Sur le terrain professionnel, la Journée internationale des droits des femmes ne se joue pas qu’en termes de rémunérations et d’accès aux sommets de la hiérarchie. Et si les violences faites aux femmes sont un fléau majeur, qu’on ne combattra jamais assez (rappelons qu’en France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint), les femmes sont aussi les premières victimes de comportements répréhensibles sur le lieu de travail, tels que le harcèlement sexuel et le harcèlement moral. Certes, ce dernier ne vise pas spécifiquement les femmes, mais n’étant pas (encore) l’égal des hommes en matière salariale, ni en occupation des postes à responsabilités, elles s’en trouvent plus particulièrement vulnérables et affectées.
Le harcèlement moral a de multiples causes, allant du comportement pervers d’un individu jusqu’à la gestion des ressources humaines – ou de la masse salariale -, lorsqu’il s’agit de pousser vers la sortie des cadres qu’il serait fort coûteux de licencier. Entre ces deux extrêmes, on trouve la pression du résultat qui fait du harcèlement moral une maladie contagieuse affectant toute l’entreprise, dont le dirigeant, aux prises avec les pressions des actionnaires soucieux de résultats financiers à deux chiffres : « Si c’est pas toi qui saute, c’est moi ! ».
La spécificité des femmes victimes de ce type de harcèlement (il advient aussi que certaines en soit l’auteur) réside dans le fait que le harcèlement moral se conjugue souvent avec le harcèlement sexuel, comme le démontre la jurisprudence. Souvent, une salariée ayant résisté aux avances, puis au harcèlement sexuel de la part d’un collègue, en général supérieur hiérarchique, voit le comportement de ce dernier dériver vers le harcèlement moral, pour la punir, l’humilier, la faire craquer, la faire disparaître de son environnement.
Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, en date du 2 mars 2005, illustre fort bien cette conjonction des harcèlements moral et sexuel : «… l’intéressé a proposé à la victime de partir en week-end avec lui et, face à son refus, l’a exclusivement affectée à des tâches d’entretien alors que le contrat lui imposait de l’employer, au moins pour un mi-temps, à des tâches de comptabilité. Les divers témoignages recueillis et le procès-verbal de synthèse de l’enquête préliminaire, défavorable à l’employeur, révèlent clairement son autoritarisme et les pressions psychologiques exercées sur la salariée… ».
Que peut faire la personne harcelée ?
Devant ce type de situation, la victime doit d’abord être entourée, assistée, au moins par ses proches, une association, son médecin, éventuellement un psychologue, et le cas échéant, par un avocat qui déterminera avec elle la démarche la plus en adéquation avec sa situation (procédure civile ou pénale, mise en œuvre de la responsabilité de l’employeur…). Il lui faudra ensuite déterminer ses intentions, car son action différera selon qu’elle envisage de rester dans l’entreprise et de faire cesser le harcèlement, ou de la quitter en ayant fait reconnaître sa souffrance, avec en guise de réparation une indemnité assortie de dommages-intérêts.
Mais en tout état de cause, le premier conseil stratégique à lui prodiguer est de se constituer un dossier, la cause de la majorité des échecs judiciaires des victimes, on ne le dira jamais assez, étant le défaut de preuve. Quand bien même la loi organiserait-elle un partage de la charge de la preuve (la victime fait état de certains faits et le mis en cause tente de prouver le contraire), la réalité est que sans dossier suffisamment solide, l’échec est probable.
A l’instar de toutes les violences faites aux femmes, le harcèlement moral et/ou sexuel ne se propage que grâce au silence, généralement suscité par la peur de sanctions, ou simplement par la honte qu’éprouve la victime. Alors que c’est son harceleur qui devrait en être envahi…