ACTUALITÉ DES DROITS DE L’HOMME
ARABIE SAOUDITE
⬥ #JeSuisRaif, l’indignation internationale permet de repousser à nouveau la flagellation du blogueur saoudien Raif Badawi
Raif Badawi est un blogueur saoudien de 32 ans, lauréat du prix Reporters sans frontières pour la liberté de la presse en 2014, et condamné l’an dernier à 10 ans de prison, 1 000 coups de fouet et une amende de 1 million de rials saoudiens. Tout cela pour avoir créé le site « Libérez les libéraux saoudiens » et « insulté l’islam ». La peine des 1 000 coups de fouet est prévue pour être répartie sur 20 semaines.
Pour Said Boumedouha, directeur adjoint d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, « la flagellation de Raif Badawi est un acte d’extrême cruauté, prohibé par le droit international. Raif Badawi est un prisonnier d’opinion ; son seul “crime” a été d’exercer son droit à la liberté d’expression en créant un site Internet».
Après les cinquante coups reçus par Raif pour sa première flagellation le vendredi 9 janvier, devant la mosquée al Jafali à Djedda, la communauté internationale, dont Amnesty International et Reporters Sans Frontières, se mobilise pour faire cesser cette inhumanité. Les gouvernements des États-Unis, du Canada, de l’Allemagne et de la Norvège ont condamné cet acte et les internautes soutiennent massivement le jeune saoudien sur les réseaux sociaux grâce au hashtag #JeSuisRaif.
La deuxième série de coups de fouet prévue vendredi 16 janvier a été reportée tout comme celle du 23 janvier, les médecins jugeant l’état de santé de Raif Badawi inapte à la flagellation. Selon son épouse réfugiée au Canada, le dossier de son mari pourrait être revu prochainement par la Cour suprême d’Arabie saoudite à la demande du roi.
➝ Pétition au Roi d’Arabie saoudite
⬥ Une femme décapitée en plein jour
Lundi 19 janvier, une femme a été décapitée dans les rues de la Mecque. La scène a été filmée et circule sur internet.
Laila Bint Abdul Muttalib Basim, d’origine birmane, vivait en Arabie saoudite. Elle était condamnée par la justice wahhabite à la peine de mort, accusée d’avoir sexuellement abusé de sa belle-fille de sept ans et de l’avoir tuée. La condamnée a clamé son innocence jusqu’au dernier moment.
En Arabie saoudite, dix condamnés à mort ont été exécutés depuis le début de l’année 2015. Ces pratiques barbares résultent d’une application stricte de la charia, système juridique qui prévaut en Arabie Saoudite. Le viol, le meurtre, l’apostasie, le vol à main armée et le trafic de drogue sont des crimes passibles de peines de mort.
Selon l’AFP, en 2014, 87 condamnés à mort ont été exécutés, contre 78 en 2013.
ALLEMAGNE : Pegida prend de l’ampleur
Ils s’appellent les Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident (« Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes », PEGIDA en acronyme) et manifestent, chaque lundi à Dresde contre l’immigration incontrôlée en Allemagne.
Depuis le 20 octobre 2014, Lutz Bachmann, – 41 ans, repris de justice et initiateur du mouvement- dénonce la politique d’asile du gouvernement Merkel et refuse « l’islamisation » de l’Allemagne. Chaque semaine, le nombre de participants à ces manifestations double pour atteindre plus de 25.000 personnes le 12 janvier dernier.
A l’exception du parti eurosceptique Alternative pour l’Allemagne (AfD), la classe politique allemande condamne le mouvement. Angela Merkel en première ligne, soutient les contre-manifestations qui émergent partout dans le pays et rassemblent plus de 100.000 personnes. La confrontation entre les pro- et anti-Pegida s’étend en Europe, touchant aussi la Suisse, la Norvège et l’Autriche.
Si la manifestation du 19 janvier, faisant l’objet de menaces terroristes, est interdite par la police et annulée par les organisateurs, les événements de Paris semblent avoir conforté les manifestants dans leurs convictions, comme l’explique Werner Pazelt pour Le Monde. D’autres rassemblements vont suivre, et pourquoi pas une issue politique, les responsables du mouvement étant en pourparlers avec différents partis de Saxe, longtemps fief du parti d’extrême-droite NPD.
Selon l’OCDE, l’Allemagne était la première destination des demandeurs d’asile en 2013 (110.000), devant les Etats-Unis (68.000) et la France (60.000).
AFRIQUE CENTRALE
Pour la première fois, un commandant de la LRA transféré à la Cour pénale internationale
Le transfert d’un commandant de l’Armée de résistance du seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA) à la Cour pénale internationale est une occasion importante d’obtenir justice pour les crimes commis par le groupe rebelle, a déclaré Human Rights Watch (HRW) le 21 janvier 2015. Dominic Ongwen, arrivé aux Pays-Bas le 21 janvier, doit répondre à quatre chefs d’accusation de crimes de guerre et trois chefs d’accusation de crimes contre l’humanité commis dans le nord de l’Ouganda en 2004.
Selon Daniel Bekele, directeur Afrique à HRW, « ce transfert est une avancée majeure pour les victimes passées de la LRA ; mais la protection des communautés locales doit continuer d’être la priorité pour les forces du l’Union Africaine ».
La LRA, dirigée par le seigneur de guerre ougandais Joseph Kony -toujours en fuite-, combat le gouvernement ougandais depuis trente ans en tuant et enlevant des milliers de civils dans des régions de l’Ouganda, du nord-est de la République démocratique du Congo, du Soudan du Sud et de la République centrafricaine (RCA).
La LRA a enlevé et enrôlé Ongwen dans ses rangs à l’âge de 10 ans et lui donnant une formation militaire. Il a fini par devenir un haut commandant impliqué dans de graves exactions perpétrées à travers l’Afrique centrale. Les poursuites judiciaires contre Ongwen soulèvent des questions importantes liées à sa situation d’ancien enfant soldat, même si les crimes dont il est accusé ont été commis à l’âge adulte. L’enlèvement d’Ongwen était un crime de guerre. Privé de soins parentaux, il a passé des années sous le contrôle d’adultes violents. Circonstances atténuantes qui devraient être prises en compte lors du verdict dans l’éventualité d’un procès et d’une condamnation.
EGYPTE
Le fléau de la violence faite aux femmes persiste
Dans un rapport du 21 janvier, Amnesty International fait part de son inquiétude quant au sort des femmes, victimes de tortures et d’agressions en Egypte. Le rapport nommé ‘Circles of hell’: Domestic, public and state violence against women in Egypt, pointe les lacunes des lois égyptiennes et l’impunité qui sévit dans le pays.
« À la maison, beaucoup subissent les violences cruelles de la part de leurs époux. En public, elles sont en butte à un harcèlement sexuel constant et à la menace d’agressions collectives», a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International. Le rapport d’Amnesty dénonce également le traitement déplorable des détenues, entre torture et maltraitance, même pour les femmes enceintes. Au foyer, beaucoup sont réduites au silence car si les hommes peuvent divorcer de manière unilatérale sans explication, les femmes doivent renoncer à leurs droits financiers en acceptant un divorce « sans faute » (khol).
L’adoption ces derniers mois d’une loi érigeant en infraction le harcèlement sexuel fait donc figure de mesure cosmétique. Le président al Sissi s’est engagé publiquement à éradiquer ce fléau, sans donner suite à ses paroles. Hassiba Hadj Sahraoui appelle les autorités à inscrire cette question au cœur des programmes lors des prochaines élections parlementaires en mars 2015.
GROS PLAN
Revue de presse internationale : la liberté d’expression dans le monde, un mot, des sens multiples
La liberté d’expression découvre ses limites quand les caricatures de Charlie Hebdo révèlent au grand jour combien elle se lit différemment aux quatre coins du monde. Comment définir les libertés sans avoir conscience des itinéraires historiques, religieux et culturels de chaque peuple ? La liberté d’expression est peut-être la notion la plus emblématique des disparités culturelles. Tour d’horizon des rédactions.
Un drapeau français brûlé à Gaza par des salafistes palestiniens, afin de protester contre « Charlie Hebdo », lundi 19 janvier (MOHAMMED ABED / AFP)
Eviter l’ethnocentrisme franco-français
Prôner le dialogue des cultures et s’offusquer des différentes interprétations de la liberté d’expression, est-ce compatible ?
Outre-manche par exemple, la presse pointe l’usage « typiquement » français de la satire, qui s’inscrit dans la droite lignée de la pensée voltairienne et des caricaturistes acerbes issus de la Révolution française, comme Honoré Daumier. « The Times » compare l’objectif de Charlie Hebdo, qui est d’enrager et de conspuer, avec celui du magazine satirique britannique, Private eye, qui joue sur un tableau plus ludique et taquin. Deux cultures, deux approches.
Pour le quotidien tchèque Lidové noviny, le fait que certains en France s’offusquent de la non publication de la une de Charlie Hebdo, va trop loin : « La solidarité témoignée à Charlie Hebdo a été l’expression d’un principe moral supérieur. Mais cette solidarité implique-t-elle qu’il faille partout imprimer la une ? La liberté d’opinion signifie que tout un chacun peut publier ce qui ne me plaît pas. Mais elle ne signifie pas que je sois tenu de publier ce qui ne me plaît pas. ». Et selon un édito de l’hebdomadaire polonais « Polityka », sans avoir mérité de telles atrocités, les caricatures de Charlie Hebdo méritaient au moins la critique, si ce n’est d’éventuelles poursuites judiciaires pour offense religieuse, motif aux contours imprécis dans le code pénal polonais.
De telles réactions paraissent prudentes à l’égard des libertés, mais chaque journal prend position dans le contexte de son pays et pense à ses lecteurs, qui ne partagent apparemment pas tous la verve de Charlie Hebdo.
Des limites à tout ?
Entre solidarité et liberté, il y a un fossé. La presse russe n’y fait pas défaut. Pour le rédacteur en chef de la Novaia Gazeta, la liberté d’expression ne doit pas aller jusqu’à offenser les croyants. Dans un genre quasi-similaire, les médias égyptiens, dont l’Al-Ahram, l’Al-Watan ou la chaîne On-TV, ont lourdement insisté sur le caractère mérité des attentats. Ce raisonnement condamnable sur le mode de la loi du Talion – une caricature, un attentat ? – se reproduit plus souvent dans certaines régions du monde que d’autres.
Dans un autre registre, les éditorialistes asiatiques restent prudents. Sauf exceptions, pour les régimes chinois et philippins, la liberté de parole n’a pas la même valeur qu’en Occident. Le quotidien chinois officiel « Huanqiu » évoque donc les limites de la liberté d’expression. Le « Philippine Daily Inquirer » appelle de ses vœux la défense de la liberté d’expression, même à Manille où la loi interdit d’offenser les convictions religieuses.
De l’importance de la nuance
Nos différences d’interprétation du concept de liberté d’expression ne permettent donc « apparemment » pas d’unanimité universelle, d’autant que chaque journal pense à ses lecteurs. Le but n’est pas de justifier les positions de chacun au motif d’un relativisme culturel, mais rappelons que la liberté d’expression est un concept fondamentalement ambigu.
Doit-on s’étonner si la liberté d’expression applique ses propres caractéristiques, aussi et surtout à elle-même ?
Pour aller plus loin sur les droits de l’homme, Opinion internationale recommande le blog ‘Human Rights Hub’ du département de droit de l’université d’Oxford. http://ohrh.law.ox.ac.uk
Un blog qui rend compte de nombreuses thématiques avec une précision toute académique. A titre indicatif, ci-après un article édifiant qui aborde la représentation des droits de l’homme dans les médias britanniques :
http://ohrh.law.ox.ac.uk/human-rights-in-the-uk-media-representation-and-reality