Entretien avec Michel Vauzelle, président du groupe d’amitié France / Mexique à l’Assemblée Nationale
Il était l’émissaire de François Hollande au Mexique pendant la campagne présidentielle de 2012, à une époque où les relations entre les deux pays étaient plus que refroidies (affaire Cassez…). Aujourd’hui, président du groupe d’amitié France/Mexique à l’Assemblée Nationale, il va recevoir le président mexicain Nieto mercredi 15 juillet à Marseille en tant que président du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. Entretien avec Michel Vauzelle.
Michel Vauzelle, quel est votre attachement au Mexique et d’où vous vient-il ?
Cet attachement me vient de longue date : dès le plus jeune âge, j’ai été attiré par la culture latino-américaine et notamment par l’esthétique singulière de l’époque coloniale espagnole et portugaise. Le Mexique abrite le Queretaro ou d’autres lieux des trésors de cette époque.
De façon plus anecdotique, lorsque mes parents m’ont envoyé aux Etats-Unis à 16 ans pour apprendre l’anglais, j’ai en fait découvert le Mexique car au bout de quelques jours j’ai pris un billet d’autocar et je suis allé passer au Mexique les deux mois que je devais passer aux Etats-Unis. Je m’y suis régalé. J’ai parcouru le pays depuis le Chihuahua au Nord, jusqu’au Nuevo Leon puis le Chiapas, au sud, en passant par Mexico. J’ai été absolument séduit par ce pays, la diversité de ses paysages, de ses cultures, et l’accueil du peuple mexicain. Ensuite je suis retourné souvent au Mexique, j’ai visité tout le pays, j’y ai emmené mes enfants, j’ai fait en sorte que ma famille aime ce pays.
Sur le plan politique, dès que j’ai été élu député, j’ai été inscrit au groupe d’amitié France/Mexique. Dès que j’ai été élu président de région en 1998, j’ai essayé d’établir des accords de coopération que nous avons signé avec deux Etats mexicains : le Nuevo Leon, à Monterrey, et l’Etat de Querétaro avec lequel la région PACA a beaucoup de relations, notamment via l’industrie aéronautique.
Enfin, le Mexique est un pays latin qui a de très grandes affinités avec la France : la laïcité, la révolution de 1789 en France, celle de 1910 au Mexique et puis les Barcelonnettes qui m’ont accueilli au Mexique lorsque j’avais 16 ans. Ce qui m’a toujours fait grand plaisir, c’est l’attachement du peuple mexicain pour la France.
Pourquoi le président mexicain est-il invité d’honneur au défilé du 14 juillet, alors que le contexte est plutôt tendu : depuis plusieurs semaines, la polémique enfle, notamment par rapport à la disparition des 43 étudiants d’Iguala, la violence et les violations perpétrées par l’armée mexicaine, liée au pouvoir ?
J’ai été envoyé par François Hollande, lors de la campagne présidentielle de 2012, pour expliquer aux Mexicains que nous aurions le souci, si François Hollande était élu, de rétablir l’amitié et les bonnes relations entre le Mexique et la France, dans la proximité de nos grands intellectuels, de nos littératures, de nos peintures, de nos cultures, de tous les étudiants mexicains qui sont en France, de toute la proximité culturelle.
Nous avions éprouvé une grande tristesse lorsque l’année du Mexique avait été annulée en France, suite à l’affaire Cassez, par le président d’alors, Nicolas Sarkozy.
L’année dernière, j’ai préparé avec le comité stratégique franco-mexicain le voyage du président Hollande au Mexique. Nous sommes allés à Los Pinos, qui est la résidence du président mexicain. On a beaucoup travaillé avec les milieux économiques mais aussi culturels. Depuis, il s’est déroulé un certain nombre d’événements, évidemment, mais je pense que ce n’est pas à moi d’en parler.
Je suis donc sur cette ligne d’apaisement et de dialogue.
La France, pour défendre son identité latine, a besoin du Mexique. Nous sommes dans une Europe dominée par l’Allemagne et par les pays de l’Europe de l’est qui ont un grand poids, on le voit aujourd’hui pour résoudre le problème grec. Donc nous avons besoin de nous appuyer sur des partenaires qui ont une proximité culturelle, ce qui est le cas des pays méditerranéens comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce.
Mais c’est également le cas de l’Amérique latine et du Mexique qui recherchent un modèle de société qui puisse peser face à la mondialisation, face à la Chine, aux Etats-Unis. Les Mexicains cherchent politiquement, comme le reste de l’Amérique latine, une autre voie. Et sur ce chemin, ils se rapprochent de la France.
Je ne juge pas le peuple mexicain mais je souhaite une amitié renouée, renforcée entre le Mexique et la France.
Pourquoi le président mexicain se rend t-il à Marseille ?
Le président Peña Nieto souhaitait se rendre en province et comme je suis président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, j’ai proposé Marseille. Le gouvernement mexicain est au courant du lien très fort que j’ai avec le Mexique et le président français était d’accord pour cette visite à Marseille, que lui-même reconnaît comme étant une ville latine.
La région PACA possède un lien particulier avec le Mexique, avec la mémoire des habitants de Barcelonnette, qui, au XIXème siècle, sont partis au Mexique et y ont fait fortune en ouvrant notamment de grands magasins et sont revenus ensuite à Barcelonnette.
Et puis, chaque année à Aubagne, nous fêtons avec la Légion étrangère la bataille de Camerone, qui est un hommage rendu par les Mexicains et les Français à la Légion qui a fait acte d’un courage extraordinaire au moment où les armées françaises étaient au Mexique à l’époque de Napoléon III.
Le 15 juillet, je recevrai donc le président mexicain à la Villa Méditerranée. Il y aura aussi le Cuauhtémoc, le navire école de la Marine mexicaine, qui sera à quai devant la Villa Méditerranée. J’accueillerai le président et nous prononcerons chacun un discours.
Le président mexicain inaugurera une exposition constituée sur la proximité des deux républiques sœurs que sont la République française, fondée sur les principes de 1789 et sur les idées laïques, et la République mexicaine fondée sur la révolution de 1910, sur l’inspiration de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et sur la laïcité. Par exemple, à l’époque du franquisme en Espagne, le Mexique a reçu, comme la France, les citoyens qui étaient chassés par Franco ou qui voulaient fuir Franco. Le Mexique est actuellement un des rares pays à avoir une proximité avec la France du point de vue de la laïcité.
Propos recueillis par Claire Plisson