Cette semaine, Opinion Internationale destine sa rubrique « A la Une » sur la Centrafrique au passage au peigne fin des grands maux qui gangrènent la société centrafricaine empêchant ainsi la marche vers la stabilité et le développement. Mais s’il est essentiel d’identifier les maux et de faire un diagnostic, il est tout aussi primordial de proposer des réponses, d’esquisser des solutions, pour que le nouveau Centrafricain qui naîtra des cendres de cette vieille Centrafrique puisse être revêtu des tous les attributs lui permettant de remplir sa noble mission en tant que garant et dépositaire de l’évolution de son pays.
Cette série aborde ainsi des thèmes allant de « identité nationale et citoyenneté » à « la préparation de la nouvelle élite centrafricaine » en passant par « patriotisme, nationalisme et souveraineté » et « la gestion du pouvoir ». Aujourd’hui « le leader et sa vision » :
Les régimes se sont succédés, la RCA est toujours aussi pauvre. Les régimes se sont installés, la qualité de vie des Centrafricains s’est détériorée. Les régimes ont pris le pouvoir, les maux ont gangréné la société centrafricaine. Les 13 années de l’un, les 10 des deux autres, l’année de celui-ci et les quelques mois de celui-là, n’y ont rien changé, le Centrafricain vit toujours dans la misère.
L’essence même du leadership, c’est que vous devez avoir la vision. Vous ne pouvez pas sauter une trompette incertaine (Neculai I. Fantanaru)
Aucune direction claire, aucun espoir pour cette jeunesse qui somnole et ère, aucuns travaux d’envergure, aucune possibilité pour ces jeunes filles et ces femmes, aucun espoir. Mauvaise gouvernance, inégalité, mauvaise répartition des richesses, impunité, injustice, coups d’état, rébellions ne cessent de fragiliser l’essor du pays. Où va la RCA ? Quel sera le niveau de vie de sa population dans une cinquantaine d’années ? Quel sera son PIB par habitant ? Qui pour emmener ce grand et beau pays de 623 000 km2 vers de nouveaux horizons, planifiant et coordonnant chaque activité et insufflant une dynamique pour des résultats concrets ? Qui pour gérer avec détermination, force et sagesse ces 4.5 millions d’habitants pour leur propre intérêt ? Qui pour donner l’eau potable et l’électricité à chaque Centrafricain, ce qui ne constitue pas un luxe mais un droit ? Qui pour développer le secteur privé ? Qui pour faire figurer la RCA dans le concert des Nations et à sa juste valeur ? Le leader et sa vision, deux termes méconnus dans le vocabulaire centrafricain. Nous sommes en 2014, des exemples criants nous interpellent. Nous ne pouvons faire outre, nous sommes condamnés à faire mieux et autrement, tous ensemble pour une grande vision !
Ils sont nombreux ceux qui se bousculent à la porte du Palais de la Renaissance pour y faire leur entrée une fois que la RCA aura passé ce difficile cap de la transition. Qui sont-ils, que proposent-ils et que feront-ils ? Ils ont été quelques uns à y faire leur entrée, promettant monts et merveilles à une population qui avait confiance en eux mais qui finit désabusée. Quelle a été, in fine, leur marche et leurs réalisations ? Ils seront encore nombreux à gouverner et seront les seuls responsables du devenir de la Centrafrique car cette fois-ci les gouvernés le leur feront bien comprendre, car plus jamais le pays ne pourra être géré comme il l’a toujours été. La RCA a besoin d’un véritable leader qui, au travers de sa vision, la conduira vers son développement.
Usuellement, le leader est la personne, qui à l’intérieur d’un groupe, prend la plupart des initiatives, mène les autres membres du groupe et détient le commandement (définition de Larousse). Mais cette définition conviendrait aussi pour le chef et il existe bien évidemment une différence entre le leader et le chef. Le leader est incontestablement celui qui a du leadership et l’exerce car le chef est tout simplement la personne qui commande, qui exerce une autorité, une influence déterminante.
Selon Wikipédia, le leadership est la capacité d’un individu à influencer, à motiver, et à rendre les autres capables de contribuer à l’efficacité et au succès des organisations dont ils sont membres ». Il désigne les comportements que l’on peut reconnaître à celui qui assure la « fonction du leader ». Le leadership peut aussi s’appréhender comme la capacité à créer un Monde auquel les autres veulent appartenir. Cette approche s’appuie sur les travaux des chercheurs Boltanski et Thévenot sur la théorie des Mondes. Le leadership est alors la capacité à diagnostiquer et comprendre le Monde actuel, à concevoir et incarner le Monde voulu et enfin à construire les passerelles pour que les autres acteurs rejoignent le Monde voulu.
Qui alors pour conduire les Centrafricains, au travers de son leadership, vers un Monde voulu dans lequel ils se reconnaissent et dont ils partagent la vision ? Et comment? En me basant sur plusieurs travaux, recherches et lectures, voici quelques éléments que chaque centrafricain gouvernés et futurs gouvernants devront s’approprier.
Qui alors pour conduire les Centrafricains au travers de son leadership ?…
Seul un véritable leader pourra faire décoller la RCA, celui-là seul qui conduira les Centrafricains dans les prochaines années pour une meilleure qualité de vie et privilégiera les intérêts de la Centrafrique pour un développement humain durable.
Ce meneur intègre et ce décideur rigoureux devra avoir le sens de l’excellence et de la transparence. Tout ce qu’il entreprendra le sera avec des objectifs clairs et bien définis à atteindre, évalués à courts, moyens et longs termes. Le suivi et l’évaluation sera son crédo ! La RCA devra être gérée comme une grande et prospère multinationale avec toute la rigueur et la méthodologie nécessaire à son bon fonctionnement. Ce bon leader se mettra au service de ceux qu’il va diriger, afin que ceux-ci puissent à leur tour rendre service au peuple centrafricain. Celui dont la RCA a besoin au sortir de cette transition viendra pour servir la Nation et non se servir.
Le futur dirigeant dont le peuple centrafricain a besoin sera proche de celui-ci, accessible, social, à son écoute. Il s’assura que tous les mécanismes soient mis en œuvre pour permettre l’échange, la communication et l’information entre lui et les Centrafricains. Les préoccupations des Centrafricains seront les siennes et elles devront toujours faire l’objet d’une attention particulière.
La capacité de communiquer est sans contredit l’une des qualités essentielles d’un bon leader. Une personne ne peut exercer une influence que si elle est capable de communiquer avec les autres. Certains affirment d’ailleurs que la communication est au centre même de la gestion. Une bonne communication suppose que l’on exprime ses idées (vision, mission, valeurs et objectifs) de manière claire et ordonnée. Pour que les buts communs puissent se réaliser, le leader doit d’abord partager ses connaissances et son expérience. Ceux qui savent communiquer s’attirent le respect des autres et parviennent à les influencer. La communication est un puissant outil de gestion qu’il faut sans cesse améliorer. (Wikipédia)
Son trait de caractère sera le suivant : une maîtrise de soi et une confiance en soi inébranlable ; une attitude générale positive et savoir aller de l’avant ; travailler en équipe et s’entourer de personnes responsables, déterminées, intègres, compétentes qu’il saura motiver, valoriser et défendre auprès des tiers, il saura les laisser travailler en toute indépendance ; rester calme même sous la pression et traversant des tempêtes ; être perspicace, créatif, sensible, visionnaire, souple, patient ; s’adapter ; et enfin avoir de la concentration (se focaliser sur un objectif à la fois).
Le futur président de la République Centrafricaine sera un personnage charismatique, forçant le respect et dégageant une forte personnalité. Il ne cherchera pas à se faire aimer mais sera apprécié à sa juste valeur. C’est lui qui au contraire aimera le peuple centrafricain, d’un amour sincère et œuvrera rien que pour ce peuple qui lui fera confiance et le suivra parce qu’il aura su prouver ses compétences par ses paroles et ses actions. Ce meneur saura prendre des risques mesurés dans l’intérêt de la Nation centrafricaine en prenant et portant les décisions difficiles. Ce meneur incitera ses collaborateurs à prendre part aux discussions, au processus de décision en toute collégialité. Il ne fera rien sans les consulter, n’imposera pas ses idées. Il saura leur déléguer son autorité en toute confiance.
Le futur chef d’Etat de la République Centrafricaine ne sera pas sectaire, il travaillera avec tout le monde, ce qui importera pour lui seront les qualités et les compétences de ces collaborateurs. Il sera soucieux du respect des lois et ne les violera pas pour pouvoir se maintenir au pouvoir. Il sera à l’origine de l’émergence d’institutions fortes car il aura su mettre à leur tête les personnes qu’il faut. Il usera d’un esprit de sacrifice et sera en mesure de démissionner si besoin.
De nature méthodique et rigoureuse, notre leader aura la capacité d’influencer le comportement des autres en les faisant toujours se surpasser, se développer, s’améliorer pour devenir à leur tour des champions. Le leader n’empêchera jamais l’émergence de futurs leaders mais s’appliquera et s’attellera à préparer la relève, la continuité pour accomplir la vision qui lui succèdera. Il saura user de fermeté lorsque cela sera nécessaire, en sanctionnant et en punissant pour respecter la justice et combattre l’impunité, mais il saura aussi récompenser, féliciter et encourager. Les « me », « moi, « je » seront bannis de son langage et il utilisera les « nous », « notre », « ensemble ».
Ce leader s’intéressera tout autant à l’aspect humain qu’à la tâche à accomplir et s’efforcera de créer un climat de confiance. Il fera prévaloir le travail en équipe, favorisera le développement personnel de ses collaborateurs et leur apportera une aide morale. Pour lui la meilleure façon d’encourager les gens à donner le meilleur d’eux-mêmes est de s’intéresser à eux. Pour être efficace, il devra savoir écouter, adopter une approche participative empathique, offrir aide et assistance à ses collaborateurs, et considérer la personne dans son ensemble.
Parce que ce leader dans sa petite enfance développait déjà ce leadership que l’on pourra aisément déceler lors de la future magistrature suprême, on dira du future Président de la République Centrafricaine : « il était déjà comme cela jeune, il faisait déjà cela à 12 ans, il n’a pas changé toujours aussi soucieux… ». Il n’aura rien improvisé, il sera l’évidence, celui dont le pays a besoin, sans pour autant être le Messie !
… vers un Monde voulu dans lequel ils se reconnaissent et dont ils partagent la vision ?
Le leadership est l’art de mobiliser les autres à vouloir se battre pour des aspirations communes. (Kouzes and Posner)
Le leader que la RCA attend aura pour mission première d’insuffler toutes les dynamiques pour atteindre sa vision au travers de son programme. Il donnera ses orientations, les moyens matériels et moraux à ses collaborateurs afin de réaliser leur travail en toute indépendance. Ce ne sera pas par un pur hasard que l’équipe sera formée avec des personnes particulières mais ce sera parce qu’ils partageront en commun une vision pour construire le Monde voulu pour chaque Centrafricain. Quelle est cette vision ?
En partant de ce point zéro où se situe la RCA, à la fin de cette transition et au début de la légalité constitutionnelle sanctionnée par des élections libres et transparentes, l’équipe dirigeante se devra de se fixer un cap, pour une trentaine d’années, 2045 par exemple, et se fixera des objectifs à atteindre, voici un exemple fictif :
Vision 2045
- le taux de mortalité infantile est de 40 (il est aujourd’hui de 3,34 en France et plus de 119 en RCA) ;
- l’électricité et l’eau potable sont accessibles sur toute l’étendue du territoire centrafricain ;
- le taux de scolarisation des filles est de 88% (il était de 59% en 2006 en RCA) ;
- la capitale économique est construite à Bayanga ;
- le chemin de fer relie la RCA au Congo Brazzaville ;
- la route transafricaine part de Lagos, passe par Bangui et se termine à Johannesburg ;
- chaque enfant centrafricain âgé de 8 ans possède un ordinateur ;
- la wifi est gratuite sur tout le territoire centrafricain ;
- deux gisements pétroliers sont exploités ;
- La RCA compte 650 entreprises centrafricaines dont une cimenterie et une raffinerie de pétrole.
Même si cela est fictif, c’est ce genre de vison dont doit se doter la RCA.
Leader centrafricain, toi qui arrivera après les élections présidentielles, apporte nous ton programme de développement, vient avec une vision claire et précise de ce que la RCA sera dans une trentaine d’années. Tu seras un leader, alors tu auras prévu et planifié tout le processus qui conduira le pays à atteindre ces objectifs de développer pour éradiquer la pauvreté, le système de suivi et d’évaluation qui te permettront de poser ton bilan à courts, moyens et longs termes.
Leader centrafricain, tu montreras au peuple centrafricain, chiffres à l’appui, ce que tu comptes faire de la RCA, comment et avec qui tu apporteras ta pierre à la construction de « Bé Africa ». Fini le temps de discours fallacieux, utopiques, irréalistes car le peuple centrafricain a été longtemps meurtri. Il s’est réveillé et se relève. Il ne pense plus comme avant le 24 mars 2013, il ne vit plus comme avant cette même date. Le peuple centrafricain désire sortir du sous-développement et vivre dans la dignité et dans un pays stabilisé.
Leader centrafricain, si tu veux diriger la RCA, propose-nous une vision cohérente, réaliste, réalisable et met en place les institutions, les collaborateurs qui t’aideront et t’appuieront pour que le peuple centrafricain te rejoigne dans ce Monde voulu, c’est alors que tu réussiras ta mission au service de la Nation.
Le sort de l’humanité ne se fait pas à coups de force : il se fait silencieusement par le développement inéluctable d’idées élues.
(La Femme chez les garçons (1924), citations de Louise Jeanne Baraduc, dite Jeanne Galzy)