Vincent Roger, vous êtes élu dans le 4ème arrondissement de Paris et à la tête de l’opposition municipale. Qu’est ce qui fait l’âme de votre arrondissement ?
Vous savez, j’ai grandi dans le 4ème arrondissement. Enfant, je jouais au du foot sur le plateau Beaubourg, là où depuis 1985, il y a la fontaine de Niki de Saint Phalle. L’essentiel de ma vie s’est construite dans ce quartier de Paris. J’apprécie son âme, sa diversité. Ce qui fait le charme du 4ème, c’est qu’il bénéficie de deux forces qui s’entremêlent.
Tout d’abord, le 4ème offre un patrimoine extraordinaire : à chaque coin de rue, vous croisez l’histoire de France, de la plus héroïque avec les traces de balles, datant de la libération de Paris, sur différents bâtiments, à la plus tragique avec les plaques en mémoire des enfants juifs déportés comme celle à l’entrée de l’école des Hospitalières Saint-Gervais. Le 4ème fut un arrondissement martyr. Je salue ici mon ami Milo Adoner dont les parents et les cinq frères et sœurs ont été déportés, et qui chaque année, en présence des élus et des associations liées à la mémoire, est l’âme d’ une cérémonie émouvante où sont prononcés les 260 noms des élèves déportés devant l’école des Hospitalières-St-Gervais et où sont scolarisés mes enfants.
Ensuite, le 4ème est une vraie mosaïque de petits villages avec l’Ile-St-Louis, le Pletzel, quartier juif historique de Paris, le quartier gay, la rue Rambuteau et ses commerçants…
C’est pourquoi le 4ème doit être géré dans une logique très républicaine de rassemblement liée au vouloir vivre-ensemble de ces diversités.
Quels sont les grands enjeux de politique culturelle et de gouvernance du 4ème arrondissement ?
Il faut trouver un équilibre entre la vie des 28.000 habitants et les 14 millions de visiteurs par an. Le déclin démographique doit être inversé avec une politique volontariste de maintien des familles dans l’arrondissement. Il y a un deuxième patrimoine à sauvegarder dans cet arrondissement : c’est ses habitants ! Il ne peut y avoir de quartier vivant sans habitants.
Pour cela je préconise d’améliorer considérablement les services de proximité et le logement intermédiaire afin de permettre aux classes moyennes de demeurer dans le quartier.
Le devenir de l’Hôtel-Dieu est également un des dossiers clé : nous avons besoin de maintenir une offre de soin importante au cœur de Paris. Actuellement 30.000 mètres carrés sont aujourd’hui en friche au sein de cet hôpital. On nous annonce du logement étudiant alors qu’on pourrait le bâtir à Morland pour un prix trois fois moins cher. Cette cité administrative se vide. A l’avenir, 30 000 mètres carrés sont à exploiter. Quel projet nous propose-t-on ? Enfin, que va devenir St-Merri, rue du Renard, qui est un établissement avec une école, une piscine et un gymnase ? Cet arrondissement n’a qu’un gymnase, absolument pas aux normes.
Sur le plan culturel, je regrette tout d’abord la fermeture récente de deux librairies : celle du progrès, rue des Ecouffes, la plus vieille du quartier du pletzel, et l’Agora. C’est une tendance regrettable sur laquelle la ville devrait mener une réflexion. J’adore pour ma part la librairie La belle Lurette située rue Saint-Antoine.
Plus généralement, nous devons saluer le Centre Pompidou, pour lequel, le président sortant Alain Sebban a su donné une dimension internationale supplémentaire tout en organisant des événements très populaires. 8 des 10 expositions temporaires les plus visitées à Beaubourg se sont tenues sous sa présidence. Il y a aussi la Maison Victor Hugo avec un directeur créatif mais à laquelle il faudrait donner une autre dimension à l’image de la Maison Charles Dickens à Londres pour en faire un espace plus interactif, plus vivant et plus convivial notamment en utilisant la cour de l’ancienne école Guéménée. De même, dans l’Hôtel de Fourcy qui jouxte la Maison Victor Hugo, l’ancienne Maison des parents de Théophile Gautier, aujourd’hui aux deux tiers vide, j’avais proposé que l’on ouvre un conservatoire de musique, établissement qui manque cruellement dans l’arrondissement. La politique culturelle dans le 4ème ne doit pas se limiter à la culture éphémère, elle doit aussi encourager l’apprentissage académique des savoirs.
Propos recueillis par Michel Taube