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11H10 - mardi 12 janvier 2016

L’aventure Technion : au commencement, une vision

 


Comment cette université en moins de cent ans d’existence s’est-elle hissée au niveau des plus prestigieuses au monde ?

 

Le campus du Technion une petite ville - Crédit photo : Erez Lichtfeld

Le campus du Technion une petite ville – Crédit photo : Erez Lichtfeld

 

L’histoire de l’humanité s’est écrite dans un mouvement inexorable vers le progrès d’une (r)évolution à l’autre, politique, philosophique, technique, plus ou moins rapide, profonde et drastique, se ménageant ici et là quelque plage de repos. Dans le fil de cette narration, le xxisiècle semble vouloir s’inscrire comme celui de l’élan perpétuel en avant, de rebondissement en rebondissement. Un siècle fou, passionnant, même si parfois dévorant, qui s’acharne à toujours repousser plus loin les limites du savoir, du possible.

Dans cette séquence de l’histoire, Israël s’est vu décerner le surnom de « start-up nation » en grande partie grâce au Technion, fer de lance de l’innovation et de l’entreprenariat.

 

Lorsque, en 1924, sur le mont Carmel à Haïfa, le Technion ouvre les portes à sa première promotion, de 17 étudiants, Israël n’existe pas encore. C’est justement dans l’espoir de son édification, et afin de se préparer à le construire, le développer, et le faire prospérer que le cinquième Congrès sioniste a, en 1901, résolu de fonder cet institut polytechnique.

En 1948, année de la création de l’État d’Israël, le Technion compte déjà 680 inscrits. En 1969, il inaugure sa faculté de médecine, une rareté parmi les universités techniques.

Son aura et sa renommée n’ont cessé de grandir depuis. Après avoir convaincu par l’excellence de ses travaux la communauté scientifique, le Technion a réussi à gagner l’attention de partenaires économiques en Asie, en Europe et aux États-Unis.

Quel est donc le secret de ce succès spectaculaire ? Selon Muriel Touaty, présidente de l’association Technion France, c’est dans la mentalité israélienne qu’il réside. Et plus précisément dans trois de ses caractéristiques : le choix de l’excellence plutôt que de l’élitisme, l’absence de hiérarchie et l’incertitude existentielle.

 

Le secret du succès : rien n’est jamais acquis

Muriel Touaty, directrice de l’association Technion France - Crédit photo : Erez Lichtfeld

Muriel Touaty, directrice de l’association Technion France – Crédit photo : Erez Lichtfeld

Parce qu’Israël ne dispose d’aucune richesse naturelle hormis la matière grise, le « dépistage » des forces vives de l’avenir y est une priorité. Muriel Touaty n’en doute pas, l’empressement des enseignants à repérer ceux qui demain pourront au mieux servir et construire le pays s’inscrit dans une dimension patriotique. Dans cette quête de talents, nul territoire n’est oublié, nulle communauté négligée. En témoignent mieux que tout discours les 20 % d’étudiants arabes du Technion.

Autre facteur de succès, la qualité des relations humaines. L’absence de hiérarchie génère une liberté qui dynamise le système et les individus. « Au Technion que l’on soit en première, en deuxième année ou doctorant, si l’on a besoin d’un renseignement, on va directement à la source il n’y a pas dix mille étapes pour arriver à la bonne personne. » Cette accessibilité des moyens et des personnes favorise la communication, facilite les démarches, augmentant l’efficacité et la réactivité, assure Muriel Touaty.

Selon elle, enfin, la clé du « mystère » Technion est le besoin vital qu’ont les Israéliens d’aboutir, de concrétiser, afin de convaincre les autres et eux-mêmes de leur légitimité. Pour expliquer l’origine de ce « besoin vital » particulier à Israël, elle s’appuie sur une métaphore. « Dès lors qu’on se lève le matin sans savoir si on se couchera le soir, c’est dans ce laps de temps T, entre le questionnement “est-ce que je serai mort ce soir” et le moment où on se couche, que se place l’élan vital, c’est là que se place le combat, le parcours d’épreuves et c’est là qu’on doit réussir le pari pour tout simplement être. »

La créativité qui fait la force du Technion tient donc à ce « rien-n’est-acquis », à l’urgence d’apporter sa pierre à l’édifice, sa contribution à l’humanité. Et c’est pourquoi « le logiciel du Technion est inversé par rapport à celui des instituts de recherche européens et notamment français. Ses chercheurs aspirent à répondre aux demandes du marché. Alors qu’en France on reste dans la recherche fondamentale. » C’est certainement une des raisons de l’intérêt accru des Français pour l’écosystème entrepreneurial israélien en général et pour le Technion.

 

Pour aller plus loin :

 

L’association Technion France

« C’est à travers des domaines universels comme la science, la technologie et l’excellence de l’éducation qu’on force les barrages », affirme Muriel Touaty. Directrice générale de l’Association Technion France, elle est chargée d’initier des collaborations académiques, industrielles et scientifiques, entre le Technion et la France. Dans sa mission, il lui faut souvent commencer par extraire le Technion du contexte géopolitique et idéologique, dans lequel « il est empêtré par la force des choses ». Ce qui n’est pas tâche aisée. « Aussi le Technion est-il tenu à l’excellence pour se légitimer. » Moins ne suffirait pas, explique Muriel Touaty, et de tirer un parallèle avec l’histoire du peuple juif qui s’est « construit dans l’épreuve ». Mais pas question de s’en plaindre, mieux vaut en tirer profit : « Le combat et l’épreuve génèrent l’élan vital. Ils sont donc à la base de notre réussite. »

Au-delà de ses ambitions pour l’institut qu’elle représente avec talent et passion, elle espère contribuer à positionner Israël, avec ses spécificités, parmi les autres nations, comme les autres nations, « en dépit des archétypes qui peuvent se balader dans les consciences voire les inconsciences collectives ».

 

Le Technion à l’étranger

Depuis 2013, le Technion est partenaire de la prestigieuse université américaine de Cornell dans le Jacobs Innovation Institute à New York, dont l’objectif est de soutenir la recherche technologique, d’encourager l’innovation et de favoriser l’entreprenariat.

En septembre 2013, le magnat Li-Ka Shing, l’homme le plus riche d’Asie, a conclu un accord avec le Technion pour la construction dans le Nord de la Chine d’un campus Technion clé en main. Ce projet a reçu le feu vert du gouvernement chinois et un fonds extraordinaire incluant 130 millions de dollars de Li-Ka Shing. L’accent de ce campus de Guangdong sera mis sur les problématiques environnementales.

Encore en 2013, au mois de décembre, un contrat entre l’Inserm et le Technion est signé pour la création d’un laboratoire commun autour d’un projet de « nez électronique ».

En septembre 2015, lors de sa visite en Israël, le ministre de l’Économie et des Finances, Emmanuel Macron, a assisté à la signature d’un nouvel accord de coopération entre l’École polytechnique et le Technion venant resserrer leurs liens officiellement noués en 2013. Il s’agit cette fois de coupler les accélérateurs des deux écoles, X-Up, lancée en avril 2015, pour la grande école française, T-factor pour l’israélienne.

En décembre 2015, en France encore, un autre partenariat est conclu avec l’institut Mines-Télécom dans le domaine du Big Data et de la ville durable et intelligente qui permettra des échanges d’étudiants, voire l’accession à un double diplôme, et ouvrira sur des collaborations en matière de recherche.

 

Quelques réalisations du Technion

Trois prix Nobel de chimie ;

La Rasagiline, un médicament contre la maladie de Parkinson, développé par Teva Pharmaceuticals en coopération avec le professeur Moussa Youdim et le professeur John Feinberg du Technion ;

ReWalk, un système d’assistance à la marche, utilisant un exosquelette, qui permet aux paraplégiques de se tenir debout et de se déplacer ;

Pillcam, capsule d’endoscopie de Given Imaging, cette start-up issue de l’incubateur du Technion emploie plus de 2 000 personnes aujourd’hui ;

Le nez électronique de détection des cancers, mis au point par Hossam Haick, professeur au Technion qui sera bientôt mis sur le marché ;

La clé USB, inutile de la présenter, inventée par Dov Moran…

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