La fin annoncée du bipartisme en Espagne, qui va probablement contraindre le prochain chef de gouvernement à former un gouvernement de coalition, ne cache guère l’autre enjeu majeur des législatives espagnoles : l’indépendance de la Catalogne.
Les élections législatives espagnoles se tiennent à un moment clé dans le bras de fer entre le gouvernement catalan et Madrid. Il faut dire que les années Rajoy n’ont pas été placées sous le sceau apaisé au dialogue.
La « vague » indépendantiste est montée, peut-être moins par la pression populaire spontanée et insistante du peuple catalan, qu’en réaction à la sourde oreille et au refus de toute discussion opposée par le gouvernement conservateur espagnol depuis 2012. Cette année-là, Mariano Rajoy a refusé net de discuter d’un nouveau Pacte fiscal, ce qui a entraîné la dissolution du Parlement catalan et de nouvelles élections qui ont fait progresser les partis indépendantistes.
En effet, on l’oublie trop, au départ, ce que demandent les Catalans, c’est un rééquilibrage fiscal. Non par déni de solidarité avec le reste de l’Espagne mais parce que, au-delà d’une ponction de plus de 4,5% de la richesse locale, ce qui est le cas depuis des décennies, c’est l’économie catalane qui se trouve prise à la gorge. Bon nombre de décideurs catalans invoquent l’exemple allemand où le Tribunal constitutionnel a lui-même reconnu que le fédéral ne peut dépasser un certain plafond de prélèvements sur les Länder.
La doctrine du Président de la Catalogne, Artur Mas, est clair : « j’ai un mandat du peuple catalan pour aller à l’indépendance mais je suis près à discuter. » Précisément : lors des dernières élections du Parlement catalan, le 27 septembre dernier, qui avaient vu une très forte participation, 48% des électeurs catalans s’étaient prononcés pour l’indépendance, 39,45% contre et 11,5% sans opinion. Aujourd’hui, 72 des 135 parlementaires catalans sont indépendantistes.
L’enjeu catalan des législatives espagnoles
Les Catalans demandent principalement une révision de la Constitution espagnole pour permettre l’organisation d’un référendum à Barcelone, ce que ne favorise pas la Loi suprême espagnole actuelle. Et c’est là l’autre enjeu des élections législatives de ce dimanche dans toute l’Espagne.
Alors que les deux partis traditionnels, le PP (conservateurs) et le PSOE des socialistes [ce dernier est favorable à un Etat fédéral] y sont opposés, en revanche, parmi les deux nouvelles forces politiques montantes, Podémos est favorable à une telle réforme et à un tel référendum (sans pour autant être pour l’indépendance, son électorat étant divisé sur ce point). Au nom d’une approche démocratique, il faut donner la voix au peuple. Le nouveau centre droit, au programme plus libéral que le PP, de Ciudadanos prône, lui, le dialogue dans l’unité de l’Espagne.
Donc, si Podémos (qui a remporté la Mairie de Barcelone en mai dernier) venait à se rendre incontournable ce soir pour toute formation d’un nouveau gouvernement, la nouvelle gauche espagnole pourrait mettre dans la balance des négociations un tel référendum.
Quelle serait l’issue d’un tel référendum ? Le 9 novembre 2014, une consultation, dont le caractère de référendum avait été invalidé par le Tribunal constitutionnel espagnol saisi par le gouvernement Rajoy, et qui avait réuni 2 millions d’électeurs catalans, avait donné 80,7% pour l’indépendance. Mais ce sont les indépendantistes qui sont allés « voter ». Les opposants à l’indépendance se réservent-ils pour le Jour J, annoncé pour 2017 ?
L’autre mandat du président Artur Mas est en effet temporel : le Président catalan a 18 mois pour orchestrer la rupture légale avec l’Espagne. 2017 sera donc une année décisive.