ACTUALITÉ DES DROITS DE L’HOMME
PAKISTAN : 12 CONDAMNES A MORT ONT ETE PENDUS
En décembre dernier, le Pakistan avait levé le moratoire sur la peine de mort qui était en vigueur depuis 2008 et qui avait été une des conditions pour le succès du Pakistan dans ses exportations de textiles vers l’Europe.
La levée du moratoire, justifiée selon le gouvernement par la lutte contre le terrorisme, remet environ 8000 prisonniers Pakistanais dans le couloir de la mort selon Amnesty International.
Le 17 mars dernier, 12 personnes ont été pendues pour des condamnations ne relevant pas uniquement du terrorisme. Un des hommes exécutés était mineur au moment des faits qui lui sont reprochés. Cette situation constitue une violation du droit international et a été dénoncée par les ONG de défense des droits humains.
Depuis la levée du moratoire, 37 personnes ont été exécutées au Pakistan. « À ce rythme, le Pakistan va rejoindre le rang des pays exécutant le plus grand nombre de personnes, club honteux qu’aucun pays n’aspire à intégrer. Il doit immédiatement rétablir le moratoire sur la peine de mort, en vue de son abolition», a affirmé David Griffiths, directeur adjoint du programme Asie-pacifique d’Amnesty International.
SHERPA PORTE PLAINTE CONTRE VINCI CONSTRUCTION AU QATAR
L’ONG Sherpa a annoncé avoir porté plainte contre le groupe français Vinci Construction Grands Projets (VCGP) et les dirigeants de sa filiale au Qatar qui participe au chantier du Mondial de football de 2022.
L’association accuse l’entreprise de ne pas respecter les droits des travailleurs, souvent immigrés, qui sont employés sur ce chantier. Des enquêtes menées par l’ONG ainsi que par des journalistes révèlent des conditions de travail indignes avec des rémunérations peu élevées par rapport à la charge de travail – environ 12 heures par jour – et une démission quasi impossible. « Les passeports sont confisqués par l’entreprise et les travailleurs subissent des menaces s’ils revendiquent leur droit à de meilleures conditions de travail ou de logement, s’ils désirent démissionner ou changer d’employeur. » a précisé Sherpa dans un communiqué de presse.
Le groupe Vinci a réagi à ces accusations en niant aller à l’encontre du droit local du travail et des droits fondamentaux. Il a d’ailleurs décidé de porter plainte contre Sherpa pour diffamation.
Face à cette situation qualifiée d’ « esclavage moderne », l’association met à nouveau l’accent sur l’importance d’« une loi sur le devoir de vigilance des multinationales sur les atteintes aux droits humains causées par leurs filiales ou sous-traitants dans le cadre de leurs activités à l’étranger. »
SYRIE : ATTAQUES AU GAZ DE CHLORE
Le 16 mars, une attaque au gaz de chlore a été perpétrée au nord de la Syrie. Une centaine de personnes ont été exposées à ce gaz létal et une famille entière a perdu la vie. Les forces de l’armée syrienne seraient à l’origine de l’attaque et auraient lancé les barils de gaz depuis leurs hélicoptères.
La Syrie a signé en 2013 la Convention sur les armes chimiques et a affirmé avoir détruit toutes les armes conformément au texte. Ce recensement ne concerne toutefois par le chlore, et il a par ailleurs été confirmé que le gouvernement Syrien a utilisé de armes chimiques en 2014. De plus, une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU du 6 mars dernier a condamné l’utilisation du gaz de chlore comme arme chimique dans le conflit syrien.
Un porte-parole de l’armée syrienne ainsi que d’autres sources militaires auraient affirmé que l’information concernant l’attaque constitue un outil de propagande de la part de l’opposition et que le gaz chimique n’a pas été utilisé par les forces syriennes.
Les ONG de défense des droits humains s’inquiètent face à ce nouveau crime de guerre commis à l’encontre des civils et demandent à ce que la situation soit traitée par la Cour Pénale Internationale.
RUSSIE : CONDAMNATION D’UN MUSEE CONSACRE AUX DROITS HUMAINS
Le Centre Sakharov, situé à Moscou, a été condamné ce lundi à une amende de 300 000 roubles (soit 4 700 euros) par la justice russe.
Ce musée, consacré aux droits humains et au militant Andreï Sakharov qui avait reçu le Prix Nobel de la Paix en 1975, est accusé de ne pas s’être déclaré «agent de l’étranger ». Depuis 2012, une loi russe rend obligatoire pour toute organisation non-gouvernementale qui reçoit des financements de l’étranger de se déclarer et de s’afficher publiquement comme « agent de l’étranger » sous peine de sanction juridique.
Le terme d’ « agent de l’étranger » était déjà utilisé à des fins répressives à l’époque stalinienne ainsi que pendant la période soviétique de la deuxième moitié du XXe siècle.
Sergueï Loukachevski, le directeur général du Centre Sakharov, s’est indigné de la décision du tribunal de Moscou et a déclaré vouloir faire appel et « épuiser tous les recours judiciaires ».
Par le passé, diverses ONG ont rencontré des problèmes similaires à l’exercice de leurs activités en Russie, à l’image de Bellona, fondation écologiste norvégienne classée la semaine dernière comme « agent de l’étranger » par les autorités russes.
IRAK : DESTRUCTIONS DE VILLAGES PAR LES FORCES DE SECURITE ET LES MILICES CHIITES
Dans un rapport rendu public mercredi 18 mars, l’ONG Human Rights Watch dénonce les destructions de villages et le déplacement de populations civiles sunnites dans le nord du pays. Selon les sources et témoignages recueillis, ces actes ont été perpétrés par les forces de sécurité Irakiennes ainsi que par des milices chiites.
Les attaques ont eu lieu en Septembre 2014 dans le contexte de la lutte contre l’Etat Islamique. Elles se sont déroulées suite à une opération menée par les forces gouvernementales et par les Etats-Unis qui avait fait reculer l’Etat Islamique dans la région.
Le rapport, intitulé After Liberation Came Destruction: Iraqi Militias and the Aftermath of Amerli, confirme que des habitations et commerces ont été détruits et brûlés, empêchant des centaines de personnes de retourner chez elles une fois l’opération terminée.
Si le combat contre l’organisation extrémiste de l’Etat Islamique est nécessaire, Human Rights Watch rappelle toutefois que la situation ne peut avancer si les populations civiles sont sans cesse victimes de violences à leur encontre et à l’encontre de leurs propriétés. Elle a donc demandé au gouvernement Irakien, ainsi qu’à l’Iran et aux Etats-Unis, de mieux contrôler les milices afin de ne tolérer aucune infraction aux droits humains, quelle que soit la partie responsable. Al Abadi, le Premier ministre Irakien, avait d’ailleurs promis en décembre que tous les groupes armés du pays seraient amenés sous le contrôle de l’Etat.
PROJET DE LOI PRO-NATALISTE EN IRAN
Deux projets de lois récemment amendés et s’inscrivant dans une politique pro-nataliste du gouvernement doivent être débattus au sein du Parlement Iranien.
Le premier projet de loi consiste à rendre moins accessible l’information sur la contraception et à interdire la stérilisation volontaire. Selon Amnesty International, cela représenterait une atteinte aux droits reproductifs des femmes iraniennes. L’adoption d’une telle loi risquerait également d’augmenter le nombre de grossesses involontaires, donc par conséquent les méthodes d’avortement clandestines. Les maladies sexuellement transmissibles pourraient également de se propager car la distribution de préservatifs gratuits serait compromise par le texte.
Le second projet de loi vise à rendre plus difficile l’accès à l’emploi pour les personnes, notamment les femmes, célibataires et sans enfants. Il prévoit que les employeurs accordent la priorité aux hommes mariés et/ou ayant des enfants et en second lieu aux femmes mariées et ayant des enfants.
Ces deux textes instrumentaliseraient la femme, perçue comme « une machine à faire des enfants », a dénoncé Amnesty International. Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord-Moyen Orient d’Amnesty International a déploré que « Les autorités encouragent une culture dangereuse, qui prive de droits essentiels les femmes qui ne sont plus considérées comme des êtres humains qui jouissent de droits fondamentaux leur permettant de faire des choix pour leur corps et leur vie».
ENFANTS-SOLDATS AU SUD-SOUDAN
Vendredi dernier, l’UNICEF déplorait le recrutement de centaines d’enfants soldats par les groupes armés sud-soudanais en février, alors qu’une opération de démobilisation de 3000 enfants soldats avait été annoncée fin janvier par l’agence onusienne. L’opération s’était avérée fructueuse mais l’annonce de vendredi a montré que la pratique des enfants soldats représente toujours un réel problème.
La guerre civile qui a éclatée en 2013 entre les forces gouvernementales fidèles au président Salva Kiir et les groupes armés rebelles avait eu pour conséquence l’enrôlement de plusieurs milliers d’enfants soldats par toutes les parties au conflit. En 2014, plus de 12 000 enfants soldats auraient été enrôlés dans le pays. Selon Jonathan Veitch, directeur de l’Unicef au Soudan du Sud, les enfants soldats « sont soumis à un niveau incroyable de violence. Ils perdent leur famille et n’ont aucune chance d’être scolarisés ». Le recrutement d’enfants soldats est d’ailleurs interdit par plusieurs traités internationaux, bien que la définition reste floue en raison de la non-uniformité des textes en ce qui concerne l’âge adulte officiel.
L’UNICEF a par ailleurs annoncé dimanche la libération de 250 enfants soldats par un groupe armé Sud-Soudanais. 1300 enfants auraient été libérés depuis le mois de janvier.
FOCUS : NIGERIA : LES FUITES DE PÉTROLE DANS LE DELTA DU NIGER
En 2008, suite à de nombreuses fuites de pétroles d’oléoducs apparentant notamment à la compagnie pétrolière britannique et néerlandaise Royal Dutch Shell, le Delta du Niger et ses habitants ont payé le prix d’une pollution dévastatrice et historique. La vie des populations locales, en particulier des habitants de Bodo, une communauté auto-suffisante auparavant, a été gravement impactée par ces fuites, pour lesquelles elles n’avaient dans un premier temps pas été indemnisés. Des activités essentielles à la survie des habitants, telles que la pêche, ont été fortement compromises et ont eu des conséquences manifestes sur la santé des populations.
Lors du marathon annuel des signatures d’Amnesty International en 2012, l’ONG de défense des droits humains avait mis en avant la situation de la communauté de Bodo. Des milliers de personnes avaient signé une pétition exigeant que Shell nettoie les dégâts et indemnise la communauté de Bodo.
Suite aux diverses actions en justice et à un arrangement amiable, la compagnie a finalement accepté, il y a quelques mois, de payer 55 millions de livres britanniques à la population de Bodo. Elle avait initialement proposé d’en verser 4000.
Mais la situation semble ne pas s’être améliorée localement et les nombreuses communautés n’ayant pas reçu d’attention médiatique restent victimes des fuites de pétrole répétées. Dans un communiqué de presse du 19 mars dernier, Amnesty International affirme que Shell et ENI, autre géant pétrolier, ont admis qu’il y a eu 553 fuites de pétrole dans le Delta du Niger en 2014. Les compagnies pétrolières imputent la majorité des fuites de milliers de barils de pétrole à des actes de sabotage. Il s’agit-là d’une hypothèse peu réaliste selon les ONG penchées sur l’affaire et selon les témoignages recueillis sur place.
Audrey Gaughran, directrice du programme Thématiques mondiales d’Amnesty International, s’est indignée que « Dans n’importe quel autre pays, il s’agirait d’une urgence nationale. Au Nigeria, il semble que ce soit la procédure habituelle pour l’industrie pétrolière. Le coût humain est terrifiant – des gens vivent dans un environnement pollué tous les jours de leur vie. »
Selon le communiqué de presse du 19 mars, « des documents rendus publics dans le cadre de la procédure ouverte au Royaume-Uni ont révélé que la compagnie [Shell] savait depuis des années que l’un de ses principaux oléoducs était vieux et dangereux, mais qu’elle n’avait pas procédé à son entretien de manière satisfaisante. »
Bien que l’ENI exerce ses activités sur une zone plus restreinte que Shell, elle serait responsable de 349 écoulements sur les 553 mentionnées plus haut. Ces chiffres inquiètent les ONG, qui dénoncent une négligence et un manque de transparence répétés au détriment des populations concernées.