serait une alternative avantageuse à la pétrochimie, grâce au bioéthanol ou au bioplastique par exemple.
Mais ces efforts pour assainir la filière et préserver l’environnement et la santé des consommateurs pourraient vite avoir du plomb dans l’aile. En effet, le TAFTA, ou Traité Transatlantique, en cours de négociation entre l’UE et les Etats-Unis a pour but de libéraliser les « obstacles non-tarifaires », ces normes sanitaires, alimentaires, environnementales, sociales et juridiques qui sont extrêmement divergentes selon les pays, non seulement entre l’UE et les Etats-Unis, mais aussi au sein même des états européens.
Il est donc à craindre que l’Europe s’ouvre à des produits américains très contestés, comme les poulets lavés au chlore, les OGM ou encore le bœuf aux hormones. Autant de produits considérés comme dangereux par nombre d’observateurs, qui non seulement menaceraient la santé des citoyens, mais mettrait en péril l’activité agricole française, du fait des prix très faibles de ces marchandises. Les syndicats présents à la Nuit Verte n’ont donc de cesse de militer pour une exception agroalimentaire, à l’image de l’exception culturelle, comme l’explique Luc Smessaer.
Une revendication qui a peu de chances d’aboutir étant donné le faible poids des gouvernements européens dans ces négociations dont ils sont exclus. Les termes du mandat n’ont en effet pas été communiqués aux députés, et cette opacité ne fait que renforcer l’image de lobbies multinationaux prédateurs qui font fi de la santé publique à des fins commerciales. La mutation écologique de la filière agricole française ne semble donc pas être pour demain.
L’Afrique au cœur de la Nuit Verte
Au-delà des produits du Bassin Parisien, c’est un continent qui s’ouvre aux citadins : l’Afrique. Partenaire dès la première édition, c’est le Mali qui, aux côtés du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, réjouit les papilles des badauds avec des mangues fraiches, et propose de découvrir le beurre de karité, mais également un produit moins connu : la gomme arabique. C’est grâce à elle que Mohamed Sidibé, le coordinateur national du cadre intégré pour le Ministère du Commerce et de l’Industrie du Mali, compte redynamiser l’essor économique de son pays.
Sur un continent encore meurtri par les affres du colonialisme et du néo-colonialisme, dont les gouvernements, pour la plupart corrompus, s’accaparent une large part de la richesse nationale, il est nécessaire d’entreprendre des initiatives ambitieuses pour développer une agriculture forte et bénéfique aux populations. La culture de la gomme arabique se fait uniquement sur le continent africain, et son usage est très favorable à la préservation de l’environnement. En effet, elle constitue un palliatif très efficace aux stabilisants chimiques de l’industrie pharmaceutique, et un additif alimentaire naturel. Dans la tendance verte actuelle, le marché a explosé au niveau mondial et promet des perspectives qui devraient, grâce au programme mis en place par le Ministère du Commerce du Mali, profiter aux populations locales et à la diaspora malienne vivant en France. Témoignage de Mohamed Sidibé.
[audio wav="https://www.opinion-internationale.com/wp-content/uploads/2014/05/Témoignage-Mohamed-Sidibé-1.wav"][/audio]