« Je voulais moi aussi être un roi »
Certains choix ont besoin de temps, d’une réflexion posée, de considérations plus ou moins laborieuses des pour, des contre et des comment. Celui d’Elad est de ces autres qui ne prennent qu’un instant et changent tout dans l’élan. Son père l’avait inscrit au cours de chant sacré, quand il avait six ans. Rien de plus naturel. Dans les familles religieuses, les garçons doivent apprendre les airs traditionnels pour participer à l’office du shabbat à la synagogue. L’intention de son père n’était donc pas alors de faire de lui un musicien – même s’il avait une jolie voix. Ce n’était pas non plus celle d’Elad d’en devenir un.
Puis un jour, il tombe en arrêt devant un homme « pas grand mais si impressionnant ! » dans sa djellaba blanche, un tarbouche rouge sur la tête, jouant du violon andalou. Plus tard, de retour chez lui, il déclare à son père sa volonté d’apprendre à jouer comme cet homme. « Plutôt que la musique, c’est sa posture qui m’a séduit, analyse Elad aujourd’hui. Il trônait avec son violon. Il avait l’air d’un roi. C’est ce que je voulais : moi aussi être un roi. »
Et il en est devenu un. Même si l’affaire au début semblait impossible à gagner. En effet, l’artiste, le « roi », Yehoshuha Azoulay, refusa dans un premier temps de lui donner des cours. Il fallut le convaincre.
« J’ai rendu mon père fou. Mon père l’a rendu fou. Finalement, il a dit : ok, amène-le. On verra. Si je l’aime bien, d’accord. »
Le public s’est laissé porter
C’est ainsi qu’Elad a appris l’essentiel de son art auprès de ce professeur qui ne voulait pas enseigner. « C’est surtout qu’il ne comprenait pas pourquoi j’en avais envie. Ni pour quoi faire. » En Israël, en dehors des fêtes de famille, personne à l’époque n’écoutait cette musique marocaine, « considérée comme barbare ». Elle n’avait donc pas d’avenir. Du moins, c’est ce que tous pensaient. Et c’est là que tous se trompaient.
Ils ne prévoyaient pas qu’un mouvement amorcé dans les années 1980 redonnerait un coup de vie aux cultures délaissées, les réhabiliterait. Un mouvement qui d’abord discret se transformerait en vague.
Le public s’est laissé porter. Il a fait du chemin. Elad a fait le sien. Outre la maîtrise du violon, il a appris à connaître cette musique « riche et profonde », à être fier de la servir.
Son ambition aujourd’hui est de transmettre au plus grand nombre ce « virus » qu’il a contracté. C’est à la consécration de sa musique qu’il aspire. Il rêve de contribuer à lui regagner son honneur. « Que les gens l’aiment et la respectent. Pas moi ni mon talent. Ma musique. »
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