International
16H55 - jeudi 10 décembre 2015

L’élection de Mauricio Macri et les enjeux du nouveau panorama politique argentin

 

L’élection présidentielle argentine du dimanche 22 novembre a porté à la tête du pays le candidat de droite Mauricio Macri. Avec 51% des voix, il devient le premier homme politique de droite depuis le retour de la démocratie, en 1983, à accéder au pouvoir. Il est surtout le seul homme politique de droite à le prendre par les urnes et non par la force depuis l’avènement du suffrage universel direct en 1930. Il sera aussi le premier président à démarrer l’exercice de son mandat poursuivi par la justice dans une affaire pénale concernant des écoutes illégales, des dissimulations et falsifications de preuves dans le cadre des attentats qui avaient frappé la mutuelle juive, AMIA, en 1994.

 

Enfin, en sa qualité de maire de la ville de Buenos Aires, il n’est que le second édile à s’imposer lors d’une élection nationale, Fernando de la Rua le précédant avec pertes et fracas au cours de la brève et tragique période de 2000 à 2001.

Candidat favori des milieux d’affaires et issu de l’oligarchie portègne, Mauricio Macri a réussi, lors de sa campagne électorale, à fédérer grâce à un discours léger et simpliste autour de son désir de « révolution joyeuse en Argentine » et ainsi faire oublier huit années d’un mandat de maire entaché de nombreuses affaires et d’une gestion discutable. Poursuites pénales, enquêtes pour corruption et fraude dans l’attribution de marchés publics, répression policière, désinvestissement dans les secteurs de l’éducation publique, la santé et le logement, politique discriminatoire d’accès aux soins dans les hôpitaux, privatisation de la culture, recours quasi systématique au droit de véto pour freiner des projets de loi au sein du parlement de la ville autonome de Buenos Aires… La question peut alors aisément se poser de savoir si, face à un tel bilan, les promesses du candidat Macri feront long feu.

Passés les effets d’annonce de la campagne et l’euphorie de la victoire, le nouveau président de la nation devra gouverner un pays divisé quant au projet politique, économique et social à suivre. Sa volonté d’ores et déjà affichée de dévaluer la monnaie, de libérer les importations, de lever les taxes et les droits sur les exportations, de régler leur dette aux fonds d’investissement qui le lui réclament devant les tribunaux new-yorkais et de recourir aux emprunts internationaux rappelle à bien des égards certaines des mesures libérales de Carlos Menem, président de 1989 à 1999, laissant craindre que « la révolution joyeuse » ne soit que la nouvelle chronique d’une crise annoncée.

Pour mener à bien son projet, le nouveau président peut dès à présent s’appuyer sur les succès électoraux glanés par le parti qui l’a mené au pouvoir, Cambiemos (alliance de son propre parti PRO, du parti radical, UCR, et de plusieurs autres petits partis d’opposition) et ceux de ses alliés politiques en province. Ainsi, il détient le contrôle stratégique des provinces les plus puissantes et les plus peuplées du pays, Buenos Aires (Cambiemos), Cordoba (UNA) et Santa Fe (PS). La ville de Buenos Aires, quant à elle, reste sous le contrôle de son propre parti, PRO, mais son influence s’y est largement effritée lors de ces élections. Fort de ces avantages, Mauricio Macri s’est empressé de vouloir enterrer l’héritage des années passées en déclarant la fin d’une ère et l’avènement d’une autre.

Parler de la fin de l’ère Kirchner est aussi trompeur que précipité. Si Cristina Fernandez de Kirchner ne sera plus la présidente de la nation argentine à compter du 10 décembre, elle est et reste la leader charismatique d’une formation politique qui, une fois la défaite digérée, contrôle ni plus ni moins que 80% des provinces et des municipalités du pays, détient la majorité et le quorum à la chambre du Sénat et conserve le premier groupe parlementaire à la chambre des députés. Si les rôles sont désormais inversés, le passage dans l’opposition des péronistes du Parti Justicialiste (PJ) et du Front Pour la Victoire (FPV) ne s’opère pas par la petite porte. Ce serait une erreur stratégique que de le croire d’autant que les 48,5% des voix récoltées par Daniel Scioli, le candidat du parti sortant, représentent une base solide sur laquelle s’appuyer.

Tant les militants que les sympathisants du FPV et du PJ attendent désormais de leurs représentants la construction d’un mouvement d’opposition fort qui leur garantisse la préservation des acquis économiques, sociaux et juridiques, notamment sur la question de la poursuite des procès aux répresseurs de la dictature. Dès lors, la remise en question rapide du FPV, en évitant le coût politique de guerres internes après la défaite, sera la priorité du parti. Une priorité à laquelle Cristina Fernandez de Kirchner aura indéniablement une contribution déterminante à apporter. Pour sa part, Mauricio Macri va devoir composer avec les différentes forces politiques auxquelles il s’est allié et notamment les radicaux dont l’électorat a plutôt mal vécu l’opportunisme électoral de son propre parti. Aussi, le retrait politique inattendu d’Ernesto Sanz, leader et architecte de l’alliance avec Mauricio Macri, dès le lendemain de l’élection provoque d’ores et déjà un malaise au sein du Parti Radical et fait craindre que ce parti ne soit le dindon de la farce.

Si sur le plan intérieur, la dynamique électorale victorieuse de Mauricio Macri lui offre une relative marge de manœuvre, d’un point de vue international, ses premiers pas risquent au contraire d’être plus chahutés. Tout au long de la campagne électorale présidentielle, les différents leaders et dirigeants sud-américains n’ont pas hésité à soutenir le candidat du parti sortant. Désormais défait, nul doute que le pragmatisme politique des différents chefs de gouvernement devrait permettre une rapide normalisation de leur relation avec le nouveau président argentin. Néanmoins, les annonces de celui-ci en matière de politique internationale ne sont pas d’ordre à rassurer, notamment du côté brésilien.

En effet, la volonté affichée de demander au plus vite l’exclusion temporaire du Venezuela du MERCOSUR et celle de se rapprocher de l’Alliance du Pacifique risquent de mettre rapidement sous tension le MERCOSUR et de mener à la confrontation avec Dilma Roussef, présidente du Brésil, respectueuse de la souveraineté vénézuélienne et opposée à toute union avec l’Alliance du Pacifique. Premier partenaire économique de l’Argentine, le Brésil a tissé une relation politique étroite avec son voisin depuis plusieurs années permettant ainsi de surmonter les différends économiques qui les opposaient fréquemment, notamment en période de crise comme c’est le cas aujourd’hui. Plus largement, les deux pays ont fortement participé au processus d’intégration continental et aidé à la constitution d’une union politique sud-américaine, l’UNASUR.

L’Argentine, autrefois pays éloigné de ses voisins latino-américains, se retrouve aujourd’hui au cœur de la construction politique continentale. Dès lors, la volonté de démarcation, voire de confrontation, de Mauricio Macri, notamment sur le cas vénézuélien pourrait porter un coup sérieux à la continuité des relations régionales. Et les quelques petites phrases lancées aux médias, « entretenir de bonnes relations avec tous nos frères latino-américains » ou « récupérer notre relation avec le Brésil », risquent de paraître rapidement insuffisantes aux partenaires sud-américains.

 

Olivier ANTOINE

Chercheur associé au programme Amérique latine de l’IPSE

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