Front National, Jobbik (Hongrie), Pegida (Allemagne)… D’ouest en est, on déplore la montée des mouvements dits « populistes » en Europe. Faisant appel au « ras-le-bol » de l’électorat, à ses émotions plutôt qu’à sa réflexion, leur progression désempare la classe politique et semble difficile à contrôler.
Mais au fait, qu’est-ce que le « populisme » ? Démon mais aussi parfois moteur des démocraties, le populisme recouvre d’un continent à l’autre des réalités très différentes que le colloque « Populisme ! Regards croisés en Europe et en Amérique latine » s’attachera à mettre en lumière le 17 décembre prochain.
Luis Alejandro Avila Gomez, responsable du Programme Amériques de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) et organisateur du colloque en partenariat avec la Revue civique et Opinion Internationale, répond à nos questions…
Comment distingueriez-vous le populisme latino-américain du populisme européen ?
Le populisme n’est en soit ni un bon ni un mauvais concept, il a pour caractéristique d’être approprié par toutes sortes d’idéologies, quel que soit le bord politique d’où elles sont issues.
En Amérique latine, le populisme est vécu comme un processus de rupture avec l’ « establishment » : là-bas, les gouvernements populistes cherchent à créer des nouveaux espaces de solidarité régionale, qui émergent grâce à l’ALBA-TCP, l’UNASUR, PétroCaribe, ou à un redimensionnement du MERCOSUR… Tandis que la dynamique européenne du populisme est majoritairement concentrée à la droite du spectre politique. Elle remet en question les processus d’intégration supranationale comme l’Union Européenne.
En Amérique latine, le populisme a permis parfois de sortir de régimes dictatoriaux. Peut-il y avoir un « bon populisme » ?
Face à l’échec du néolibéralisme en Amérique Latine, exemplifié par le « miracle chilien » sous Pinochet et vendu par M. Friedman et les Chicago boys comme une source de progrès, les conditions pour une interpellation des masses ont été réunies, propices à l’ascension de gouvernements populistes de gauche.
L’inquiétude essentielle aujourd’hui consiste dans l’importance et la grande variété des revendications populaires. Le défi, c’est de trouver une voie qui permette d’intégrer toutes ces demandes au sein d’un même projet. Tenter d’intégrer toutes les revendications, même celles auxquelles on ne s’était pas attendu, voilà à quoi un « bon populisme » devra s’appliquer. Le populisme relèverait alors par la même occasion le défi d’un discours politique qui articule toutes les différences.
Le populisme a-t-il été un enjeu des dernières élections en Argentine d’une part, et au Vénézuela d’autre part ?
Le populisme n’a pas été l’enjeu premier de ces élections. Les vrais enjeux objectifs furent d’abord d’ordre économique : ils sont liés à la chute du cours des matières premières et au sabotage économique, interne et externe. A cela s’ajoutent une série de mauvaises décisions politiques et économiques, mais aussi des phénomènes de corruption. Ces crises entraînent depuis quelques années la construction d’un nouvel imaginaire politique.
Il est important de remarquer que, bien que la droite ait traversé un processus de désengrènement de son projet politique et de sa structure démocratique (le parti), elle s’est progressivement organisée derrière une puissante source d’influence, les médias, acteurs déterminants dans le désistement et dans le basculement du choix des électeurs.
Or depuis quelques années, il se construit un nouvel imaginaire politique au milieu d’un processus de « tensions créatrices » dans la région, et les circonstances politiques se donnent et se donneront pour la création de nouvelles institutions, en articulation plus directe avec le peuple. La victoire de la droite en Argentine et au Venezuela déclenchera un processus de révision de la gauche de ces pays, dans leur essence, toujours en phase avec les intérêts du peuple.
En présence de Luis Alejandro Avila Gomez, du président de l’IPSE, Emmanuel Dupuy, du chercheur à la Fondation Jean Jaurès, Gaël Brustier, de l’ancien directeur de l’institut de Hautes Etudes de l’Amérique latine, Georges Couffignal, du fondateur de la revue civique, Jean-Philippe Moinet, de l’ancien directeur de l’Institut études de sécurité Union Européenne, Alvaro de Vasconcelos,du cofondateur de medelu.org, Christophe Ventura, et de l’ancien fonctionnaire de l’Union européenne Georges Estievenart.
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