Depuis quelques décennies, le SIDA pose de graves problèmes sanitaires et sociaux dans les pays en développement. L’Iran n’est pas une exception. Il y a une dizaine d’années, les maladies sexuellement transmises (MST) en Iran se concentraient surtout parmi les usagers de drogues injectables. Au vingtième siècle, l’Iran était un des plus grands producteurs d’opium dans le monde et dans les années vingt, cette drogue représentait plus du quart des recettes d’exportation de la nation. En conséquence, l’Iran hérite d’une longue tradition d’utilisation de l’opium en Iran qui continue toujours, souvent avec l’injection d’héroïne.
Les usagers d’héroïne se trouvent en grande masse dans les quartiers pauvres, surtout à Téhéran. Dans la rue et dans les prisons, les aiguilles partagées sont souvent employées, ce qui facilite la transmission des MST. Le portrait robot de l’usager de drogue en Iran est connu : c’est un homme marié, âgé d’environ trente ans et qui travaille dans un centre urbain. De plus, beaucoup parmi ces hommes ont des relations sexuelles non protégées avec des travailleuses sexuelles et parfois même avec d’autres hommes.
Le SIDA ne frappe pas que les toxicomanes
Ce qui a changé ces dernières années est que les personnes contaminées par le SIDA et autres MST ne sont plus uniquement des toxicomanes : l’actuel Vice-Ministre de la Santé, Ali Akbar Sayari,, a spécifié qu’en 2011 plus de la moitié des personnes infectées par le SIDA étaient certes des usagers de drogue (56 %) mais qu’un tiers (33 %) étaient des personnes ayant eu des relations non protégées. Ces conduites sexuelles à grands risques accélèrent la diffusion du SIDA et marquent un changement dans la transmission de ces maladies. Petit à petit, les relations sexuelles commencent à jouer un rôle plus important dans la transmission du SIDA, un fait qui inquiète d’autant le gouvernement que les relations sexuelles en dehors du mariage sont interdites dans la République Islamique.
Le gouvernement et les institutions culturelles de l’Iran sont-ils bien adaptés pour combattre efficacement la forte croissance du SIDA ? La sexualité est un sujet tabou dans l’Etat musulman et le gouvernement hésite à admettre l’existence des relations sexuelles en dehors du mariage. Selon Al Jazeera America, Chirzad Abdollahi, un spécialiste de l’éducation à Téhéran, explique que les conversations directes sur les relations sexuelles sont gênantes et considérées comme indécentes dans les institutions d’éducation, et même à la maison. Il ajoute que le gouvernement préfère de ne pas publier de statistiques sur tel sujet sensible pour éviter d’exposer les jeunes à des dangers sociaux. Il existe des programmes d’éducation sexuelle, mais ils sont réservés aux couples qui ont l’intention de se marier. Du coup, il y a un manque d’éducation sexuelle dans les écoles et les jeunes restent mal informés au sujet des MST.
Dans les grandes villes, il y a des stigmatisations agressives contre les usagers de drogues, les travailleuses sexuelles et les enfants de la rue. Ces communautés qui courent les plus grands risques de contracter le SIDA restent marginalisées avec peu de soutien gouvernemental. Selon Hassan Hashemi, l’actuel Ministre de la Santé, les personnes qui sont malades du SIDA gardent leur condition en secret et il y a peu de soutien social, et même un manque de tolérance pour les malades. Ce qui inquiète le plus les autorités, ce n’est même pas forcément le nombre de personnes qui vivent avec le SIDA, mais plutôt les personnes qui l’ont contracté sans s’en rendre compte. Selon les statistiques du gouvernement iranien, environ 27 000 personnes sont malades du SIDA en Iran. Par contre, l’agence de l’ONU estimait en 2012 que plus de 71 000 personnes vivaient avec le SIDA et que la plupart d’entre eux ne le savent même pas.
Une prise de conscience récente des autorités iraniennes
Le gouvernement iranien reconnaît progressivement la situation aggravante des MST et commence à faire face au problème. En 2013, le ministre Hachémi insistait : « tout le monde devrait savoir que [le SIDA] est un problème sérieux pour la société » et que le gouvernement tâche de « trouver de nouvelles voies » pour lutter contre cette maladie.
Gary Lewis, le directeur de l’office de l’ONU en Iran, précise qu’entre 2008 et 2012, le nombre de cliniques offrant les médicaments antirétroviraux est passé de 86 à 290. De plus, 3.500 personnes ont reçue des traitements antirétroviraux en 2013, soit dix fois plus que le nombre de personnes qui l’ont reçu en 2005.
Si les progrès dans le système d’éducation restent minimes, en décembre 2013, le gouvernement a annoncé qu’un livret de huit pages contenant des informations sur les maladies sexuellement transmises serait distribué dans les écoles. Malgré les forces culturelles qui condamnent les relations sexuelles en dehors du mariage, les usagers de drogues et les personnes malades du SIDA, le gouvernement tâche de réduire la transmission des MST et de soutenir les citoyens qui vivent avec ces maladies. Ces efforts gouvernementaux et la présence croissante des associations médicales humanitaires en Iran aident à surmonter les stigmatisations contre la sexualité et donnent de l’espoir à ceux qui souffrent des maladies sexuellement transmises.