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10H53 - vendredi 27 novembre 2015

Durga Puja, ou quand l’Inde célèbre la force des femmes

 

Lundi 19 octobre dernier à dix-huit heures. Ce jour-là, le tumulte  assourdissant et habituel des klaxons n’est pas la seule animation des rues. Les cris des conducteurs de bus haranguant les passants non plus. Quant à la foule, elle semble encore plus dense qu’à l’habitude : indénombrable, indéfinissable, elle se multiplie et envahit toutes les rues, des impasses aux grandes artères, se déversant près des innombrables échoppes de street food et s’engouffrant dans d’immenses constructions en bambous. Les gens sont souriants et détendus, et leurs vêtements plus recherchés qu’à l’ordinaire témoignent d’une journée pas comme les autres.

Les pandals sont préparés des mois à l'avance

Les pandals sont préparés des mois à l’avance – Crédit : Ipsita Kabiraj

 

Aujourd’hui, nous sommes le premier jour de la fête de Durga Puja. Célébrant la victoire du Bien sur le Mal, grâce à la force déployée par la déesse Durga – Puja signifie prière -, c’est la plus grande fête du Bengale Occidental, son importance s’étend dans une grande partie de l’Asie du Sud et rassemble des millions de personnes. Durant cinq jours et calculée en fonction du calendrier lunaire, elle est l’origine à Calcutta de la construction de près de deux mille temples éphémères.

L’hindouisme est à la fois monothéisme et polythéisme : un seul dieu est « décliné » sous d’innombrables formes incarnant une vertu, une discipline. Ainsi Ghanesh (dieu à tête d’éléphant) représente et est prié pour la prospérité, Laxmi la santé, Saraswati l’éducation… Chaque hindou choisit l’un d’entre eux à qui il vouera au fil de sa vie une dévotion particulière.

Personnification simultanée de la mère universelle, du pouvoir et de la paix, Durga est la mère bien-aimée et la plus féroce des destructrices. Les hindous la prient pour qu’elle vienne combattre le mal chez eux, et accordent donc une importance toute particulière à la force féminine, centrale dans l’organisation de l’univers, terrassant le mal et protégeant les innocents. La prier doit permettre de au croyant de réaliser ses capacités et son potentiel présent en lui, et par la destruction du mal y amener l’harmonie. C’est ce cheminement intérieur qui est rappelé par Durga Puja chaque année.

L’histoire de la déesse est bien connue de tous les hindous, et c’est elle qui est retranscrite dans tous les temples construits pour l’occasion, les fameux pandals. Conçue pour combattre, Durga était vouée à détruire le démon Mahishasura, qui issu de l’amour entre un homme et un buffle, transformait les hommes en bête. Par d’intenses prières, il avait obtenu de Lord Shiva de ne pouvoir être battu ni par un homme ni même un dieu. Il tint donc en échec les hommes, les dieux et y compris la trinité suprême, Brahma, Vishnu et Rudra.

 

femme inde

Crédit photo : Ipsita Kabiraj

Un règne de terreur régnait sur la terre et les cieux. Les dieux décidèrent alors d’irradier d’une énergie inédite la femme de Shiva, qui devint alors déesse. Dotée d’une grande beauté, Durga reçut dix bras et des yeux bordés de sang, des cheveux de perles noires et une peau à l’éclat d’or. Sa poitrine fut sculptée par Chandra la Lune, ses genoux esquissés par le souffle de Varuna, le Vent, et ses trois yeux fondus par Agni – le Feu. Chaque dieu lui confia ses plus puissantes armes, et l’Himalaya lui donna un lion qu’elle chevauche continuellement. Au huitième jour de la lune croissante, les deux démons Chanda et Munda vinrent la provoquer en duel : devenant bleue de colère et claquant sa langue gorgée de sang, elle les terrassa de son épée et les foudroya du regard de ses trois yeux rouges. Le dixième jour de la lune croissante, elle vient à bout du démon. C’est cette victoire, immédiate et salvatrice qui est encore aujourd’hui célébrée, et dont les premières traces du culte remontent au douzième siècle.

 

Le démon Mahishasura vaincu par la déesse.

Le démon Mahishasura vaincu par la déesse – Crédit : Ipsita Kabiraj

Célébrée dans plusieurs états indiens, Calcutta demeure le centre névralgique de la fête. Pendant une semaine, la ville semble retenir son souffle pour mieux ouvrir ses yeux. Faits de bambous et parsemés de tissus chatoyants, les pandals sont construits depuis des mois pour ne vivre réellement que quelques jours. De simples constructions aux architectures les plus élaborées, ils sont adulés par les habitants de la ville, narrant histoire de la déesse et rappelant faits historiques, tirés d’une mythologie commune, d’une histoire partagée ou des récits imaginaires. Mais dans tous, Durga règne, chevauchant son lion et armée de ses dix armes, et c’est elle le centre des festivités. Dix jours après le début de la fête, Durga retournera vers la demeure de son père dans les Himalayas, quittant la ville lors du rituel de l’immersion de ses milliers de statues dans le Gange. Mais avant son départ, c’est une foule émerveillée qui se presse autour des pandals et assiste à des impromptu de musique traditionnelles et de danses.

 

De nombreux musiciens jouent près des pandals des chants pour la déesse, rythmant de façon vibrante la ville.

De nombreux musiciens jouent près des pandals des chants pour la déesse, rythmant de façon vibrante la ville. –  Crédit : Ipsita Kabiraj

 

Cette immense affluence et le trafic monstrueux peuvent isoler des parties entières de la ville durant plusieurs heures, comme cela a été le cas dès le premier jour de le fête, où la pression excessive due aux mouvements de foule ont fait craindre aux autorités une bousculade dangereuse autour de la plus grande idole au monde, les obligeant à en interdire l’accès.

L’attraction de cette fête est telle qu’elle a fait récemment l’objet d’un échange entre délégation chinoise et indienne, lors de la dernière rencontre entre le Vice-Président Chinois Li Yuanchao et la Chief Minister du Bengale Occidental Mamata Banerjee. Considéré comme le plus grand festival au monde à ciel ouvert, la fête draine des milliers de touristes, même si Calcutta n’est pas le seul lieu de fête. Le Bangladesh, dont 10% de sa population est hindoue, construit ainsi près de 18 000 pandals à travers tout le pays, dont près de 150 dans sa capitale Dhaka. Mais contrairement à l’Inde où il est tenu que les politiques se fassent discrets, Durga Puja est un passage ostentatoire et nécessaire pour les dirigeants du pays. Grâce à la diaspora indienne, on peut également admirer plusieurs centaines de pandals en Amérique du Nord, des dizaines à Tokyo…voire même en Angleterre !

Durga Puja

Crédit : Ipsita Kabiraj

Fait socio-culturel majeur de l’Inde, temps fort pour les familles, Durga Puja l’est aussi pour les différentes communautés professionnelles, qui représentent leurs fonctions et capacités dans les pandals. Evènement significatif en termes d’économie et de tourisme, fête qui place au centre la féminité, Durga vient développer les créations artistiques, emmène plus loin l’imagination – et nous rappelle que l’hindouisme ne peut être réduit à la marginalité de ses affrontements communautaires.

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