La présidence de l’Institut du Monde Arabe en a fait un super-ministre international de la culture. Et l’événement qu’il consacre au Maroc lui permet d’exprimer tout son art. Jack Lang nous confie ses impressions marocaines.
L’Institut du monde arabe accueille une grande exposition Maroc. Comment définiriez-vous l’art contemporain marocain à travers ce que l’IMA en montre ?
C’est la culture marocaine, ou le Maroc tout simplement, qui est un pays d’exception. Ce pays constitue un modèle pour beaucoup d’autres pays y compris la France. Il est le seul pays qui, dans le préambule de sa constitution, revendique la diversité culturelle et religieuse de ses héritages : héritage arabo-musulman, héritage africain et saharien, héritage berbère et héritage hébraïque. Cet événement que nous avons imaginé avec nos amis marocains se place ainsi sous les auspices de cet hymne à la diversité qui vaut aussi pour la France et pour d’autres pays.
Les expositions, les programmations cinématographiques, les concerts, les débats, les colloques qui constituent cet événement polyphonique sont marqués par cette volonté d’ouverture et de tolérance et de métissage. Près de 700 créateurs, cinéastes, musiciens, interprètes y sont présents ce qui en fera chaque jour, pendant plusieurs miois, une ruche ouverte à tous les esprits curieux qui veulent découvrir un monde de couleur et de lumière.
Cet événement met en lumière l’Occident musulman et arabo-méditerranéen. N’y a-t-il pas une triste résonance aujourd’hui dans l’actualité alors que tous les regards sont tournés vers l’Orient. Cette exposition n’arrive-t-elle pas à point nommé dans l’actualité ?
L’IMA, institution unique au monde, est une institution de dialogue. Elle incarne un pont entre l’Orient et l’Occident. La présence du Maroc a valeur universelle. C’est une alternative à la violence, aux affrontements et au fanatisme. Ici, le climat est celui de l ‘échange, du dialogue, du respect et de la paix, ce qui n’exclut pas des débats d’idées et des controverses. Je crois vraiment que ce qui va se passer dans ces quatre mois a valeur d’exemple pour d’autres pays.
Il y a eu un âge d’or médiéval des relations entre le Maroc et l’Occident – l’exposition du Louvre en témoigne – mais l’imaginaire collectif ne retient que l’histoire des croisades. Qu’est-ce qui manque dans l’opinion publique pour que l’on appréhende de façon positive les relations entre le nord et le sud de la Méditerranée ?
Le premier ennemi c’est l’ignorance. Ce type d’événement que nous organisons avec le soutien de sa Majesté le Roi du Maroc et du Président français a une vertu pédagogique qui vise à montrer qu’un pays comme la Maroc a connu et connaît des moments de haute culture.
L’exposition sœur du Louvre met précisément en lumière les racines du Maroc alors que celle de l’IMA fait apparaître les fleurs de la création contemporaine. Au fond c’est une même culture, qui a bien sûr aussi connu les secousses de l’histoire, que montrent les deux institutions parisiennes. Tout n’est pas lisse, il y a des confrontations, des controverses mais par rapport aux fanatiques, les expositions du Louvre et de l’IMA sont des messages d’ouverture, de tolérance et de respect.
La démonstration est faite à travers les artistes que vous découvrirez que l’entremêlement des religions, des cultures, des héritages est l’ami de la créativité et de l’invention. C’est lorsque l’on s’isole et s’enferme, que l’on coupe les racines avec l’invention et la création.
Je ne dis pas que tout est parfait au Maroc, de même qu’en France tout n’est pas parfait. Mais il y a aujourd’hui dans le Maroc et à travers l’événement que nous présentons un modèle dont nous devons nous inspirer.
J’aimerais qu’un peu partout, y compris en France, ce message de tolérance et d’entremêlement des héritages soient médités. L’avenir du monde est là. Il n’est pas dans les exclusions, les fanatismes, les excommunications, les fatwas en tous genres. L’avenir du monde est dans la fraternité entre les femmes et les hommes de toutes cultures et de toutes religions. Le modèle marocain en est un bel exemple.
Propos recueillis par Michel Taube et Cécile Michiardi
Demain les interviews des commissaires des expositions du Louvre et de l’IMA