Deux des plus importantes institutions culturelles françaises, l’IMA et le Louvre, mettent conjointement à l’honneur le Maroc dans ses dimensions anciennes et contemporaines. Avec Le Maroc médiéval, le Louvre célèbre un Maroc patrimonial et historique. Le Maroc contemporain de l’IMA témoigne, elle, de la vitalité de la création artistique et de l’effervescence intellectuelle du Maroc d’aujourd’hui. Deux expositions pour un « même arbre » donc, dont on pourrait dire que le premier représente les racines et le second les fleurs. En guise d’avant-goût, présentation et échantillon de ces deux expositions à travers quelques œuvres et des manifestations à ne pas négliger.
Le Maroc médiéval
L’exposition incite à relire la période du XIème au XVème siècle, véritable apogée de l’Occident islamique. Cet espace politique et civilisationnel centré sur le Maroc a regroupé des territoires de l’Afrique sub-saharienne jusqu’en Andalousie.
Une succession de dynasties et d’empires – almoravide, almohade et mérinide – ont uni, pour la première fois, les confins de l’Occident islamique, et ont rayonné en Orient.
Architecture, textile, céramique, calligraphie
Des réalisations – architecture, textile, céramique, calligraphie – donnent un aperçu de cette longue et riche histoire, clef de compréhension du Maroc contemporain et source de sa modernité.
C’est ainsi que le Maroc, par son enracinement africain, ses prolongements culturels en Europe et son appartenance au monde arabe et musulman est en partie à la source de notre propre culture.
De Fès à Séville, de Rabat à Cordoue, le parcours retrace les chantiers architecturaux majeurs et les œuvres créées pour ces villes.
La Madrasa El Attarine à Fès qui date du XIVe siècle en est un exemple emblématique. Par ses éléments décoratifs, elle fait songer au revêtement des murs de l’Alcazar de Séville.
Mishneh Torah ou « Répétition de la Loi »
Dans le préambule de sa constitution, le Maroc revendique la diversité culturelle et religieuse de ses héritages : héritage arabo-musulman, héritage africain et saharien, héritage berbère mais aussi, nous l’oublions trop souvent, héritage hébraïque.
Moïse Maïmonide vécut au Maroc et en Égypte. A la fois talmudiste, philosophe, médecin et astronome du XIIe siècle, il est l’auteur du Mishneh Torah ou « Répétition de la Loi » dans laquelle il reprend et décrit les 613 commandements énoncés dans la Torah et le Talmud en un code concis et systématique. A la fois érudit et chef de communauté, sa pensée repose sur l’affirmation de la concordance entre foi et raison. Il représente la plus grande figure intellectuelle du judaïsme méditerranéen médiéval.
Arts Vivants
Le Maroc médiéval ne néglige pas non plus les arts vivants. L’exposition s’accompagne de concerts et l’Auditorium invite des artistes marocaines qui incarnent la vitalité et la liberté créatrices de leur pays, entre tradition et modernité.
Nous retiendrons entre autres, le samedi 29 novembre à 20h, le concert de la chanteuse Touria Hadraoui qui incarne une version féminine de la tradition du Melhoun.
Touria Hadraoui a déjà vécu plusieurs vies : elle a étudié et enseigné la philosophie puis pratiqué le journalisme et fondé une revue ; elle a milité pour la culture et pour la reconnaissance des femmes. A partir de 1988, elle s’est initiée à l’art du Melhoun, une forme ancestrale de poésie chantée.
Cet art, qui ne se résume pas à de la poésie exprimant des sentiments, est la mémoire qui a construit l’histoire du Maroc. Il représente à la perfection le rôle de trait d’union entre le passé et le présent du people marocain, que ce soit sur le plan de l’espace ou des différentes cultures. Il reste apte à construire le Maroc d’aujourd’hui, grâce aux sagesses véritables transmises par ses poèmes.
Conférences
Un cycle de conférences, – Le Maroc médiéval : cultures, mémoires, identités – accompagne l’exposition du Louvre.
Personnalité exceptionnelle que l’on considère comme le fondateur de la philosophie historique dans la culture islamique, Ibn Khaldûn est à l’honneur le lundi 3 novembre à 18h30 à l’université Paris-Ouest Nanterre-La-Défense-Paris-X. Gabriel Martinez-Gros, historien français, spécialiste de l’histoire politique et culturelle d’al-Andalus vient commenter et présenter dans une conférence intitulée Ibn Khaldûn ou la première fresque historique du monde islamique la pensée de celui qui a produit une véritable interprétation du devenir des civilisations du Maghreb.
Le Maroc contemporain
Le paysage culturel marocain témoigne depuis plusieurs années d’un véritable renouveau qui touche et concerne tous les différents secteurs de l’art et les diverses facettes de la culture. Ce foisonnement et cette efflorescence sont mis à l’honneur à l’Institut du monde arabe dans cette exposition qui montre la diversité exceptionnelle de ce pays.
Une diversité qui est essentielle à la personnalité et à l’identité du Maroc, ainsi que l’évoque avec audace le préambule de sa constitution qui revendique une « unité forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie » et « nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ».
Un aperçu pour vous mettre en appétit …
La tente du sud
La tente du sud vous attend. C’est elle qui vous accueillera sur le parvis de l’IMA. Mêlant patrimoine et innovation technique, ce témoignage du Maroc saharien constitue le point d’ancrage de l’exposition dans l’espace public.
Fabriquée selon un savoir-faire immémorial, la tente est présentée dans une disposition architecturale très contemporaine, tout en reprenant dans des formes nouvelles, la tradition des hommes du désert.
Ce sont 500 mètres carrés de surface qui abritent un souk voué à l’artisanat et au design marocains, ainsi qu’un restaurant.
A la croisée du rock et du rap avec SiSimo
Les chansons des rappeurs marocains disent à la fois les frustrations de la jeunesse, ses attentes et ses espoirs. Et c’est sans doute à travers leurs paroles que peuvent être le mieux perçus les questionnements et les changements qui travaillent en profondeur la société marocaine, comme aussi les avancées de la scène artistique… Ce mouvement constitue une véritable movida à la marocaine.
SiSimo, né à Casablanca, est de cette mouvance, rappeur atypique par sa passion frénétique pour les mots et sa volonté de rapper en darija – l’arabe dialectal marocain-, un choix qu’il assume jusqu’au bout du micro. Il s’applique à raviver des états d’âmes ou à dépeindre la vie en mettant en branle des situations vécues « à chaud ».
Qualifié de porte drapeaux du rap Marocain, SiSimo chante un rap progressif vif et intelligent. Il prend le tournant du rap progressif avec du hip-hop aux allures rock et aux affinités jazzy, sur des textes faits de rage, de dérision et d’humour.
Mohamed Mourabiti : spiritualité et questionnement
Le peintre Mohamed Mourabiti est peut être le représentant le plus abouti de cette volonté de mettre à l’honneur le Maroc, dans ses dimensions anciennes et contemporaines. A travers une peinture aux formes très contemporaines, il interroge aussi bien son patrimoine culturel et architectural qu’émotionnel et spirituel.
Puisant son inspiration dans ses souvenirs d’enfance passés dans les ruelles et les souks de Marrakech, il produit des œuvres lumineuses et minimalistes d’où émanent un profond sentiment de sérénité en même temps qu’une forme de questionnement. «Aujourd’hui le flot d’informations qui déferle sur nous, à travers la presse et les paraboles, ne laisse plus de place à la libre pensée et à l’imaginaire» dit-il.
Dans Sainteté des seins, il mêle souvenir du sein maternel et formes du dôme des tombeaux des saints religieux. De telles combinaisons étonnantes sont au fondement de son art.
Peintre de la spiritualité et de la place de l’homme dans son environnement, ses œuvres dépouillées apaisent le regard et poussent à la réflexion. Un monde énigmatique que Mohamed Mourabiti réussi parfaitement à retranscrire à travers ses peintures.
Le Maroc médiéval
Un empire de l’Afrique à l’Espagne
Louvre : du 17 Octobre 2014 au 19 Janvier 2015
Le Maroc contemporain
Un événement d’exception pour un pays d’exception
Institut du monde arabe : du 15 octobre 2014 au 25 janvier 2015
Demain les interviews des commissaires des expositions du Louvre et de l’IMA