Le dimanche 30 mars 2014 à Bangui, Opinion Internationale a organisé, avec le soutien de la fondation Joseph Ichame Kamach, un événement en hommage à Barthélémy Boganda, le père de l’indépendance Centrafricaine et président fondateur de la République centrafricaine mort en 1956.
Ce jour-là, dans le grand hémicycle de l’Assemblée nationale, de nombreux dirigeants politiques, la société civile, des artistes et le Conseil national de transition se sont réunis pour rendre hommage à Barthélémy Boganda et débattre sur sa mémoire et l’actualité de sa pensée.
La journée s’est conclue par un Appel au dialogue national et au dépôt des armes dont la liste des signataires grandit tous les jours.
Pour rappeler l’importance de cet appel et la nécessité impérieuse du dialogue aujourd’hui en RCA, Opinion Internationale publie dans une série d’articles, l’ensemble des discours donnés ce jour-là : Les discours de Bangui en hommage à Barthélémy Boganda.
Aujourd’hui, l’allocution de Cyrille Berkoula, secrétaire général adjoint du bureau provisoire du Mouvement national de solidarité (MNS).
Boganda aujourd’hui : en quoi Boganda peut-il nous aider à reconstruire la RCA ?
Barthélemy Boganda était un homme spécial, en raison des qualités exceptionnelles dont il était nanti. Toutefois, pour savoir en quoi son idéologie peut nous aider à reconstruire la République Centrafricaine aujourd’hui, il est primordial d’identifier avec précision le principal problème auquel est confronté notre pays en ce jour.
Quel est le principal problème de la République Centrafricaine ?
En effet, 55 ans après la mort du président fondateur Barthélemy Boganda, la République Centrafricaine a connue 55 années de crise. Il s’agit principalement, à mon sens, d’une crise de leadership.
Depuis la disparition du président Boganda, tous les régimes qui se sont succédés réclament son héritage mais aucun d’eux n’a pu développer un système de gouvernance capable de générer un ou des nouveaux Boganda comme il en est le cas dans certains pays après la disparition de leur héro. Je veux parler à titre d’exemple de la France et des Etats Unis d’Amérique qui, après la disparition de leurs leaders historiques ont été en mesure d’en faire émerger d’autres.
En France, la mort du vénérable Général de Gaulle n’a pas empêché l’apparition de nouveaux leaders français tels que Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estain ou Jacques Chirac. De même qu’aux Etats-Unis, la disparition du président Lincoln n’a pas entravé l’émergence de leaders charismatiques comme Franklin D. Roosevelt, John Kennedy et Barak Obama aujourd’hui.
Cette crise de leadership qui pourrit la République Centrafricaine a pour conséquence immédiate l’absence d’une vision globale de développement socioéconomique, alors qu’il est de notoriété publique que l’action sans vision n’est qu’agitation. C’est ainsi que, ne s’inscrivant pas dans un cadre cohérent de développement à long terme, les actions menées çà et là par les différents gouvernements depuis 55 ans n’ont constitué qu’un coup d’épée dans l’eau.
Certes, Boganda était un grand homme, une référence aujourd’hui, mais il est temps pour la République Centrafricaine de promouvoir de nouveaux leaders, capables d’imaginer des solutions appropriées faces aux nouveaux défis auxquels fait face le peuple centrafricain.
En quoi Boganda peut-il nous être utile aujourd’hui ?
Boganda était un visionnaire. Il avait une idée unique et originale de l’avenir de la République Centrafricaine. Il disait ceci à son époque : « libérer l’Afrique et les Africains de la servitude et de la misère, telle est ma raison d’être et le sens de mon existence ».Cette vision est toujours d’actualité dans la mesure où, 55 ans après sa disparition, la République Centrafricaine demeure en tout état de cause dans un cercle vicieux de misère.
Les valeurs d’Unité, de Dignité et de Travail, si chers au président Boganda, sont un socle de développement et peuvent constituer, pour nous Centrafricains, de véritables sources d’inspiration dans notre lutte quotidienne pour l’éradication de la pauvreté.
La République Centrafricaine occupe aujourd’hui le dernier rang mondial car le Centrafricain travaille peu ou ne s’applique pas au travail. Ce phénomène est dominant dans les administrations publiques centrafricaines où la plupart des compatriotes ne font plus huit heures de travail par jour mais plus tôt huit heures au travail.
En fait, le dernier rang mondial que notre pays occupe en terme de développement ne constitue en aucun cas une fatalité, ni un sujet de honte car, il n’y a pas de honte à reconnaitre sa position actuelle. Mais le peuple centrafricain sera profondément déshonoré lorsqu’il ne parviendra pas, dans l’Unité, la Dignité et par le biais de son Travail à se défaire de la misère. Conscient de cela, le président Boganda conseillait vivement ceci aux Centrafricains :« parler peu, travailler beaucoup ».
En sommes, je puis dire que les idéaux du président Boganda restent de nos jours une véritable source d’inspiration pour l’émergence d’une Centrafrique prospère, Une et Indivisible. Toutefois, pour générer de nouveaux leaders susceptibles de relever les principaux défis à venir, il me semble important que l’on mette un accent particulier sur l’éducation de la jeunesse, mais aussi sur la formation des ménages dans le domaine des affaires afin de promouvoir un leadership économique individuel, permettant ainsi à chaque citoyen centrafricain de sortir de l’utopie selon laquelle l’Etat fera tout pour lui.
En outre, il serait intéressant de mener des actions en faveur d’un changement de mentalité de la classe dirigeante. L’objectif principal ici est d’amener les décideurs politiques à gouverner dans la justice pour permettre à nous citoyens centrafricains d’avoir les mêmes chances devant les opportunités que la vie nous offre.
Cyrille Berkoula
Secrétaire général adjoint
Bureau provisoire du Mouvement national de solidarité (MNS)