Muhammad Yunus est le fondateur de la Grameen Bank. Cette banque est spécialisée dans le micro-crédit à l’attention des personnes les plus pauvres afin de les aider à sortir du cercle de la pauvreté. En 2006, Muhammad Yunus a reçu le Prix Nobel de la Paix pour cette initiative. A l’occasion du Sommet des Consciences pour le Climat, qui s’est tenu le 21 juillet dernier au CESE, il a accordé un entretien à Opinion Internationale.
La micro-finance peut-elle avoir un impact sur les négociations internationales concernant le changement climatique ?
Nous parlons ici d’un domaine plus large appelé entreprenariat social. Le micro-crédit fait partie de ces entreprises sociales conçues pour résoudre un problème et non dans un but d’un gain d’argent personnel. Aujourd’hui, nous sommes devenus des robots à argent, et par conséquent nous avons oublié le reste. C’est la base du problème que nous avons créé, et cela inclut le problème environnemental et celui du changement climatique. Mais c’est aussi un problème social, politique…Le système actuel est centré autour de l’argent, ce qui a créé des inégalités de revenus qui ne cessent de s’accroître, c’est de pire en pire. La concentration de la richesse entre les mains d’une minorité rend la situation d’autant plus difficile. Le micro-crédit tente d’apporter un service financier aux personnes les plus pauvres, mais le problème de base reste présent. Il faut s’intéresser en priorité à ce problème et nous redéfinir en tant qu’êtres humains et non en tant que robots. C’est là la priorité. Notre système est basé sur l’égoïsme. Or nous devons réinterpréter notre qualité d’êtres humains et créer une nouvelle civilisation. Celle que nous vivons actuellement se terminera en désastre.
Pensez-vous que les décideurs qui participeront à la COP21 seront justement à même de penser de manière altruiste ?
Nous allons le leur rappeler. Nous allons leur rappeler que c’est là la clé du problème. L’action spécifique et concrète est malheureusement très limitée si on ne prend pas en compte les problèmes fondamentaux. Ainsi seulement, la nouvelle civilisation que nous devons créer ne connaîtra pas de pauvreté.
Quel devra être le rôle des pays les plus pauvres, tels que le Bangladesh par exemple, qui ont moins de moyens que les pays développés pour lutter contre le changement climatique, et qui contribuent moins aux émissions de CO2 ?
Leur rôle devra être le même que pour tous les autres pays. Les humains sont égaux, qu’ils soient au Bangladesh ou en Amérique latine. L’important, c’est ce qu’on a en soi, pas ce que l’on possède. La richesse est en vous, elle prend la forme du potentiel créatif de l’être humain. C’est ce pouvoir de créativité qui peut changer le monde, pas l’argent en soi. C’est pourquoi il faut s’adresser aux jeunes. Ils ont l’esprit encore frais, s’ils savent qu’ils doivent se redéfinir en tant qu’êtres humains et pas seulement comme des chasseurs d’argent, ils pourront créer cette nouvelle civilisation.
Propos recueillis par Maria Gerth-Niculescu