ACTUALITÉ DES DROITS DE L’HOMME
UKRAINE : UN ACCORD FRAGILE
Le 11 février, François Hollande, Angela Merkel, Petro Porochenko et Vladimir Poutine se sont rendus à Minsk afin de discuter en vue d’un « plan de dernière chance » pour l’avenir de l’Ukraine.
A l’issue de ces négociations, qui ont duré toute la nuit, un accord a été trouvé en vue d’un cessez-le-feu. Celui-ci devait entrer en vigueur dimanche. Des négociations se sont par ailleurs déroulées par téléphone après le sommet de Minsk. Le cessez-le-feu prévoyait le retrait des armes lourdes ce mardi.
Toutefois, des combats se poursuivent dans les zones chaudes du conflit, notamment à Debaltseve, une ville stratégique à l’Est du pays. Les deux parties, tant l’armée ukrainienne que les rebelles séparatistes pro-russes, s’accusent mutuellement d’être responsables de cette violation du cessez-le-feu. Ils précisent que, dans ces conditions, le retrait des armes lourdes n’est pas envisageable pour l’instant.
Quant aux populations civiles, elles continuent à souffrir de ce conflit. A Debaltesve, 5000 civils restent bloqués dans des conditions alarmantes et sans aide humanitaire suffisante, la livraison de pain ayant dû être arrêtée à cause des bombardements. Depuis le début du conflit, 5 500 personnes ont perdu la vie en Ukraine. On constate également des violations du droit de la guerre de la part des deux protagonistes, comme par exemple « l’utilisation illégale de roquettes non guidées dans des zones peuplées » selon l’ONG Human Rights Watch.
BIRMANIE : UN DÉBUT D’ANNÉE DIFFICILE
La Birmanie est un pays à forte majorité bouddhiste et les chrétiens qui y vivent font souvent l’objet de discriminations et d’actes d’intolérance, certains étant même inscrits dans la loi. L’organisation internationale Christian Concern rappelle qu’en Birmanie, où la religion officielle est le bouddhisme, être chrétien est souvent vu comme une trahison du bouddhisme.
Les événements des dernières semaines l’ont tristement rappelé. Le gouvernement de l’Etat Chin a ainsi ordonné fin janvier le retrait et la destruction d’une croix en bois de plusieurs mètres de haut, érigée sur une colline. En outre, la chambre haute du parlement Birman a récemment adopté une loi imposant une à toute personne voulant changer de religion une demande d’autorisation auprès de l’Etat. Une nouvelle loi qui porte atteinte à la liberté religieuse, et qui renforce et illustre le climat de suspicion anti-chrétien dans ce pays.
Par ailleurs, Amnesty International a récemment dénoncé les violations des droits de l’homme sur les sites miniers en Birmanie. L’ONG « dénonce le fait que des sociétés minières canadiennes et chinoises, avec parfois l’accord tacite des autorités du Myanmar, ont tiré profit de graves atteintes aux droits humains et d’activités illégales sur le site d’extraction du cuivre de Monywa. » Les problèmes soulevés par le rapport sont nombreux. Y sont ainsi déplorées des expulsions forcées, violences policières, conditions de travail dangereuses pour la santé ou encore le non respect des sanctions économiques par les entreprises minières.
Enfin, Human Rights Watch met l’accent sur le fait que le pays détient encore de nombreux prisonniers d’opinion et s’inquiète du fait que la commission mise en place par le gouvernement birman pour s’occuper des «affaires relatives aux prisonniers d’opinion » n’effectue pas un travail adéquat et pourrait devenir « une commission sans pouvoir, mise sur pied dans le but de détourner les critiques et de créer un rideau de fumée. » Afin d’éviter cela, il faudrait selon HRW que des ONG clé, telles que AAPPB cessent d’être exclues de la commission et que celle-ci fonctionne réellement de manière indépendante, avec les ressources nécessaires.
Le pays est actuellement la scène d’un conflit entre les forces de l’armée et plusieurs minorités ethniques. Des violences ont notamment été observées près de la frontière chinoise début février.
EGYPTE : DES CONDAMNATIONS A MORT MASSIVES
En ce début de février, des condamnations excessives et injustifiées en Egypte ont indigné la communauté internationale ainsi que les défenseurs des valeurs démocratiques au sein du pays. Le 2 février, le grand Mufti a validé la décision de la cour pénale de Gizeh qui condamnait à mort 183 personnes affiliées aux Frères Musulmans, accusés d’avoir tué des policiers au cours de la révolution de 2013 qui a conduit à la chute du président islamiste Mohamed Morsi.
Amnesty International précise que cela vient s’inscrire dans une « campagne médiatique à l’échelle du pays appelant à l’exécution des personnes impliquées dans des attaques contre des policiers ou des militaires ».
Outre l’utilisation de la peine capitale, le caractère « collectif » et « massif » de ces condamnations interpelle vivement les organisations des droits de l’homme dans le monde.
A cette décision de la Cour Pénale de Gizeh s’ajoute, le 4 février, la condamnation à la prison à vie par la Cour criminelle du Caire de 230 militants anti-Moubarak. Parmi eux figure Ahmed Douma, l’un des leaders des manifestations de la place Tahir qui ont eu lieu en 2011. Ces 230 manifestants ont été reconnus coupables d’avoir initié l’incendie de l’Institut d’Egypte au cours de ces événements. Il s’agit là de militants laïcs et libéraux et leurs condamnations sont vécues par beaucoup comme une atteinte au droit de manifester. Al Shoruk, journal quotidien de centre-gauche, reporte que suite à la réaction de Douma qui a serré la main au juge en souriant, le juge a répondu : « Nous ne sommes pas sur la place Tahrir. Un peu de retenue, sinon je t’ajoute sept ans pour irrespect envers la justice. » Une anecdote qui en dit long sur le climat dans lequel se sont tenu ces procès.
SOUDAN : DES MEMBRES DE L’ARMÉE ONT VIOLE 221 PERSONNES A TABIT
Un rapport récemment publié par l’organisation Human Rights Watch, affirme que le 30 et 31 octobre 2014, 221 personnes, dont 80 mineurs, ont été violées par des membres de l’armée soudanaise dans un village au nord du Darfour.
Utilisés pour imposer « une arabisation forcée des ethnies africaines du Darfour » (France 24), ces viols en masse illustrent l’impunité totale des milices. Aucun homme n’a d’ailleurs été poursuivi à ce jour pour ces actes infâmes.
L’enquête internationale qui a été menée afin de porter à la lumière du jour ces atrocités a été largement entravée, le gouvernement soudanais ayant tout fait pour empêcher la Mission de paix conjointe ONU-UA au Darfour (Minuad) de se rendre à Tabit, village dans lequel ont été perpétré ces viols. Les autorités menacent d’ailleurs d’emprisonnement ou même de mort toute personne qui dénoncerait publiquement cette affaire.
Selon les témoignages récoltés, la population de Tabit aurait été traumatisée pendant 36 heures, et les viols auraient été commis contre les femmes du village, mais également contre des filles, âgées parfois de seulement 11 ans.
Face à ces crimes contre l’humanité, Human Rights Watch a d’ailleurs demandé à la Cour Pénale Internationale (CPI) d’ouvrir une enquête, que le manque de coopération des autorités soudanaises rend difficile. Un soutien du Conseil de Sécurité de l’ONU pourrait être déterminant pour que l’enquête sur cette affaire puisse être menée à bien et que les responsables de ces crimes soient poursuivis.
NAUFRAGE EN MÉDITERRANÉE :
De nouvelles victimes en pleine mer méditerranée. Au moins 300 personnes en provenance de Lybie ont perdu la vie au cours du naufrage de plusieurs embarcations. Les bateaux, toujours surchargés, n’ont pas résisté aux conditions météorologiques difficiles. Selon RFI, la majorité des migrants se trouvant sur les embarcations étaient originaires du Mali et du Sénégal.
Ce naufrage intervient quatre mois après l’arrêt de l’opération de sauvetage « Mare Nostrum », à qui l’on reprochait de favoriser l’immigration clandestine.
Selon plusieurs témoignages de survivants, plusieurs de ces candidats à l’immigration clandestine auraient tenté de renoncer à cette traversée, avant d’y être forcées par des milices libyennes sous la menace d’armes à feu.
ARABIE SAOUDITE : UN NOUVEAU ROI, ET APRES ?
L’Arabie Saoudite, berceau de l’Islam, a un nouveau roi depuis le 23 janvier. Salman succède à son demi-frère Abdallah, décédé à 90 ans. Ce pays, connu pour abriter les deux lieux saints de la religion musulmane, mais aussi pour son application et son interprétation stricte de la charia et son importance sur le marché du pétrole, a connu une attention internationale et médiatique particulière au cours des dernières semaines.
Qui est ce nouveau roi, autorité suprême du pays, et ira-t-il dans la continuité de son frère ou apportera-t-il un nouveau souffle politique ?
La pensée prédominante semble pencher pour la première option. Bien qu’il ait effectué quelques changements au niveau des personnalités importantes qui l’accompagneront au cours de son règne, Salman affirme vouloir rester « avec la force de Dieu, sur le droit chemin que cet Etat a suivi depuis sa création par le roi Abdel Aziz Ben Saoud et par ses fils après lui ». Sur le plan international, on note que la priorité de Salman, ancien ministre de la Défense, sera sans doute la stabilité et la reconnaissance internationale dans le contexte de la lutte contre l’État Islamique.
Quant aux droits de l’homme, dont le non-respect a été critiqué à plusieurs reprises par les ONG et quelques gouvernements, les avancées s’annoncent minces. Raïf Badawi est un jeune blogueur de 31 ans, accusé d’avoir insulté l’islam, et condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet. Souad al-Shammari, une militante qui lui est proche, a été libérée récemment, sous conditions, peu après l’accession au trône du Roi Salman.
Elle regrette que « l’amnistie du roi » se fasse sous conditions et qu’elle ne concerne pas les prisonniers de conscience, hommes politiques, et militants. Toutefois, elle voit sa propre libération ainsi que d’autres grâces octroyées par un décret du 29 janvier comme un signe encourageant et comme une « lueur d’espoir ».
Le droit des femmes, la liberté d’expression ou encore la condition des détenus en Arabie Saoudite restent des affaires à suivre de près. Le Washington Post rappelle que les femmes n’ont toujours pas le droit de conduire légalement et que, plus généralement, le pays a été classé parmi les pires en matière des droits de l’homme par certains organismes tels que le Freedom House.
SYRIE : TROP PEU DE PORTES OUVERTES POUR LES RÉFUGIÉS
Au bout de quatre ans de conflits meurtriers, le bilan est lourd pour la Syrie. C’est entre autres ce que soulève le rapport présenté par Amnesty International (AI) début février. Outre les chiffres inquiétants qu’il rappelle (210 000 morts et près de 4 millions de réfugiés à l’extérieur du territoire), le rapport fait un zoom sur huit histoires précises. Celles-ci ont la force de mettre en exergue les différentes manières dont le conflit syrien a pu impacter la vie des habitants. Le problème des réfugiés et des conditions de vie et d’accueil de ceux-ci reste bien évidemment prédominant et entraîne de nombreux autres défis, qu’ils soient liés à la santé ou encore à la discrimination.
Mais le rapport d’AI n’est pas la seule chose qui ait retenu l’attention des médias au cours des dernières semaines. En effet, si le conflit dure, il a connu un nouveau pic lorsque, le 5 janvier dernier, « plus de 60 raids aériens ont ciblé la grande banlieue de Damas », indique Libération, alors que Le Monde parle d’une « pluie d’obus et de roquettes ». Ces attaques, perpétrées dans la banlieue de Douma par le gouvernement syrien, ont fait des dizaines de morts. 18 enfants auraient été tués.
Force est de constater que malgré le nombre croissant de victimes et de réfugiés au cours de cette guerre, peu de pays sont prêts à accueillir d’avantage de personnes contraintes à fuir leur pays pour protéger leurs vies.
95% des réfugiés provenant de Syrie restent dans les pays de la région, tels que la Jordanie ou la Turquie. Dans un communiqué de presse, Amnesty International rappelle que « Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a identifié 380 000 réfugiés dans ces pays qui ont besoin d’une réinstallation.
Jusqu’à présent, toutefois, seules 79 180 places d’accueil ont été proposées dans le monde par des pays riches, ce qui correspond à un cinquième des besoins. » Le Conseil de l’Europe a également rendu un rapport, dans lequel il accuse notamment la France de ne pas accueillir assez de réfugiés sur son territoire. Le rapport exhorte également la France à intensifier ses efforts pour mieux lutter contre « les discours et actes haineux et racistes » qui vont souvent de pair avec la stigmatisation des demandeurs d’asile.
GROS PLAN
UNE NOUVELLE LOI POUR LES MULTINATIONALES ?
Est-ce le signe annonciateur d’une avancée en matière de responsabilisation des entreprises ? Le jeudi 12 février, les députés du Parti Socialiste ont déposé à l’Assemblée Nationale un texte de loi qui vise à responsabiliser les maisons-mères vis-à-vis de leurs filiales et sous-traitants. L’objectif principal de cette loi sera d’un côté la prévention des risques de dommages et violations des droits de l’homme par les entreprises, au travers notamment d’un plan de vigilance obligatoire, et de l’autre le renforcement des possibilités de demander réparation à une multinationale dans le cas d’un dommage.
A l’heure actuelle, les entreprises multinationales ont peu de comptes à rendre par rapport aux activités des sociétés qu’elles contrôlent et de leurs sous-traitants. Les organisations de défense des droits de l’homme se battent depuis longtemps afin d’obtenir une loi de cette nature et que les sociétés mères puissent être tenues responsables et se voir réclamer des réparations pour des dommages causés par leurs sous-traitants ou filiales.
Amnesty International, Sherpa, CCFD Terre Solidaire et d’autres ONG ont publié un communiqué de presse conjoint suite au dépôt de cette loi. Elles déplorent cependant que le texte, initialement introduit le 29 janvier puis modifié par le ministère de l’Ecologie, ne fasse notamment pas réelle pression sur les entreprises en matière de vigilance et que la victime devra encore apporter la preuve du manquement, ce qui rend plus difficile pour elle d’obtenir gain de cause.
Le Medef, le patronat ainsi que certains députés, tels que Jean-Marie Tetart de l’UMP, s’opposaient en premier lieu à la loi qu’ils jugeaient trop contraignante et trop compliquée. Reste à voir si les modifications apportées permettront d’obtenir la majorité nécessaire afin que la loi soit adoptée.
L’initiative, bien que limitée, s’inscrit tout de même dans un contexte d’urgence dans lequel les dommages causés et non réparés par les entreprises s’accumulent sans cesse. Ce n’est donc pas seulement la France, mais l’ensemble des pays, qui doit faire un effort de durcissement des législations afin de protéger de manière prioritaire non pas les entreprises mais les populations, les personnes sensibles, souvent victimes mais peu entendues.
Les problèmes en matière de respect des droits de l’homme par les entreprises sont en effet nombreux. A noter par exemple que le 4 février, des experts de l’ONU ont rendu un rapport dans lequel ils accusent la Suisse de ne pas suffisamment contrôler le respect des droits de l’homme par les multinationales, notamment en matière de droits des enfants.
Un (petit) pas en avant, donc, pour ce qui est de la France et on l’espère le début d’une lancée qui mettra, au delà des frontières francophones, fin aux impunités des multinationales notamment face aux actions d’organismes sur lesquels elles ont un contrôle.
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Découvrez une interview de l’auteure Nigériane Chimamanda Ngozie Adichie. Elle a publié son dernier roman Americanah en 2014 mais il vient tout juste de sortir en français. Partie étudier aux Etats-Unis à l’âge de 19 ans, elle fournit une réflexion intéressante concernant l’immigration et son amour pour les Etats-Unis. Le roman soulève les défis qui s’imposent lorsqu’on arrive sur un continent si différent du sien, au sein d’une nouvelle culture, étrangère à ce qu’on a toujours connu. Peut-on alors toujours être « soi-même » ? Considérée déjà comme une star aux Etats-Unis, où elle a vendu près d’un demi million d’exemplaires, Chimamanda Ngozie Adichie est une personnalité à découvrir, pourquoi pas au travers de ce nouvel ouvrage.
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