ACTUALITÉ DES DROITS DE L’HOMME
CHINE : UN ÉVÊQUE EMPRISONNE DEPUIS 54 ANS MEURT DANS SA CELLULE
Après 54 années passées en prison à cause de sa fidélité au Vatican plutôt qu’à l’Eglise officielle chinoise, Shi Enxiang serait selon toute vraisemblance décédé dans sa cellule, à l’âge de 94 ans. Les autorités chinoises, quant à elles, continuent à entretenir le doute sur son décès, sa dépouille n’ayant toujours pas été remise sa famille.
Triste sort pour un homme dont le seul tort est sa foi. Voilà qui ne devrait pas particulièrement aider au rapprochement entrepris entre le Vatican et la Chine.
IRAK : VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS A L’ENCONTRE DES CIVILS
Un rapport publié le 23 février par les Nations Unis dénonce de graves atteintes aux droits humains en Iraq par les forces de l’organisation de Etat Islamique. Fondée en Irak, cette organisation salafiste djihadiste a déjà commis plus de 1400 attentats dans le pays depuis 2004. Selon le rapport, la situation va en s’aggravant.
Les populations visées sont diverses communautés ethniques telles que les Shabaks, les Chrétiens, les Yezidi etc. La liste des violences commises à leur égard est longue, des assassinats aux kidnappings, en passant par le viol ou encore le trafic de femmes et d’enfants.
Les victimes, suspectées par l’Etat Islamique de ne pas être de leur côté, voire même du côté du gouvernement, font à répétition l’objet de torture et d’autres traitements prohibés, constituant des atteintes au droit international humanitaire et à la Convention internationale des droits de l’homme (CEDH). En 2014, plus de 11 000 personnes auraient été tuées par l’Etat Islamique en Irak.
Nickolay Mladenov, le représentant du Secrétaire Général de l’ONU auprès de l’Irak, met en garde face à l’acceptation internationale des violences comme un fait qui ne doit plus toujours être reporté tant il est commun. Il rappelle que chaque atrocité commise doit être relevée et connue du grand public afin de ne pas tomber dans une insensibilité malsaine.
Les violences commises par l’Etat Islamique ne s’arrêtent d’ailleurs par aux frontières Irakiennes. Les populations syriennes notamment sont très touchées par les atrocités commises par cette organisation, et les kidnappings sont monnaie courante. Le 1er mars, 19 chrétiens syriens ont été libérés contre rançon, mais une majorité d’entre eux restent dans les mains de l’Etat Islamique. Une situation régionale dramatique malheureusement pas prête d’être résolue.
ETATS-UNIS : UNE PRISON CACHEE AU COEUR DE CHICAGO
Le 24 février, le journal The Guardian a publié une enquête révélant l’existence d’un site d’interrogatoire secret en plein centre de Chicago. Situé dans un entrepôt, cette prison non connue du public baptisée Homan Square a été utilisé depuis des années pour des interrogatoires secrets, loin des yeux de la loi.
Un des principaux témoins est Brian Jacob Church, qui avait été interrogé à Homan Square pendant 17 heures suite à son arrestation lors d’une manifestation en 2012. Il affirme avoir été privé d’avocat tout au long de sa détention.
L’enquête du Guardian révèle une série de mauvais traitements et tortures administrés au cours des interrogatoires. Suspension par les menottes, frappes à la tête ou encore menaces contre les familles… les témoignages recueillis mettent en lumière ce qui constitue des atteintes graves et multiples aux droits humains, en particulier aux droits des détenus et à la déontologie des forces de sécurité.
Si Homan Square rappelle les « black sites » que la CIA a mis en place dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme afin d’interroger des suspects, ce sont pourtant en grande partie des citoyens américains qui y ont été emmenés. La majorité d’entre eux étaient « pauvres, noirs ou basanés » selon l’enquête.
Des ONG telles qu’Amnesty International ont d’ores et déjà réagi en demandant notamment au maire de Chicago de prendre ses responsabilités en matière de respect des droits humains.
BANGLADESH : MEURTRE D’UN BLOGUEUR ATHEE
Avijit Roy, blogueur américano-bengalais, a été assassiné à la machette ce jeudi 26 février à Dacca. Il était un blogueur pacifiste et se revendiquait libre penseur en faveur de la laïcité. Avijit était athée et rédigeait des articles depuis les Etats-Unis, où il s’était installé il y a plusieurs années. En visite au Bangladesh pour une foire aux livres, il a été la cible d’un assassinat manifestement préparé. Il figurait en effet depuis 2013 sur la liste, dressée par les organisations islamistes extrémistes, des personnes à éliminer.
Le Bangladesh, dont la population est majoritairement musulmane, est a priori un Etat laïque. Toutefois, la pression religieuse exercée par l’opposition politique islamiste, mais également par le gouvernement lui-même, se fait croissante. Les tensions grandissantes entre le gouvernement actuel et l’opposition ont également causé de nombreux actes de violence pendant les dernières semaines.
Mardi 2 mars, Farabi Shafiur Rahman, un islamiste radical considéré comme le principal suspect du meurtre, a été arrêté. Selon les médias, il aurait menacé les blogueurs athées à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux et aurait également évoqué le meurtre d’Avijit au cours de correspondances avec d’autres islamistes radicaux.
SEINE-SAINT-DENIS (FRANCE) : UN NOUVEAU CAMP DE ROMS DEMANTELE
La situation des roms en France, dénoncée récemment par un rapport du Conseil de l’Europe, puis par le rapport annuel d’Amnesty International, continue à se dégrader en cette trêve hivernale.
Mardi 24 février, un nouveau bidonville a été démantelé en Seine-Saint-Denis et 185 personnes se sont donc vues expulsées de leur habitat tôt dans la matinée. La circulaire de 2012 selon laquelle une solution de relogement doit être proposée à chaque personne expulsée a été très maigrement respectée, avec seulement 15 personnes ayant eu droit à une chambre d’hôtel. En début d’après-midi, tout le campement avait été rasé par les pelleteuses.
30 enfants vivaient dans ce bidonville de Stains. Les conditions de logement y étaient « insalubres » et présentaient des « risques pour la santé », notamment pour les nourrissons, selon le maire de la commune.
Des ONG telles que la Ligue des droits de l’homme ou l’European Roma Rights Center s’indignent de cette justification, rappelant que l’expulsion sans alternative est illégale et engendre tout sauf une solution à ces problèmes.
FOCUS : PUBLICATION DU RAPPORT ANNUEL D’AMNESTY INTERNATIONAL
2014 a été une année « catastrophique » pour les droits de l’homme dans le monde. C’est le message véhiculé par le rapport annuel d’Amnesty International, ONG de défense des droits humains, publié le 25 février dernier. « Rien n’a évolué, au contraire, on pourrait parler pratiquement de régression» a déploré Geneviève Garrigos, Présidente d’Amnesty International France.
Un des points importants soulevés par le rapport est la situation des réfugiés et demandeurs d’asile dans le monde. Le nombre de réfugiés a en effet atteint un point record depuis la Seconde guerre mondiale. 50 millions de personnes ont actuellement le statut de réfugiés, dont 15 millions depuis 2014. 4 millions sont originaires de la Syrie. L’ONG déplore que les pays occidentaux n’aient pas accueilli plus de réfugiés, alors que 95% des personnes qui ont dû fuir leur foyer sont restés dans la région.
Le rapport révèle également qu’un pays sur cinq a été victime de groupes armés en 2014. Les violations des droits humains qui s’en suivent, en particulier à l’encontre des populations civiles, sont alarmantes. Amnesty International a d’ailleurs appelé la communauté internationale à renforcer les opérations destinées à contrer ces groupes armés afin de ne pas voir ces attaques s’étendre sur d’avantage de pays.
La liberté d’expression, droit pourtant fondamental et inhérent à la démocratie, a également connu une année noire en 2014. Selon le rapport, 119 pays sont allés à l’encontre de cette liberté et 62 d’entre eux ont emprisonné des personnes en raison de leur opinion. Journalistes, personnes politiques ou encore simples civils sont comptés parmi les victimes de cette répression.
La France fait aussi l’objet d’un bilan négatif, notamment en matière de droit des réfugiés et droits des roms. En 2014, 13 500 Roms ont été expulsés de leurs campements « dans des conditions épouvantables » selon Geneviève Garrigos. Depuis 2012, les autorités ont l’obligation de proposer des situations de relogement à tous les roms qu’elles expulsent de leurs campements.
La réalité est pourtant bien différente. Julie Heslouin, chargée de la campagne discrimination chez Amnesty International France, regrette qu’ « environ 20% des expulsions sont faites après des arrêtés municipaux de péril, qui deviennent un moyen de contourner les décisions de justice». Les discriminations envers la population rom, en particulier en matière de scolarisation des enfants, se sont par ailleurs enchaînées. Le début de l’année 2015 a malheureusement vu la situation se dégrader d’avantage. En matière de droit d’asile, la France n’a pas atteint l’objectif fixé d’accueillir 500 réfugiés syriens alors que 380 000 personnes ont été reconnues comme « particulièrement vulnérables » par l’ONU.
Autres chiffres clé émanant du rapport : des crimes de guerre ont été commis dans 18 pays, plus de 3400 personnes se sont noyées en méditerranée, 131 pays ont procédé à des actes de torture, 28 pays interdisent l’avortement, 78 pays condamnent les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe, des procès inéquitables ont eu lieu dans 93 pays.
Une des recommandations les plus importantes de l’ONG porte sur le droit de véto des membres du Conseil de Sécurité de l’ONU. Ce véto a été utilisé par certains pays dans des situations de crises extrêmes, comme par exemple en Syrie ou à Gaza, et a donc bloqué la possibilité d’action de la communauté internationale. Amnesty International plaide pour le renoncement, par les pays du Conseil de Sécurité, à ce droit de veto en cas de « crises très graves ».
« On ne peut plus utiliser le Conseil de sécurité en fonction de ses intérêts géopolitiques quand il s’agit de sauver des vies humaines », a expliqué Geneviève Garrigos.
Le rapport dresse enfin des prévisions plutôt sombres pour l’avenir des droits humains, mais appelle la communauté civile et internationale à s’engager dans le but de changer la donne. L’ONG demande notamment aux dirigeants de ne plus se dédouaner de leur responsabilité de protéger les civils, même en temps de crise.