Si Peter Sanderson-Dykes est né et a grandi à Liverpool et vit en France depuis 1987, il se sent Ecossais comme le sont ses grands-parents maternels et paternels. Il répond à nos questions sur le référendum écossais en tant que « sujet de sa majesté » – comme il nous le rappelle non sans ironie – mais aussi comme citoyen écossais.
Pour qualifier ceux qui soutiennent le Oui à l’indépendance de l’Ecosse et plus spécifiquement le Scottish Nationalist Party (SNP), on parle de « nationalisme ouvert et civique » en l’opposant à un nationalisme généralement beaucoup plus fermé et agressif. Qu’est-ce que vous pensez de cette façon de décrire le mouvement indépendantiste ?
Depuis les années 70, lorsque le SNP a fait élire ses premiers députés, il défend un politique de centre gauche, proche de celle des travaillistes et ouverte sur le monde. Ils ont toujours gardé – et je l’espère, garderont – cette ouverture.
Alex Salmond le First Minister écossais [NDLR chef du gouvernement écossais depuis la dévolution des pouvoirs à un exécutif écossais en 1999], a clairement annoncé que l’Ecosse avait besoin de milliers d’immigrés par an [NDLR 24 000 exactement].
Nous sommes très loin des thèses du UKIP (United Kingdom Independence Party), anti-Europe, anti-homosexuel, anti-immigré et proche du FN, qui s’est fait balayé lors des dernières élections européennes en Ecosse mais était le premier parti en Angleterre. L’Ecosse reste avant tout un pays d’accueil.
On dit de la campagne du Oui qu’elle s’adresse au cœur des Ecossais alors que celle du Non parle à leur tête. Est-ce vrai ?
Je suis entièrement d’accord. Une enquête réalisée par le SNP il y a un an révèle que la plupart des Ecossais sont hésitants, le cœur dit oui mais quand ils raisonnent ils doutent. Le SNP a cherché à comprendre les raisons de cette hésitation. Il a fait une campagne très intelligente pour rassurer les indécis, notamment sur des points très précis tels que sur les retraites par exemple. En procédant ainsi, les partisans du Oui ont réussi à rassurer de plus en plus de monde.
Moi même, j’ai évolué dans le temps. Même si mon cœur me disait oui, j’hésitais comme la majorité des Ecossais, mais aujourd’hui, je suis désormais convaincu du Oui.
Dans un récent débat avec un ancien député travailliste Alistair Darling qui soutient le non, Alex Salmond, a, selon moi, réussi à répondre aux doutes des Ecossais. Il a calmement expliqué ce qu’une Ecosse indépendante ferait en abordant toutes les questions que nous nous posons, que ce soit la livre sterling, l’Europe, l’OTAN, le pétrole, etc. Alex Salmond m’a définitivement convaincu…
Je trouve à la limite de l’honnêteté la façon dont les supporteurs du Non nous prédisent les pires catastrophes en cas de victoire du Oui. Ils cherchent à faire peur. Ils n’ont de cesse de nous dire que vendredi, au lendemain de la victoire du Oui, nous allons nous réveiller dans un monde où tout aura changé du jour au lendemain.
Or je pense que c’est complétement faux. Dans l’hypothèse de la victoire du Oui, il y aura d’abord 18 mois de négociations pendant lesquels rien ne changera et pendant lesquels il va falloir négocier chaque point précis. Cela va du nouveau drapeau du Royaume Uni à la question de la monnaie.
Selon vous, comment se situent les Ecossais par rapport à l’Union européenne ?
Ils y sont favorables depuis longtemps. Probablement en partie en réaction aux Anglais qui eux sont contre mais je crois, surtout, que l’Ecosse, en tant que petite nation, a plus sa place parmi les nations européennes que dans un Royaume-Uni de plus en plus contrôlé par les banquiers à Londres. On ne peut que constater qu’à Liverpool ou à Manchester il y des quartiers en totale déshérence et que Londres a drainé tous les investissements.
L’âge de vote a récemment était baissé à 16 ans. Est-ce pour favoriser le vote du Oui ?
Oui, les jeunes Ecossais sont majoritairement en faveur du Oui. Leurs parents leur ont raconté les années Thatcher et ils ne veulent en aucun cas revenir de près ou de loin à une politique d’austérité imposée par Londres.
Quel que soit le résultat du référendum du 18 septembre, est-ce qu’au fond le SNP n’a pas d’ores et déjà gagné ?
Complétement. Il faut se souvenir que quand le référendum a été décidé il y a deux ans, Alex Salmond, a proposé trois possibilités au gouvernement : ne rien changer, l’indépendance ou la « devo-max », c’est-à-dire la « devolution maximum », une décentralisation maximum accordant une large autonomie à l‘Ecosse. A cette époque, Cameron refusa cette dernière possibilité puisque les sondages donnaient le Non largement gagnant. Or, depuis qu’un seul sondage a donné le Oui légèrement en tête, le Premier ministre britannique propose désormais exactement ce que le SNP développait dans son programme de devo-max.
Les Ecossais, mais je crois aussi beaucoup de gens au Royaume-Uni, attendent de Londres qu’elle accorde beaucoup plus de pouvoir aux régions. Il sera difficile de revenir en arrière sur cette volonté d’obtenir plus de pouvoirs, quel que soit le résultat du référendum. C’est un processus irréversible.