Les 28 et 29 juin dernier, dans la ville de Mayadine qui borde l’Euphrate à l’est de la Syrie, deux femmes combattantes kurdes étaient publiquement décapitées (avec vidéo de propagande à l’appui) par Daesh. Cet acte barbare nous a rappelé tragiquement ce que la presse mondiale avait découvert un an plus tôt : la présence de femmes-courage, de femmes résistantes dans l’armée kurde qui se battent corps à corps en Syrie et en Irak contre Daesh.
Manuel Valls, premier ministre français parlait il y a peu d’une guerre de civilisation contre la barbarie… Si guerre il y a, les fantassins de l’armée de la liberté sont ces femmes kurdes combattantes et résistantes. Et si la civilisation est l’enjeu de cette guerre, alors les droits des femmes kurdes (et de toutes les femmes du Moyen-Orient) en sont un des enjeux clé !
Nous devrions tous être des femmes kurdes résistantes !
Depuis le début des manifestations contre Bachar el Assad puis de la guerre civile et l’irruption fulgurante de Daesh en Irak et en Syrie,s’il est un acteur structuré qui se bat tous les jours et envoie des femmes et des hommes mourir pour la liberté, ce sont les kurdes
Comme le souligne Rhodi Mellek, membre du Conseil National kurde en exil, basé à Bruxelles : « Plus de la moitié des femmes qui ont combattu dans la révolution syrienne sont kurdes, membres du YPG, qui est l’autorité d’auto-défense féminine ».
Les femmes y jouent un rôle clé. C’est pourquoi il faut soutenir ces femmes et renforcer leurs droits : ceci pour deux raisons :
– La priorité du moment (et des prochaines années malheureusement), c’est de tout faire pour battre Daesh. Depuis les attentats des 7, 8 et 9 janvier à Paris, depuis la décapitation de Hervé Gourdel en Algérie et de Hervé Cornara en Isère, pour ne parler que de la France, et avec les attentats qui se multiplient en Afrique, en Europe, en Asie, nous prenons tous conscience que notre liberté se joue surtout sur le théâtre des opérations en Syrie et en Irak (n’oublions pas aussi le Yemen qui est à feu et à sang), là où Daesh prospère et veut implanter son califat. Or trop rares sont les forces crédibles, structurées qui combattent de front Daesh. Les kurdes sont l’une de ces forces et doivent être soutenus. Ils ont récemment libéré la ville martyr de Kobané, reprise aux mains de Daesh. La coalition internationale qui bombarde les positions de Daesh devrait soutenir davantage les kurdes. C’est une nécessité absolue si l’on veut stopper la progression fulgurante de Daesh depuis un an et repousser cette pieuvre qui étend ses tentacules jusqu’en Egypte et au-delà.
– C’est une nécéssité également alors que la tragédie des immigrés fuyant les exactions de Daesh et la guerre civile en Syrie nous hante jour après jour
– Sans tomber dans le moindre angélisme, les femmes kurdes sont porteuses de valeurs modernes. Elles sont dans leur grande majorité attachées à la diversité culturelle et à la liberté religieuse. Les kurdes vivent en bon voisinage avec les chrétiens d’Orient. L’égalité entre les femmes et les hommes est une de leurs valeurs cardinales. C’est aussi pourquoi nous devons soutenir les femmes kurdes qui se battent pour leurs droits.
Selon Sinam Mohamad, co-Présidente du Conseil démocratique du Rojava (Kurdistan syrien), ajoute : « Notre contrat social est basé sur des principes démocratiques pour garantir les droits de toutes les ethnies et de tous les groupes confessionnels, contrairement au système qui était en place auparavant qui opprimait les communautés et contrairement, évidemment, aux intentions barbares de Daech ».
En effet, au Kurdistan syrien, les femmes ont des droits et des libertés enviés par de nombreuses femmes dans le monde : toutes les organisations civiles, politiques et militaires y sont co-présidées par une femme et un homme. Les violences commises sur les femmes sont sévèrement punies par la justice kurde. Leurs sœurs irakiennes sont mobilisées pour leurs droits. En Turquie, malgré la recrudescence des violences opposant la Turquie aux forces kurdes du PKK, le parti HDP des régions kurdes arrive à réunir les progressistes turcs, laissant espérer un dépassement de l’opposition entre Turcs et Kurdes.
Aujourd’hui, nous lançons un triple appel. Aux citoyens du monde opposés à la barbarie de Daesh, aux femmes dans le monde, aux chefs d’Etats de la Coalition internationale contre Daesh : apportez les armes et les moyens que réclament les femmes combattantes kurdes pour qu’elles remportent de nouvelles victoires sur Daesh.
Oui, aujourd’hui, contre Daesh, nous sommes tous des femmes kurdes résistantes !
Patricia Lalonde et Michel Taube
Entretien avec deux femmes leaders kurdes
Opinion Internationale publie les interviews de deux femmes leaders kurdes, Rhodi Mellek, membre du Conseil national kurde en exil et basée à Bruxelles, et Sinam Mohamad, co-Présidente du Conseil démocratique du Rojava (Kurdistan syrien).
Le rapport du Global Network for Rights and Development Women (GNRD-W) sur les droits des femmes au Kurdistan irakien et syrien
Anne-Marie Lizin, ancienne présidente du Sénat belge, Patricia Lalonde, membre du conseil consultatif du Global Network for Rights and Development Women (GNRD-W) et Robert Pingeon, consultant américain, ont dirigé une mission d’enquête avec des experts européens et kurdes du 21 au 25 avril dernier d’où est tiré le présent rapport.
Publié dans son intégralité par Opinion Internationale, le document, présenté lors d’une conférence au Sénat français présidée par le sénateur et ancien ministre Jean-Marie Bockel, montre que le renforcement des droits des femmes dans le Kurdistan irakien et syrien jouera un rôle décisif dans l’avenir de la région.
A lire pour comprendre le rôle des femmes kurdes dans l’évolution stratégique de la région.
https://www.opinion-internationale.com/wp-content/uploads/2015/09/Allez-on-est-au-bout-1.pdf