Angela Merkel refuse de renégocier la dette grecque ? Peu importe. Alexis Tsipras, Premier Ministre fraîchement élu, est prêt à en découdre… et présente lui aussi sa facture. Mardi dernier, à Berlin, il a donc ressorti un dossier épineux, en invoquant des réparations de guerre qui coûteraient cher à l’Allemagne. « Une obligation morale » selon le Président de Syriza. Décryptage.
Une affaire de chiffres…
C’est une demande formelle de remboursement que le gouvernement d’Alexis Tsipras a soumise mardi 10 février à Berlin. L’enjeu ? Des réparations de guerre liées à l’occupation de la Grèce par la Wehrmacht, entre 1941 et 1944… à hauteur de 162 milliards d’euros. Soit plus de la moitié de la dette grecque, qui s’élève actuellement à 315 milliards.
Comment la Cour des comptes grecque a-t-elle calculé ce montant ? D’un côté, les réserves d’or du pays, empruntées par l’Allemagne en 1941 pour obliger Athènes à participer à l’ « effort de guerre » du Reich… et jamais remboursées : 11 milliards d’euros. Une somme qui varie en fonction des taux d’intérêt évoqués par les uns et les autres, sur les 74 dernières années. De l’autre : le coût des pillages qu’a subi le pays.
En résumé, si la Grèce doit 60 milliards à l’Allemagne dans le cadre de l’aide européenne, les 162 milliards réclamés permettraient non seulement d’effacer l’ardoise mais de renflouer largement les caisses. Un calcul fort commode ? Pas seulement.
… et une histoire de symbole
Le remboursement des dommages de guerre n’est pas une nouveauté chez Syriza, qui l’exigeait bien avant l’élection. Pendant la campagne, Alexis Tsipras parlait déjà d’un « droit inassouvi ».
Or les deux parties de l’affaire tiennent à leurs arguments. A Athènes, on insiste sur le fait qu’au sortir de la guerre, contrairement à la Grèce, plusieurs États « vainqueurs » ont reçu de l’Allemagne des compensations sous forme de transferts de liquidités, d’usines, de machines et de main d’œuvre. Ce que confirme l’historien Mark Mazower, pour qui la Grèce serait le pays ayant le plus souffert après la Russie et la Pologne, subissant, outre de très importantes pertes humaines, « un pillage systématique de ses ressources ».
De son côté Berlin fait intervenir force juristes, en maintenant la bataille des chiffres et en balayant ainsi celle du symbole. Zéro : c’est la somme que devrait l’Allemagne à la Grèce depuis 1960. A cette date, un accord de dédommagement prévoyant le versement d’une indemnité auprès de plusieurs pays occidentaux est signé. Et la Grèce, qui en fait partie, accepte alors de recevoir 115 millions de marks. Depuis, Berlin se dit quitte. Le porte-parole du ministère allemand des Finances l’a d’ailleurs assuré mi-janvier : « Près de 70 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, la question des réparations a perdu sa légitimité ».
Le bras de fer ne fait que commencer…