Au début du mois d’octobre dernier, des centaines de personnes se sont mobilisées pour réclamer une meilleure prise en considération de la situation des femmes et des filles autochtones au Canada de la part du gouvernement. Depuis des années maintenant, des femmes membres des Premières nations, Inuit ou Métis[1] disparaissent ou sont retrouvées assassinées dans la plus grande indifférence.
Un bilan bien plus important que prévu
Plus de 1200 femmes et filles issues de communautés autochtones ont disparu ou ont été assassinées ces trente dernières années. C’est le résultat auquel est arrivé le rapport de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) cette année, un chiffre bien plus important que ce qui était attendu.
Le phénomène est tellement important qu’une autoroute dans l’Ouest canadien a été renommée « l’autoroute des larmes ». Selon les chiffres de la police, environ 18 femmes auraient disparues le long de cette route mais, selon les communautés autochtones, le chiffre avoisinerait plutôt les 40 et plus de la moitié seraient issues de ces communautés. Certains meurtres et disparitions remontent aux années 1970 mais, la police n’a commencé que récemment à prendre en considération l’ampleur du phénomène. De nombreux panneaux sont disposés le long de la route pour décourager les femmes qui décident de faire de l’auto-stop.
De manière plus générale, selon l’Association des femmes autochtones du Canada, les femmes des communautés risquent 3,5 fois plus d’être victimes de violences que les femmes non-autochtones. Plus de la moitié d’entre elles ont également déclaré avoir été victimes de violences graves et pour 27% de l’avoir été plus de 10 fois au cours de leur vie.
Un refus clair de la part du gouvernement canadien actuel d’enquêter sur le phénomène
Face à cela, la réaction du gouvernement canadien, est, pour le moins, limitée.
Une des demandes principales des groupes autochtones et des groupes de femmes est la mise sur pied d’une commission d’enquête globale et nationale pour réfléchir aux causes de cette violence endémique mais également à la mise en place d’un plan d’action qui viserait à une meilleure prise en charge de la question.
Depuis plusieurs années déjà, les Nations unies font pression sur le Canada pour que les violences dont sont victimes les femmes soient examinées et prises plus au sérieux.
Dans un rapport de 2013, Human Rights Watch a souligné la manière dont la police se désintéresse de la situation de ces femmes en Colombie-Britannique. Pire, le rapport relève des cas de mauvais traitements et parfois de violences sexuelles infligés par des policiers lors d’arrestation. Ces questions doivent être adressées et examinées au niveau national.
Après la parution du rapport de la GRC qui est venu confirmer le nombre très important de cas de disparitions et d’assassinats, Stephen Harper, premier ministre du Canada, s’est contenté de dire qu’il ne s’agissait que d’évènements isolés qui devaient être laissés aux mains de la police (encore faudrait-il que celle-ci les prenne au sérieux). Selon lui, la seule information importante concerne le fait que le taux de résolution des affaires impliquant des non autochtones et la même que celui pour les non-autochtones. La promesse de l’élaboration d’un plan d’action a été formulée mais reste pour l’instant floue. Au niveau provincial, les dirigeants, à l’image du premier ministre québécois, ont, eux, appelé à la mise en place d’actions concrètes.
Le premier ministre canadien a par ailleurs déclaré que la violence n’était pas « un phénomène sociologique ». Et pourtant…
Sortir du silence et réfléchir de manière collective et globale sur le phénomène
Pourtant, le racisme et le sexisme structurels sont au cœur des situations des femmes et des filles autochtones.
Le Canada a un lourd passé en ce qui concerne le traitement des populations autochtones. Rappelons la mise en place des pensionnats indiens, où les enfants des communautés étaient envoyés et coupés de leurs familles et l’institutionnalisation de ce racisme à travers les lois et les pratiques. Il existe encore de très nombreux stéréotypes raciaux auxquels sont soumis les peuples des Premières nations (par exemple leur paresse, l’alcoolisme, leur « nature violente »…) et la violence et l’exclusion s’exercent contre certains d’entre eux/elles pour le simple fait d’être indiens. Il faut ajouter à cela, les discriminations liées au genre pour les victimes dont nous parlons ici, des violences vécues par le simple fait d’être une femme. Et aux stéréotypes raciaux s’ajoutent ceux qui touchent spécifiquement les femmes et qui en font des cibles de choix pour la violence.
Sans doute, y a-t-il de nombreux facteurs socio-économiques qui peuvent également expliquer l’indifférence dans laquelle les histoires de ces femmes et de ces filles sont restées pendant si longtemps ? La pauvreté, et pour certaines, leur statut de travailleuses du sexe… ont sans doute augmenté le désintérêt de la police et des médias. Comme de nombreux groupes communautaires autochtones l’exigent et contrairement à ce que semble penser le premier ministre actuel, il faut examiner le système de discriminations au cœur duquel se trouvent les femmes des Premières nations pour pouvoir élaborer des solutions sur le long terme.
Rien ne pourra être fait sans elles, sans leurs communautés et sans respecter les spécificités culturelles qui leur sont propres. L’association des femmes autochtones du Canada, le mouvement Idle No More et bien d’autres encore, travaillent pour faire avancer la cause des femme
[1] Ces catégories sont définies dans la législation canadienne.