Après les événements de janvier, elle est sur toutes les bouches. Elle fait parler les éditorialistes, donne de la matière aux caricaturistes, mais elle est surtout au cœur des débats politiques. Après les massacres de Charlie Hebdo, contre des policiers et l’épicerie cacher, suite aux incidents constatés lors des minutes de silence, Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Éducation nationale, a dévoilé les grandes lignes d’un plan où l’école jouera un rôle central et où la laïcité tient également une place de premier rang. Deux semaines plus tard, rencontre avec des députés dans les couloirs de l’Assemblée Nationale (mardi 27 janvier) sur cette question qui divise et interpelle.
Un faux problème
La laïcité ? « Pas le problème ». C’est ce que maintient fermement Patrick Ollier : « il faut faire attention à ce que la laïcité ne soit pas mise à toutes les sauces ». Pour le député UMP, il s’agit d’ « un problème global de politique qui consiste à la formation des enfants dans les écoles ». Mais c’est également, selon lui, le problème de la politique de la ville, de « la concentration dans ce qu’on appelle des ghettos dans des cités qui sont inhumains et qu’il faut arrêter de poursuivre. Et ça, ça n’a rien à voir avec la laïcité ».
Patrick Ollier insiste sur la formation des citoyens dans les écoles : « Je dis bien ‘citoyen’. Car on apprend à des enfants à compter […] mais on ne leur apprend pas toujours à être des citoyens. A 18 ans, on leur demande de voter sans leur avoir expliqué quoi que ce soit ».
Quand on l’interroge sur l’Après Charlie, la laïcité représente, pour Patrick Ollier, une fausse solution sur laquelle les hommes et femmes politiques ont tendance à trop insister après les événements de janvier : « la laïcité n’est pas la vérité révélée qui va résoudre tous les problèmes ».
« C’est bien pour ça que Charlie Hebdo a été visé »
C’est l’occasion pour le co-président du groupe EELV à l’Assemblée nationale, François de Rugy, de prendre le contre-pied en rappelant l’attachement des écologistes à la laïcité, bien au-delà de l’Education nationale : « nous devons sans cesse réapprendre à tout le monde dans les écoles, mais pas seulement, dans les services publics, dans les discours politiques, ce qu’est la laïcité et ce qu’elle permet en termes de vivre-ensemble ».
Revenant sur les attentats contre Charlie Hebdo, le député EELV affirme que c’est bien la laïcité qui était visée par les terroristes : « Que toutes les croyances puissent s’exprimer, c’est ça la laïcité au départ. […] mais aussi à ceux qui sont athées de vivre tranquillement cette situation de non croyance et je crois que c’est bel et bien pour ça que Charlie Hebdo a été visé. Bien plus pour ça que parce qu’il y aurait eu la publication […] de caricatures de Mahomet ».
Interrogé sur l’interdiction du port du voile à l’école, le député revient sur l’opposition des Verts à cette loi en 2004, année de sa promulgation : « Nous devons reconnaître aujourd’hui que la loi sur le voile à l’école a amené, ramené plutôt, la paix dans les établissements scolaires. Tant mieux. Donc il faut la maintenir, l’appliquer ».
Même constat, selon lui, quant à l’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public, qui remonte à une loi de 2010. Le député dénonce un bras de fer que « certains intégristes voulaient mener avec la République française et avec cette idée de laïcité et de vivre-ensemble ».
La laïcité, une affaire de sexes
« L’Égalité femmes-hommes, fille aînée de la Laïcité ». Le nom donné par Najat Vallaud-Belkacem à la Charte de la laïcité à l’Ecole, présentée en 2013 par Vincent Peillon, à l’époque Ministre de l’Education nationale, n’a pas du déplaire à François de Rugy.
Pour le député écologiste, la laïcité est intrinsèquement liée à l’égalité entre les sexes. Il conclut : « il y a un vrai combat à mener sur l’égalité hommes-femmes dès le collège : la mixité hommes-femmes, quel que soit le quartier où l’on habite, quels que soient l’école, le collège ou le lycée où on va. Ce combat là il est loin d’être fini, bien au contraire ».
Quant à la question du port du voile dans l’espace public, Nicolas Dupont-Aignan, Président de ‘Debout la France’, qui évoquait le « recul de la laïcité » sur BFM TV en janvier, reprend l’argument de l’égalité femmes-hommes, mais en concluant bien différemment « [dans l’espace public] on n’est pas avec un voile intégral, c’est interdit parce que la dignité de la femme l’exige. Point. Sinon on va vivre dans un autre pays. Personne n’est obligé de vivre en France. Personne ».
« On n’enseigne pas la laïcité, ça n’a aucun sens »
Le parlementaire de droite, qui dénonçait sur son blog une « laïcité dévoyée » en décembre, suite à l’affaire des crèches, ne fait pas dans la demi-mesure : « la laïcité ne s’enseigne pas. [elle] est un cadre dans lequel on enseigne ».
En réaffirmant la sécularisation de l’école, il tacle au passage les mesures passées et celles proposées, dans ce qui semble pour lui des évidences : « on ne doit pas l’enseigner, on doit la vivre. C’est un contenant et pas un contenu ! ». Et d’énumérer les exemples qui sont au cœur du débat depuis 2004 : « quand on va à l’école, on enlève son voile. Quand on est en République française, on ne choisit pas son menu à la cantine. On laisse à l’entrée sa culture, son origine. »
« L’école de la République, elle est un cadre laïc. On n’enseigne pas la laïcité, ça n’a aucun sens ». Pour le député, l’école est un lieu dans lequel on délaisse « son origine, sa culture, sa famille ». Et de conclure, à l’adresse de Matignon : « le gouvernement il parle beaucoup et il agit peu ».