Edwige Zoé Dondra, présidente de l’ONG Femmes en Danger (FED), revient en détail sur les priorités de son ONG mais aussi, de façon très précise, sur les actions à entreprendre pour résoudre la profonde crise centrafricaine.
Quelles ont été vos motivations pour vous lancer dans l’activisme ?
Activiste je crois, que je suis née avec. Très petite je ne supportais pas l’injustice. Je pense que la profession actuelle que j’exerce en dit long sur mon désir de lutter contre les injustices et les inégalités.
J’ai quitté relativement jeune la Centrafrique, j’ai gardé en tête le souvenir de nombreuses problématiques sociales et même malgré un long séjour à l’extérieur, j’ai essayé autant que faire se peut de garder contact avec la famille. De plus, avec le développement d’internet, je continue de suivre les nouvelles du pays. Dans mes projets, j’avais toujours à cœur de créer une organisation non gouvernementale afin d’apporter une aide innovante pour le pays. Tout était en réflexion, jusqu’à l’avènement de la Séléka en RCA.
La Centrafrique a connu des années pas toujours très radieuses, mais avec la Séléka, je n’ai jamais vu mon pays, berceau de mon enfance, rentré dans une telle détresse. Je n’en dormais plus, à savoir que le lendemain, il fallait être apte pour le travail. Trop d’atrocités ont fini par précipiter les choses.
Après moult réflexions, j’ai pris la décision de me rendre utile. J’ai ainsi contacté un ami avocat dont le pays, le Congo RDC, vivait depuis plus de 15 ans, à quelques différences près, une situation semblable à celle de la situation centrafricaine. Et nous avons décidé ensemble de créer Femmes en danger, la FED.
Vous-vous occupez d’une ONG et vous en coordonnez aussi une autre, parlez-nous-en ?
En décembre 2013, la porte parole du président de la République française, Madame Najat Vallaud Belkacem, qui a suivi notre intervention sur la chaine africaine 3A Télésud, a souhaité que l’équipe FED rencontre sa conseillère diplomatique. Cette rencontre a eu lieu le 9 janvier 2014 avec toute l’équipe FED : le vice président Maître Mabanga, la coordinatrice régionale Rhône-Alpes Madame Ikandak Peye Valérie, la secrétaire général Madame Gombako Stiongba Luella et moi-même.
A cette occasion, la conseillère diplomatique nous a rappelé l’importance d’agir en réseau. C’est ainsi qu’en m’informant sur les réseaux des femmes, j’ai pu avoir une conversation téléphonique avec la présidente du réseau international des femmes noires et africaines, Madame Patricia Secke. Elle m’a recommandé à sa conseillère technique et coordinatrice d’AFP RDC (Africa Femmes Performantes), Madame Gisele Lessay Katal. Cette dernière était en France pour un long séjour et pour différentes missions, l’une d’elles était la mise en place de l’AFP France. A l’issue de cette rencontre, elle m’a proposé la présidence de l’AFP France. J’ai tout de suite accepté et il m’incombait alors de constituer mon équipe.
J’ai contacté des femmes dynamiques auxquelles j’ai présenté le projet. Je les ai invitées à visiter le site avant de prendre la décision de rejoindre l’AFP, ce qu’elles ont fait. Une partie de l’équipe a été recrutée par Madame Katal. Nous avons fait plusieurs réunions pour les statuts et les règlements intérieurs que nous avons soumis au siège AFP à Washington. Ils ont été adoptés par le comité administratif de l’AFP à Washington.
Pour moi, prendre la coordination de l’AFP, c’est saisir l’occasion incroyable qu’il m’a été donnée en tant que femme africaine de la diaspora, de tirer la femme vers le haut, d’amener la femme à développer son leadership. Beaucoup de femmes africaines ont des projets, mais à défaut de financement, elles les déposent dans les placards et les oublient.
Le congrès de la femme africaine ou de la femme noire, organisé annuellement par l’AFP à Washington, est un espace qui permet aux femmes ayant des projets de trouver un financement. C’est un principe simple. La femme vient avec son projet qu’elle présente et l’investisseur intéressé lui propose selon ses moyens de le financer. L’AFP dispense aussi des formations de coachings et des rencontres d’affaires. Elle met à disposition de ses membres son réseau partenarial et permet ainsi aux femmes d’en disposer, l’objectif étant la promotion des femmes africaines et noires. Il faut savoir que nous vivons une époque où tout fonctionne par réseau. C’est un espace qui permet aux femmes dirigeantes d’entreprises, d’ONG ou d’associations de faire des rencontres inédites pouvant propulser leurs projets ou activités.
Il faut souligner que pour atteindre cet objectif de taille, AFP a créé un fonds industriel, qu’elle met au service du développement des activités génératrices de revenus. Celui-ci est lancé par sa marque de cosmétiques « AFP Cosmétiques », pour soutenir les projets des femmes performantes. AFP s’est aussi alliée pour ses membres, avec une des plus grandes organisations noires américaines de networking et d’affaires afin de soutenir l’innovation, la recherche des relations d’affaires et de partager les expériences des femmes noires américaines millionnaires : the Winner’s summit (le sommet des gagnantes).
Ce système de réseautage ne peut qu’être bénéfique pour toutes femmes qui cherchent à bénéficier du mentorat, de partenariats des compétences nécessaires à son épanouissement, dans son environnement, ainsi que pour son enrichissement par un complément de contacts dans l’AFP afin d’augmenter ses profits. C’est une opportunité à ne pas rater lorsqu’on est responsable d’ONG, et c’est mon cas.
Quelles est la situation des femmes violée en RCA et depuis quand et pourquoi le viol est-il devenu une arme de guerre en RCA ?
Le viol n’est pas arrivé en Centrafrique par le fait de la Séléka. Il a existé à l’époque du régime de Président Patassé avec l’avènement de Mbemba (peut être pas aussi massivement que la Séléka car il n’y a pas une statistique précise sur les viols commis par ces derniers). Mais lors d’une conférence en France organisée par la fédération IFAFE, madame Edith Douzima Lawson qui intervient à la CPI sur cette affaire a parlé de 5000 femmes. C’est effrayant. Pour les victimes de la Séléka, il y a une chose qu’il ne faut pas négliger : les enfants. Parmi les femmes violées, il y a des enfants, des bébés, des fillettes et même des petits garçons violés (rapport Human Right Watch et Amnesty 2013) ; une chose assez nouvelle s’y ajoute les enfants soldats. L’ONU a déclaré avoir dénombré environ 6000 enfants soldats en République centrafricaine.
La période Séléka a été la plus sombre que la Centrafrique ait connue en matière de violences sexuelles. Les rapports d’enquêtes avancent des chiffres incroyables : ils parlent de 4000 femmes en 2013. C’est vrai que lorsqu’on compare ce chiffre à celui de la RDC qui a déjà dépassé les 400 000, on peut être amené à penser que c’est peu. La comparaison n’est pas pertinente car le RDC vit ces viols depuis plus de 15 ans et l’étendue des deux territoires n’est pas comparable.
Le viol devient une arme de guerre, lorsque l’intention n’est pas l’amour mais l’avilissement, la réduction de l’être humain à l’état bestial pour le punir ou le soumettre. Dans le cas des guerres, je donnerai une citation du Docteur MUKWEGUE spécialistes des viols commis en période de conflit : « Rien à voir avec des agissements individuels, ou un fait culturel […] ! » affirme le médecin. Les viols sont planifiés, organisés, mis en scène. Ils correspondent à une stratégie visant à traumatiser les familles et détruire les communautés, provoquer l’exode des populations vers les villes et permettre à d’autres de s’approprier les ressources naturelles du pays. C’est une arme de guerre. Formidablement efficace. » » Le viol est dans ce cas une tactique de guerre.
En Centrafrique le viol a été utilisé pour la première fois comme arme de guerre lorsque les hommes de Mbemba sont rentrés en territoire centrafricain. La Séléka n’a fait que poursuivre cette logique. Ces viols ont des conséquences désastreuses au niveau sanitaire.
Les éléments rapportés par différents ONG qui officient sur place, Médecin sans frontière, Croix Rouge, Merci corps, l’AFJC font état de traumatismes psychiques, des grossesses non désirées, de contaminations par HIV et autres maladies infectieuses. De nombreuses femmes enceintes ont été violées. De nombreuses femmes mariées violées ont été rejetées par leurs familles et répudiées par leurs maris. Idem si enceintes elles ont été violées, ou si par malheur elles tombent enceinte après le viol. Pour éviter les stigmatisations, ces femmes refusent d’aller se faire soigner, elles ont honte alors qu’elles sont victimes. Les enfants issus de ces viols sont souvent rejetés par leurs familles et le contexte dans lequel ils grandissent peut être dévastateur pour leur construction en tant qu’homme. On ne peut pas s’intéresser à la femme sans s’intéresser à l’enfant, les deux sont des personnes vulnérables.
Des progrès se font pour l’aide aux victimes en Centrafrique. D’ailleurs la Centrafrique a adhéré à plusieurs résolutions dont la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unis sur le rôle des femmes dans la construction de la paix, en mettant l’accent sur la protection des femmes et des filles en temps de conflits. Puis la résolution 1888 sur la protection des femmes contre les violences comme arme de guerre. L’ONU a reconnu en 2008 le viol : « le viol et d’autres formes de violence sexuelle peuvent constituer des crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou un élément constitutif du crime de génocide. »
Ces qualifications en droit international permettent de rendre les viols imprescriptibles et c’est là que réside l’important, car les violeurs peuvent être poursuivis toute leur vie.
Quant au recrutement d’enfants soldats plusieurs textes internationaux protègent les enfants en cas de conflits armées ou de guerre. Trois textes sont essentiels : l’article 77 du protocole additionnel (1977) à la convention de Genève de 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés internationaux ; l’article 38 de la convention des droits de l’enfant et son protocole concernant la participation des enfants à des conflits armés ; le traité sur le commerce des armes a renforcé la protection des enfants au terme du paragraphe 4 de l’article 7. D’autres textes récents peuvent être activés. Mais encore faudrait que l’ETAT manifeste d’une manière ferme son intention de combattre l’impunité, de traduire les auteurs en justice sans ménagement.
Comment contribuez-vous à améliorer concrètement l’existence de ces femmes violée en RCA ?
Il faut déjà préciser que l’ONG a aussi vocation à faire du lobbying et c’est ce que nous avons choisi de faire durant cette première année de fonctionnement. En créant cette ONG nous nous sommes assigné deux objectifs ou si vous voulez deux pôles.
Quels sont les Pôles d’activités ?
Il faut préciser que la FED est constituée de deux pôles d’activités : un pôle social et un pôle juridique (Cf. encadré).
Compte tenu de l’état sécuritaire du pays, nous avons choisi de mettre en avant le travail de lobbying et de sensibilisation. Mais parallèlement nous avons lancé les démarches d’installation de l’ONG FED en Centrafrique sous forme de structure.
Notre coordinatrice sur place a déjà formé l’équipe, mais les méandres administratifs restent à régler. Néanmoins, nous avons un centre d’encadrement de jeunes filles, avec lequel nous avons conclu des accords de partenariat, et qui nous a sollicités pour le financement de la formation professionnelle de 50 jeunes filles. Le voyage que j’avais effectué en Italie en décembre 2013 est en lien avec le projet de ce centre. Notre coordinatrice en Italie est encore dans sa phase d’installation.
Pour l’instant ne pouvant pas nous rendre sur place en Centrafrique, nous essayons de trouver les financements qui puissent permettre le paiement des frais d’écolage de ces jeunes filles, afin de leur permettre de démarrer leur formation. Nous espérons un cofinancement avec l’Italie.
Nous avons aussi un accord de partenariat avec l’AFJC du RDC. Le vice président de FED, Maître G. Mabanga (avocat au barreau de Paris et conseil auprès la CPI), sera plus aisé à vous en parler, car c’est lui qui est chargé des liens avec ce partenaire. Je peux quand même dire qu’il y a un travail de monitoring qui se fait et nous projetons de nous pencher sur la création de FED au Congo RDC, dès que la structure de FED Centrafrique sera opérationnelle. Nous avons déjà un contact sur place qui est chargé de mettre en place la coordination dès que les moyens le permettront.
Vous avez aussi mené un combat pour le départ du contingent tchadien de la MISCA. Parlez-nous en ?
Nous avons une mission de lobbying et de sensibilisation et lorsque notre ONG interpelle les autorités ou les organismes internationaux, c’est dans ce cadre.
Le 12 octobre 2013, dans ce cadre, nous avons répondu à l’appel du mouvement Panafrica à Genève pour une sensibilisation sur la situation la Centrafricaine en binôme avec la présidente de la REFAD aux côtés de Maître Seri ZOKOU du law office de Belgique et du Président de la FIDHOP Fédération Ivoirienne des Droits de l’Homme.
Le 18 octobre 2013, nous avons écrit au ministre des affaires étrangères Français Monsieur L. FABIUS, le 20 octobre 2013 nous avons été reçus à l’Union Européenne, par le responsable de la section des grands lacs et de l’Afrique centrale. Pour résumer, dans les documents que nous avons remis à ces deux autorités, il a été question de :
- Retrait des éléments tchadiens de la Fomac et de la Misca afin de permettre le désarmement de la Séléka, ceci pour éviter un crime de guerre, un crime contre l’humanité et un génocide chrétiens. Nous avions, à sa demande, envoyé une série de photos des atrocités pour lui permettre d’illustrer et appuyer son plaidoyer.
- Nous avons demandé d’accélérer l’envoi des forces françaises en RCA ainsi qu’une intervention ONUSIENNE. L’objectif visé était de faire cesser les massacres massifs des populations et les viols comme arme de guerre.
Le 19 mars 2014, toujours dans le cadre de la mission alerte FED, nous avons interpellé par écrit, le président de la République François Hollande sur le conflit d’intérêt que constituait la présence d’éléments tchadiens de la MISCA en RCA.
Cet écrit faisait suite au dernier massacre perpétré au kilomètre 12 par les éléments armés tchadiens. Dans ce courrier, nous avons demandé au Président de nous éclairer sur la menace de partition qui pèse sur la RCA et de nous donner la position française sur cette question. Nous avons aussi proposé des solutions que nous trouvons les plus urgentes, pour ramener le calme et assurer la sécurité.
Je vais juste vous donner les grandes lignes et je rappelle que toutes les actions menées ont été faites avec l’aval de l’équipe FED, surtout avec l’aide technique du vice président de FED ONG qui est un très bon conseiller. Car lorsqu’on s’adresse à un Président, il faut réfléchir à chaque mot employé, afin de l’amener à réagir. Pour ce faire, l’équipe a travaillé en concertation. Qu’avons-nous concrètement proposé ?
- Le départ de la MISCA tchadienne, qui par sa présence constitue une violation de règle du droit international. Le Tchad était dans un scenario de juge et parti. Comment peut-on permettre à un pays comme le Tchad directement impliqué dans les conflits en Centrafrique de participer aux opérations de paix ? C’est un contresens. Pour ce genre de mission, des règles existent, il faut tout simplement les respecter. Leur départ était sensé mettre fin aux bavures récurrentes contre le peuple centrafricain et au sentiment d’impunité qui persiste et nourrit cette entreprise de vengeance.
- Nous avons condamné fermement les crimes dans les deux camps et avons demandé que la Cour Pénale Internationale soit rapidement saisie, que les criminels soient recherchés avec un mandat international et mis à disposition.
- Nous avons demandé le déploiement d’au moins 12000 hommes de l’ONU et des forces de l’UE.
- Nous avons demandé une prolongation de la mission Sangaris sur 9 ans avec un bilan tous les trois ans, le temps de permettre à la RCA de reconstruire en toute sécurité son armée régulière, la FACA. Nous avons aussi demandé la signature d’une convention entre la France et la Centrafrique pour la formation de la FACA dans cette période de 9 années.
Comment analysez-vous la situation sécuritaire et politique de la Centrafrique ?
Je pense qu’il y a eu des forces extérieures dont nous ne saisissons pas vraiment les objectifs. Mais je suis persuadée que nous, Centrafricains, sommes vraiment à l’origine de ce qui nous arrive.
Il y a cette sorte de paranoïa de nos dirigeants (présidents) qui ne font jamais confiance à notre armée nationale et qui préfèrent aller chercher des mercenaires étrangers pour assurer leur maintien au pouvoir, au détriment de notre armée régulière. Comme ils ne sont pas souvent des hommes visionnaires et ne voient que leur propre condition, ils gèrent le pays comme leur patrimoine ou comme un quartier. Comment peut-on expliquer que pendant des années toutes les activités gouvernementales soient concentrées à Bangui, alors que certaines parties du territoire ou des régions entières soient délaissées, livrées à elles-mêmes, traitées comme des entités à part ? Comment faire union dans de telles conditions?
Un peuple totalement oublié qui n’a rien à manger peut faire insurrection. Laisser à l’abandon une partie du pays avec des frontières complètement poreuses, c’est inviter tous ces mercenaires indésirables dans leurs pays, en recherche d’opportunité, à venir s’installer. Un territoire dont les contours ne sont pas clarifiés et protégés, finit par devenir un litige régional ! C’est aussi clair que cela. Pour exemples prenons « la question de l’origine de ces 95% de Séléka étrangers » ? Rien qu’un début de réponse fait froid dans le dos, parce que l’idée même de l’existence de la Centrafrique comme État souverain peut se poser. Voila où se situe le danger ! D’ailleurs, à ce propos, que penser de cette réunion de Ndélé ! Avec quelle légitimité et quelle légalité la Séléka se permet de revenir en Centrafrique s’accaparer une partie du territoire, créer son état-major à Bambari, sous prétexte de protéger les musulmans et d’imposer l’application des accords de Libreville. En sachant que cet accord est devenu caduc !
Le 19 mai 2014, enfin j’ai pu lire un écrit du Premier ministre Nzapayeke, réaffirmer que notre pays, la RCA, est indivisible et je voudrais y croire, car nous avons besoin de cet espoir et nous avons besoin de croire en ceux qui gèrent le pays. Leur silence nous avait beaucoup interpellés mais maintenant c’est fait. Je pense que le gouvernement doit un peu plus communiquer sur ses actions, pour éviter toutes les suspicions qui laissent planer des rumeurs folles accusant la présidente de financer et cautionner la réunion des Sélékas sécessionnistes.
Quelle solution pour une sortie de crise ?
Je pense qu’il faut revoir le système de découpage territorial. Certains émettent l’idée de fédération. Comment peut-on créer une fédération avec un seul pays ? Ce qui signifierait que les provinces deviendraient des micros États avec des gouverneurs ? Si l’on veut s’aligner sur le modèle de la Belgique ou du Congo RDC, à savoir que certaines provinces ne sont quasiment pas peuplées, selon moi, ce ne serait pas une bonne solution, cela n’attiserait que la haine, la convoitise et entretiendrait des conflits fratricides liées à l’appât des richesses que les sous sols de certaines provinces regorgeraient, que d’autres n’auraient pas.
Je pense qu’il faudrait juste renforcer le découpage actuel avec un système de décentralisation et une déconcentration bien investie des pouvoirs nécessaires à la protection de notre souveraineté et à la sauvegarde de notre unité. Il faut juste ajouter les moyens.
Les élections en 2015, « si élection il y a », devraient à mon sens, porter à la tête du pays un homme ou une femme visionnaire, capable de veiller sur l’intégrité territoriale et de rassembler. Ces questions ethniques récurrentes devraient disparaître pour laisser place à l’unité.
En remontant l’histoire des migrations centrafricaines, j’ai découvert que la majeure partie des ethnies qui peuplent aujourd’hui la Centrafrique vient d’ailleurs. Elles ont vécu depuis en bonne intelligence. Et les vrais musulmans centrafricains, il n’en existe que 5% (les autres 5% sont des musulmans pour la plupart venus de l’Afrique de l’ouest et qui ne possèdent pas la nationalité). Ce serait aberrant de vouloir faire scission, sécession ou partition quelque soit le vocabulaire utilisé, pour 5% de musulmans contre 95% de non musulmans
Je pense qu’une fois la sécurité installée, la machine judiciaire mise en route, la réconciliation peut aussi s’enclencher. Mais ceci après un préalable d’espace de dialogue permanent entre les deux camps. Il s’agit vraiment de tout mettre à plat afin de favoriser un terrain de cohabitation pérenne et plein d’avenir.
Quel est votre message aux lecteurs d’Opinion Internationale ?
Franchement, tout Centrafricain qui aime ce pays, « la Centrafrique », ne peut pas l’imaginer scindée en deux. Cette question ethnique ne s’est posée que dans un contexte d’insoutenable vengeance.
De plus, il y a des semeurs de troubles qui ont infiltré ces groupes d’autodéfense avec pour objectif de décourager ou empêcher le processus de sécurisation et en finalité de paix.
Dans chacune de nos familles existent des cousins, cousines, sœurs, tantes, oncles, nièces, neveux, mères, pères, musulmans ou chrétiens ; nous ne pouvons pas parler de purification ethnique ni soutenir un tel concept, parce qu’en agissant ainsi, nous nous attaquons à cette partie de nous qui est mélangée. Je crois fortement à la paix. Mais pour qu’une paix puisse être durable, il faut travailler les préalables :
- Mettre la machine judiciaire en marche pour enlever ce sentiment d’impunité et empêcher que la loi du talion ne devienne la règle ;
- Mener à bien la sécurisation du pays, afin de permettre aux populations déplacées de retrouver leurs lieux de vie et pouvoir bénéficier des soins et de meilleures conditions de vie que celles de la forêt où nombreux se sont réfugiés ;
- Créer un espace de dialogue intercommunautaire pour que les musulmans et les non musulmans puissent se parler ;
- Il faut prôner dans les textes la laïcité et le vivre ensemble ;
- Un traitement judiciaire spécifique doit être réservé aux violeurs et aux recruteurs d’enfants soldats. Parallèlement les victimes doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge globale afin de favoriser leur insertion ;
- Il faut travailler sur des structures de prises en charges globales des populations qui ont vécu ce traumatisme, afin de les amener à élaborer leur traumatisme pour en faire quelque chose de bien. Je pense à ces situations rares de cannibalisme, les situations de victimes de viols, les enfants soldats, et tous ceux ou celles qui ont perdus un membre de leur famille dans ces atrocités. Sans oublier tous ses habitants qui se retrouvent démunis et sans abri ;
- La formation des FACA est une priorité. Lorsque la Centrafrique est menacée, les FACA devraient être les premières au devant de la scène et non le contraire ;
- La reconstruction du pays implique aussi la relance de toutes les institutions et le paiement des salaires. L’éducation doit être une priorité, car cette période sélékiste risque, si le gouvernement ne s’y penche pas, de faire de la jeunesse centrafricaine actuelle une jeunesse illettrée sans avenir. L’avenir du pays repose sur sa jeunesse ;
- Je pense que pour l’avenir, les différents gouvernements qui auront la charge de diriger le pays, en commençant par ceux de la transition, devront mener une lutte sans merci contre la pauvreté. Car un peuple qui ne trouve pas à se nourrir, à s’éduquer ou à vivre décemment peut imploser ou créer une insurrection. Ces gouvernements doivent commander des enquêtes pour étudier la pauvreté dans toute sa complexité, afin d’identifier les outils qui leur permettront de s’y attaquer efficacement. Pour ce faire, il faudra qu’ils aient une vision globale du développement qui puisse leur permettre d’arriver à l’éradication de la pauvreté. Cela suppose l’intégration du travail associé à la protection sociale. Notre pays regorgeant de richesses devrait créer avec des partenaires internationaux un système d’exploitation des ressources minières au profit des plus démunis. Je pense à une allocation universelle, proche du concept du RSA, qui serait versée à toutes les familles centrafricaines privées de revenu. Ce principe qui permet à tout être humain de bénéficier d’un minimum de ressource pour couvrir ses besoins alimentaires et élémentaires.
Cela revient à dire, qu’ils doivent mettre l’humain au centre de leur préoccupation, lui permettre par la prise de parole de participer au processus de l’éradication de la pauvreté ainsi que des inégalités. Ils doivent s’inspirer de la conférence de Rio, en s’inscrivant dans ses objectifs, c’est-à-dire les ODD (Objectifs de Développement Durable). Pour finir cette partie, je citerai Jacqueline Hocquet, responsable animation et plaidoyer internationaux (Caritas) : « La pauvreté fait partie des principaux facteurs de violence. Mais les plus démunis ne sont pas facteurs de violence, ils sont victimes d’un système ». Alors améliorons le système et nous irons vers la paix.
Je voudrais dire aux Centrafricains et Centrafricaines que la paix ne sera possible que si la volonté de l’atteindre est présente. C’est vraiment une décision qui nous est interne.
Alors regardons à l’intérieur de nous, de nos cœurs, cherchons dans nos souvenirs ce qui nous a permis de cohabiter dans un ensemble cosmopolite et de parler une même langue dans toute la Centrafrique.
Nous devons faire un devoir sur ce qui nous a unis par le passé et ce qui nous divise aujourd’hui. Puis nous devons rechercher, au-delà de toutes considérations négatives, ce qui nous unit et qui reste le plus fort. Moi j’ai une réponse : l’amour de notre pays, l’amour de notre prochain, la fraternité ! « Que Dieu bénisse la Centrafrique ! »
Les deux pôles de Femmes en Danger (FED)
Le pôle social
Le pôle social est chargé des activités suivantes :
- Insertion et autonomie des femmes
- Santé et éducation des enfants
- Scolarisation des filles et prévention de la prostitution
Pour atteindre ces différents objectifs, la FED travaille en étroite collaboration avec des associations basées sur le terrain dont elle s’engage à financer certaines actions. Plusieurs accords de partenariat ont déjà été conclus avec certaines associations aussi bien en RCA qu’en RDC.
Le pôle juridique
Le pôle juridique comporte deux axes d’activités : un axe monitoring et un axe assistance.
Un axe monitoring :
Il s’agira, par le biais des enquêteurs sur terrain, d’inventorier tous les cas avérés de violations graves des droits des femmes. Collectées au moyen de plaintes, dénonciations ou auto-saisine, les informations recueillies et documentées seront compilées au niveau des centres régionaux (capitale des pays où la FED est présente ou représentée), avant d’être acheminées au siège de l’association à Paris.
Un axe assistance :
Au niveau des centres régionaux, les enquêteurs de FED aideront les victimes à documenter leur préjudice et à saisir les autorités administratives, politiques et judiciaires pour obtenir sanction et réparation. S’agissant particulièrement des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale, ils aideront les victimes à remplir les formulaires de demande de participation à la procédure et de réparation.
Gestion des données de terrain
Au niveau du siège, des collaborateurs constituent, sous la responsabilité du vice-président, des dossiers thématiques dans le but de saisir les autorités nationales et internationales susceptibles d’influer sur les acteurs de conflits. Ils saisissent également des organisations internationales ou régionales, en particulier celles ayant pour objet la promotion et la protection des droits de l’homme, pour attirer leur attention sur les cas avérés des violations des droits des femmes dont ils sont saisis. S’agissant de la Cour Pénale Internationale, ils mèneront les démarches nécessaires auprès du Greffe pour devenir une organisation intermédiaire entre la Cour et les victimes.
Le pôle social
Le pôle social est chargé des activités suivantes :
- Insertion et autonomie des femmes
- Santé et éducation des enfants
- Scolarisation des filles et prévention de la prostitution
Pour atteindre ces différents objectifs, la FED travaille en étroite collaboration avec des associations basées sur le terrain dont elle s’engage à financer certaines actions. Plusieurs accords de partenariat ont déjà été conclus avec certaines associations aussi bien en RCA qu’en RDC.
Le pôle juridique
Le pôle juridique comporte deux axes d’activités : un axe monitoring et un axe assistance.
Un axe monitoring :
Il s’agira, par le biais des enquêteurs sur terrain, d’inventorier tous les cas avérés de violations graves des droits des femmes. Collectées au moyen de plaintes, dénonciations ou auto-saisine, les informations recueillies et documentées seront compilées au niveau des centres régionaux (capitale des pays où la FED est présente ou représentée), avant d’être acheminées au siège de l’association à Paris.
Un axe assistance :
Au niveau des centres régionaux, les enquêteurs de FED aideront les victimes à documenter leur préjudice et à saisir les autorités administratives, politiques et judiciaires pour obtenir sanction et réparation. S’agissant particulièrement des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale, ils aideront les victimes à remplir les formulaires de demande de participation à la procédure et de réparation.
Gestion des données de terrain
Au niveau du siège, des collaborateurs constituent, sous la responsabilité du vice-président, des dossiers thématiques dans le but de saisir les autorités nationales et internationales susceptibles d’influer sur les acteurs de conflits. Ils saisissent également des organisations internationales ou régionales, en particulier celles ayant pour objet la promotion et la protection des droits de l’homme, pour attirer leur attention sur les cas avérés des violations des droits des femmes dont ils sont saisis. S’agissant de la Cour Pénale Internationale, ils mèneront les démarches nécessaires auprès du Greffe pour devenir une organisation intermédiaire entre la Cour et les victimes.