Militante écologiste, Célia Blauel est maire adjointe de Paris chargée de l’environnement. Alors que la capitale accueille la Conférence mondiale sur le Climat et vient de s’engager, en tant que ville « résiliente », à attribuer 10% de son budget à la lutte contre les risques comme les chocs climatiques, elle nous dépeint sa vision du Paris de l’avenir et de la ville durable en général…
L’exposition du « Paris de l’avenir » présente sur le parvis de l’Hôtel de ville des solutions écologiques pour la ville de demain. De façon générale, les projets plus ou moins porteurs de sens pour développer la « smart city » sont en plein boom… Comment imaginez-vous la cité de l’avenir?
Je préfère le terme de « ville durable » à celui de « smart city », plus représentatif selon moi de l’ambition que doivent se donner les villes de demain. L’urbanisme durable est l’un des axes les plus significatifs de la transformation des villes : il s’agit notamment de réformer la conception et la rénovation du bâtiment en allant vers plus de sobriété afin de faire des économies d’énergie.
A Paris, nous avons développé beaucoup d’initiatives intéressantes. Nous n’en sommes plus au stade de la simple installation de panneaux solaires, nous sommes vraiment entrés dans une phase d’expérimentation : nous développons la géothermie, la récupération de chaleur dans les data center et dans la gestion des eaux usées, nous faisons beaucoup d’efforts pour réduire l’empreinte écologique des transports… Il y a encore beaucoup de choses à faire, notamment au niveau de la gestion des ressources qui se raréfient comme l’eau.
Le Paris du futur doit aussi améliorer la qualité de vie des Parisiens, en réduisant leur facture énergétique, en créant des emplois non délocalisables, en entraînant une plus forte implication citoyenne…
Qu’avez-vous pensé de l’interdiction de manifester pour le climat le 29 novembre et de l’assignation à résidence d’un certain nombre de militants écologistes, décidées dans le cadre de l’état d’urgence?
En tant que militante écologiste, j’ai bien sûr beaucoup regretté l’annulation de la marche pour le climat que j’avais attendue avec impatience puisqu’elle devait selon moi être l’un des moments forts de la COP21. Ce n’est cependant pas une décision que je critique, l’interdiction est tout à fait compréhensible étant donné les circonstances actuelles.
En ce qui concerne l’assignation à résidence de militants écologistes, il est essentiel de bien faire la distinction entre la plus part des militants écologistes qui sont pacifistes et la frange minoritaire et extrémiste qui se tourne vers l’action violente à chaque grande conférence mondiale. On ne peut absolument pas mettre dans le même sac tous ceux qui manifestent pour Notre-Dame-des-Landes et les Black Blocs. L’état d’urgence est nécessaire mais il ne doit pas justifier tout et n’importe quoi, il faut être très vigilant quant à ce qui se passe.
La prise en compte des enjeux écologiques peut-elle selon vous lutter contre les fractures sociales et les inégalités géographiques au sein des agglomérations urbaines pour améliorer la qualité de notre « vivre-ensemble » ?
C’est absolument essentiel : lorsqu’on observe la plupart des initiatives de transition écologique partout dans le monde, que ce soit à l’échelle d’un quartier ou d’une ville, on se rend compte que ce sont des projets qui créent du lien social entre les gens, qui entrainent des rencontres, qui permettent de réinventer la communauté. C’est un constat fait par Rob Hopkins, l’initiateur du mouvement des « villes en transition » : le passage aux énergies vertes n’est pas qu’une affaire de technocrates et de grosses entreprises, mais est au contraire de plus en plus intégré par la société dans son ensemble.
Dans une tribune sur l’opportunité que représente la transition énergétique pour le projet européen, vous évoquez le sacrifice des programmes de soutien aux renouvelables sur « l’autel de la libre concurrence ». Quelles réformes des pratiques dans le monde économique sont nécessaires, selon vous, pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Pour mettre un terme à l’investissement dans des secteurs polluants comme le nucléaire ou les énergies fossiles, il faut avant tout arrêter de laisser les politiques européennes dans les mains des grands lobbys économiques. L’agriculture par exemple est encore malheureusement trop dominée par des modèles de productivisme intensif…
Il n’y a plus vraiment de fracture claire et nette entre des associations engagées dans la protection environnementale d’un côté, et des entreprises qui ne feraient que du « greenwashing » de l’autre. La vraie ligne de rupture est désormais plutôt entre deux mondes : celui des trente glorieuses habité par des rêves de croissance infinie et le monde durable porté par les écologistes.
Vous êtes une élue EELV, ne pensez-vous pas que l’écologie dépasse le pré carré d’un seul parti ?
L’écologie n’est la propriété de personne, mais ce qui distingue le parti des verts aujourd’hui, c’est justement le fait de considérer l’écologie au-delà de la question environnementale. De la considérer comme un véritable projet politique remettant en question nos modes de vie, la façon dont on vit ensemble, travaille ou produit, notre rapport à l’économie… Le tout en ayant en tête que les ressources de la planète ne sont pas infinies. Je serais ravie le jour où la classe politique dans son ensemble adhérera à une telle philosophie… Mais il y a encore un grand pas à franchir avant d’en arriver à ce stade.