Quatre jeunes français ont entamé un tour du monde qui va les emmener pendant 10 mois dans de nombreux pays. Autant d’étapes à la recherche d’expériences de dialogue inter-religieux, autant de passerelles pour la compréhension et le respect mutuel. A chaque étape, Opinion Internationale publiera un de leurs témoignages. Deuxième témoignage de Samir Akacha, l’un des baroudeurs de l’équipe, en Norvège.
Etape 2, Norvège. Le témoignage de Samir Akacha
Pendant près de 1000 ans, le christianisme fut une religion d’Etat en Norvège, la loi stipulant que « chaque homme doit être chrétien au Royaume de Norvège ». En 1814, le pays se dote d’une Constitution, toujours en vigueur aujourd’hui.
La liberté religieuse n’est pourtant pas à l’ordre du jour, l’Eglise évangélique luthérienne demeurant la religion d’Etat. Le bannissement des juifs se perpétue dans tout le royaume, gravé dans le paragraphe 2 de la Constitution. Durant les deux derniers siècles, les débats au sein de la société norvégienne et la signature de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ont permis une plus grande tolérance vis à vis du fait religieux, jusqu’à aboutir en 1964 à une modification de la Constitution qui mentionne désormais dans son second paragraphe que « tout habitant du royaume a le droit de librement exercer son culte ».
Dans la deuxième moitié du XXème siècle, avec la découverte et l’exploitation des gisements pétrolifères et gaziers, la Norvège devient l’un des pays les plus riches d’Europe, et passe de territoire d’émigration à celui d’immigration. Les travailleurs venus du monde entier participent à transformer la Norvège en nation pluriculturelle et multi-convictionnelle. En 1969, les cultes religieux, puis en 1981 toutes les communautés philosophiques non religieuses reçoivent le support financier de l’Etat en fonction du nombre de leurs fidèles.
En 1996, le Conseil pour les Religions et les Communautés Philosophiques est fondé. Travaillant dès l’origine en parfaite indépendance vis à vis de l’Etat, l’égalité entre les différentes confessions est de mise au sein du Conseil. La communauté bouddhiste a ainsi autant d’influence en son sein que l’Eglise de Norvège. Basé sur des principes éthiques, le Conseil ne pratique pas le vote à la majorité. Chaque décision doit être prise à l’unanimité. Le but du Conseil est de promouvoir notamment la compréhension mutuelle et le respect entre les religions et les communautés philosophiques, et de travailler à l’égalité en se basant sur la Convention Européenne des Droits de l’Homme ainsi que sur le pacte des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques. Les questions éthiques et de société font également partie de son champ d’action.
Cette ouverture de l’Etat aux différents courants religieux n’a cependant pas permis de mettre toutes les croyances sur un même pied d’égalité. Ainsi, l’Eglise luthérienne bénéficie toujours d’un certain nombre de privilèges, notamment liés au système éducatif. L’enseignement du fait chrétien est favorisé par rapport aux autres cultes, et est même obligatoire, même si une pression constante des différentes associations religieuses a permis d’intégrer dans l’enseignement une approche plus pluraliste du fait religieux.
Ces dernières décennies, l’Etat a aussi pris la responsabilité d’assurer une liberté de culte entière à ces citoyens, en participant au financement des associations religieuses et humanistes, ainsi qu’en établissant un dialogue constant avec les différents leaders communautaires. Cette ouverture a permis à des minorités religieuses de s’organiser et d’explorer de manière sereine leurs identités multiples en s’engageant dans un dialogue sincère et constructif.
Prochaine étape: la Russie
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