Le 23 octobre, l’on apprend que la première victime du virus Ebola au Mali est une fillette de deux ans, qui en décède deux jours plus tard. Cette nouvelle ne tarde pas à alimenter les peurs sur la propagation de l’épidémie; il faudrait se méfier des enfants maintenant ? Oui. Et, plus dramatique encore, les enfants représentent une population de choix pour le virus.
En plus d’être exposés au virus de par leur système immunitaire moins résistant, les enfants subissent une pression sociale plus forte que leurs aînés. Ainsi, par peur de voir l’épidémie se propager par les écoles, le gouvernement libérien a décidé leur fermeture, tirant un rideau sur l’éducation au profit de la santé.
Alors que l’UNESCO et les ONG se mobilisent, la tâche est titanesque : ce sont 1,4 million d’enfants qui n’ont plus accès à l’éducation, pour le seul Liberia, suite à la fermeture des écoles. Fin août, le Nigeria et Sierra Leone ont annoncé de semblables mesures, qui pourraient être reproduites dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest en proie à la psychose.
Quelle qualité de l’éducation en Afrique de l’Ouest ?
Cette décision n’est cependant pas un hasard : alors que tout rassemblement de masse est désormais à éviter dans les pays touchés par le virus Ebola (Guinée, Liberia, Sierra Leone), l’école demeure un lieu où se côtoient tous les jours des centaines d’enfants – mais aussi leurs enseignants – dans un espace réduit.
Cela soulève la question de la qualité du système éducatif dans ces pays, qui est un facteur aggravant de la vulnérabilité des enfants. En effet, il n’est pas rare en Afrique de l’Ouest de voir des classes regrouper jusqu’à trois niveaux différents d’élèves, par manque de budget ; ou de voir des effectifs allant jusqu’à une centaine d’élèves par classe.
En outre, en Guinée par exemple, 80 % des écoles ne sont pas reliées à l’électricité, tandis que de nombreuses écoles en Afrique de l’Ouest ne disposent pas de toilettes, selon l’UNESCO. Tout ceci multiplie un peu plus le risque de propagation du virus Ebola, qui se transmet via les fluides corporels.
Les gouvernements peuvent donc se mordre les doigts du manque d’investissements alloués au système scolaire, exposant d’autant plus au virus des enfants qui risquent la déscolarisation en masse.
Fermer les écoles, la solution miracle ?
Rien n’indique que cette mesure améliore la situation, car en-dehors de l’école, les enfants sont confrontés à d’autres risques. Il leur est notamment devenu plus difficile d’avoir accès aux soins car les centres médicaux concentrent presque tous leurs efforts sur le traitement du virus Ebola.
En outre, ils risquent la contamination à d’autres maladies en fréquentant des milieux qu’ils n’avaient pas l’occasion de visiter auparavant, et courent un risque plus élevé pour leur sécurité en étant livrés à eux-mêmes (nombreux sont devenus orphelins), raconte Emily Bell, de la More than Me Academy au Liberia, dans une interview début octobre.
Une nouvelle forme de racisme à laquelle font face les enfants
Le risque pour les enfants est également présent dans le reste du monde. Des mesures déjà radicales ont été prises aux États-Unis, où une école à Cleveland (Texas) a été fermée suite au passage d’une infirmière porteuse du virus dans la ville. Il ne fait que peu de doutes que de telles décisions pourraient être prises en Europe également.
Des cas croissants de jeunes agressés ou mis à l’écart pour avoir voyagé en Afrique ont également pu être constatés, à l’instar de cette agression de deux écoliers de retour du Sénégal – où le virus n’est pourtant pas présent. Plus généralement, on observe l’apparition d’une forme de racisme qui prend ses sources dans l’association entre le virus Ebola et l’Afrique.
La France n’est pas exempte de ce type de comportements. Des parents ont ainsi retiré début octobre leurs enfants d’une école de Boulogne-Billancourt car certains de leurs camarades revenaient de vacances en Guinée.
La propagation du virus Ebola passant en général par des pratiques sociales, elle nous pousse donc à poser un regard neuf sur les institutions et leur fonctionnement. Les enfants du monde entier sont aujourd’hui exposés à un double risque : un risque sanitaire accru et, en parallèle, une marginalisation sociale de par leur déscolarisation ou leur stigmatisation.