Du 24 au 28 août prochain, le quai d’Orsay accueillera la Semaine des Ambassadeurs. Un événement tourné vers la société française. Entretien avec Romain Nadal, porte-parole et directeur de la communication et de la presse du quai d’Orsay.
Cet entretien inaugure une nouvelle rubrique : « les Décideurs engagés.
Romain Nadal, vous êtes le porte-parole du ministère des Affaires étrangères français mais vous en êtes aussi le directeur de la communication et de la presse. Vous invitez les Français à participer du 24 au 28 août à Paris à la Semaine des Ambassadeurs, et en particulier le 24 aout à un événement de « diplomatie publique ». N’est-ce pas contradictoire de parler de « diplomatie publique » ?
Non, parce qu’aujourd’hui la diplomatie concerne tous les sujets de la vie quotidienne des Français : l’environnement avec la COP21, la création d’emplois avec la diplomatie économique, la sécurité avec la lutte contre le terrorisme, la santé avec la lutte contre l’épidémie d’Ebola, la culture et la diffusion de notre langue avec l’enseignement du français dans le monde… Notre politique étrangère est une politique globale fondée sur quatre priorités : la paix et la sécurité, la planète, la croissance et la relance de l’Europe. Et je n’oublie pas la diplomatie sportive : dans moins d’un un an la France sera le pays hôte de l’Euro 2016. C’est un formidable défi pour notre pays. Nous accueillerons des millions de supporters. Le sport est un fantastique vecteur de valeurs, d’émotions, d’attractivité pour notre pays, et de création d’emplois.
Dans cet esprit, le ministre Laurent Fabius a souhaité transformer la traditionnelle conférence des Ambassadeurs, qui réunit chaque année tous les ambassadeurs de France dans le monde à la fin du mois d’août, en « Semaine des Ambassadeurs ». Cet événement est désormais résolument tourné vers la société française. Par exemple, le premier jour sera consacré à une rencontre avec le grand public intitulée « Je rencontre un ambassadeur » à travers 5 débats d’actualité : l’Iran, l’Ukraine, l’Union européenne, l’action humanitaire d’urgence et la préparation de la COP21. Tous ceux qui le souhaitent pourront venir débattre de ces sujets avec le ministre et nos ambassadeurs.
Évidemment vous ne pouvez pas toujours communiquer sur les secrets des négociations diplomatiques. Quelles sont les limites de cette diplomatie publique, de cette ouverture de la diplomatie à la société française ?
Il y a toujours dans une négociation des aspects qui ne sont pas connus du grand public car ils relèvent de l’exercice de la souveraineté, mais nous faisons beaucoup d’efforts de transparence pour expliquer aux Français les enjeux d’une négociation, nos priorités et sa conduite.
Pour prendre un exemple récent, Laurent Fabius a beaucoup expliqué les enjeux de la discussion sur le programme nucléaire iranien pour la France et le rôle de notre pays dans cette négociation. Le 24 août, le public pourra débattre de cet enjeu avec le directeur politique du ministère, qui a négocié l’accord trouvé avec l’Iran le 14 juillet dernier sous l’autorité du Ministre ainsi qu’avec nos ambassadeurs aux Etats-Unis et en Iran. Cet exercice de diplomatie publique tout à fait inédit permettra de poursuivre ces efforts d’explication et de pédagogie.
Plus généralement, la diplomatie publique sert et accompagne notre politique étrangère. Elle la rapproche des Français. Elle ne se réduit pas à « la semaine des ambassadeurs » mais tout au long de l’année moi-même et des collègues nous participons régulièrement à des rencontres et des débats publics consacrés à la politique étrangère partout en France. Nous sommes aussi l’une des administrations les plus présentes sur internet et les réseaux sociaux. Nous sommes suivis sur Twitter par plus de 618.000 personnes et nous avons des comptes en 4 langues (par exemple, plus de 100.000 personnes nous suivent sur Twitter en arabe). Au total, en prenant en compte l’activité de toutes nos ambassades, plus d’un million de personnes suivent l’activité de la diplomatie française sur Twitter à travers le monde.
Vous semblez personnaliser la diplomatie. Cette Semaine des Ambassadeurs sera centrée sur les ambassadeurs en tant que personnes, des hommes et des femmes qui font la diplomatie. Est-ce un choix assumé ?
Oui, car le succès de notre diplomatie repose avant tout sur une action collective et l’universalité du réseau diplomatique français. En ouvrant aux Français cette « semaine des ambassadeurs », Laurent Fabius a fait le choix de faire mieux connaître les femmes et les hommes qui conçoivent et animent la diplomatie, qui la font vivre et la mettent en œuvre dans l’ensemble des pays du monde.
J’ajoute que l’universalité de notre réseau est un atout formidable pour l’influence de notre pays. Toutes nos ambassades sont ainsi mobilisées pour préparer la COP21 qui réunira les 195 Etats du monde et l’Union européenne à Paris en décembre prochain pour négocier un accord universel et contraignant. C’est un accord attendu par toute la communauté internationale et qui doit nous permettre de lutter contre le dérèglement climatique et ses conséquences catastrophiques sur notre planète. Et comme le dit M. Ban Ki-moon le secrétaire général des Nations unies : « il n’y a pas de plan B car il n’y pas de planète B ».
Les ambassadeurs vont aussi rencontrer le mardi 25 août des chefs d’entreprises dans des speed-dating qui innovent pour le moins sur la façon qu’ont généralement les diplomates de communiquer. Ceci dit, là aussi, cette diplomatie publique n’est-elle pas déconnectée de votre politique étrangère ? Exemple : toujours sur l’Iran, on a parlé en France d’un certain délai de décence avant de retourner à Téhéran [Laurent Fabius se rendra à Téhéran le 29 juillet], alors que le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel s’y est rendu en début de semaine…
En 2014, notre ministère a connu un changement de dénomination et de périmètre : le ministère des affaires étrangères et du développement international est désormais en charge, outre ses attributions traditionnelles, du commerce extérieur et de la promotion du tourisme. Cette extension, souhaitée par Laurent Fabius, vient compléter une évolution entamée depuis 1999 avec la suppression du ministère de la coopération au profit d’une compétence géographique étendue du Quai d’Orsay et amplifiée en 2012 : déjà à l’époque, le plein rattachement à notre ministère à la fois des affaires européennes, du développement, de la Francophonie et des Français de l’étranger, l’accent mis sur la diplomatie économique, tout cela avait amorcé le changement. La nouvelle dénomination du ministère et les actions concrètes que nous conduisons et allons conduire complètent cette orientation : le Quai d’Orsay devient ainsi le ministère de l’action extérieure de l’État avec les outils correspondants, cependant que les ambassadeurs sont, dans chaque pays, les premiers acteurs et coordonnateurs uniques de notre diplomatie globale.
C’est dans cet objectif global que s’inscrit l’objectif spécifique de la diplomatie économique qui est de favoriser en France la création d’emplois et la croissance économique. Le speed-dating qui aura lieu le mardi 25 est un événement tout à fait inédit : c’est une possibilité qui est offerte à toutes les entreprises sur l’ensemble du territoire français, notamment nos PME et nos PMI, de rencontrer directement nos ambassadeurs et de solliciter leurs conseils pour se développer dans les autres pays du monde.
Et cela concerne aussi les entreprises françaises qui voudraient développer leurs échanges avec l’Iran.
Le mercredi 26 août sera consacré aux enjeux du climat, en présence de Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU. Pensez-vous que l’hyper communication qui entoure la COP 21 va aider le volet – beaucoup plus discret – des négociations ?
Cette COP21 est une négociation à l’échelle du 21ème siècle, qui a pour objectif de parvenir à un accord universel et contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le dérèglement climatique. Il s’agit de la plus grande conférence internationale que la France ait jamais organisée et elle va faire converger les initiatives de la société civile avec celles des gouvernements.
L’objectif est de limiter la hausse des températures depuis le début de l’ère industrielle à 2° au maximum.
Il est indispensable que nous allions tous dans le même sens. C’est une négociation, qui pour être un succès, devra associer, les États, la société civile, les citoyens, les associations, les organisations non gouvernementales (ONG) et les entreprises, sans oublier les collectivités territoriales qui auront un rôle essentiel dans la mise en œuvre concrète de l’accord. Nous tentons de faire converger tous ces efforts. Nous attendons 40.000 personnes du monde entier.
Propos recueillis par Michel Taube
Lisez l’édito de Michel Taube : « ceci est un ambassadeur »
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